Sur Inclass@bles Mathématiqu€es 2.0, Edith Kosmanek propose un extrait de l'ouvrage "Vivre avec les mathématiques", publié au Seuil en 2009 et écrit par Jean-Michel Salanskis, mathématicien et philosophe des sciences, professeur à l’université Paris-Ouest Nanterre-La Défense. La critique de "Vivre avec les mathématiques" par Le Monde est ici et celle de France Culture là.
Le titre de l'article et de l'extrait, "l'inavouable scolaire", a attiré mon attention. Je ne retranscris ici que des extraits de l'extrait proposé par madame Kosmanek, à aller lire en entier si cela vous intéresse.
"Mathématiser, c'est partager des formes imaginaires susceptibles de couvrir les présentations, c'est partager des rites ludiques scripturaux. Parce que le statut "objectif", "externe", "indépendant" de l'objet mathématique est douteux, toute vie avec les maths ne trouve son assurance que dans de tels partages et ne saurait naître et procéder que de l'école. C'est de cela que l'amoureux des maths fait l'épreuve en se trouvant mis en situation d'enseigner. Alors qu'il s'était habitué à vivre la mathématique dans un corps à corps privé avec ses textes, ses énigmes, ses labyrinthes, il avait oublié à quel point cette aventure solitaire présupposait l'extraordinaire, l'intériorisation d'un partage, d'une école, d'une tradition, d'un rite.
A vrai dire, le rituel de l'école est ce que l'enseignant retrouve entre les murs du collège et du lycée, quelle que soit sa discipline. S'il y a quelque chose de prépondérant dans ces établissements, en même temps que refoulé dans tout le reste de la vie sociale, c'est ce que j'aime appeler "l'inavouable scolaire". Par là, j'entends la manière dont les élèves et enseignants sont captivés par le rituel scolaire dont chaque micro-épisode sécrète d'émouvantes intensités. A l'intérieur des bâtiments de l’Éducation Nationale, au fil des jours rythmés par les emplois du temps et les services, se joue le jeu du mérite, de la bonne et de la mauvaise volonté, de la distinction, de la récompense, de l'échec, de la réprobation, de la note, de la joie de la reconnaissance, de l'émotion de la transmission ...
Or tout cela est largement inavouable !
L'élève ne peut pas avouer à quel point il désire réussir et être bien vu. (...) Symétriquement, celui qui enseigne découvre avec effroi et stupeur à quel point ce qui se passe dans sa classe lui importe: les péripéties de l'échec et du succès, de la pédagogie et de la compréhension des élèves. (...) Le vécu de l'enseignant qui sent que les élèves ont décroché, qu'ils attendent seulement que l'enseignant cesse de les perturber sans rien leur promettre, est un des pires vécus de déchéance que l'on puisse traverser. Les enjeux du savoir et de la pédagogie prennent toute la place, se substituent aux modalités ordinaires de la vie dans l'enceinte scolaire, et composent une étrange totalité, à la fois communautaire, sentimentale et intellectuelle, absolument impossible à communiquer et à faire accepter au dehors: l'inavouable !
Celui qui enseigne les maths dans les classes du secondaire se trouve plongé dans l'inavouable plus que n'importe quel autre enseignant. D'abord en raison du poids de sérieux et de responsabilité qui revient aux maths. Le monde ambiant s'est tellement habitué à voir en elles le lieu de la principale sélection que les élèves, la plupart du temps, ressentent qu'autour de la réussite en maths se joue quelque chose d'essentiel qui dépasse l'aléatoire et le transitoire. (...)"
Je crois comprendre le message de Jean-Michel Salanskis dans ce qu'il décrit de tout cet affectif de la classe de mathématiques, mais pas du tout pourquoi il parle d'"inavouable". Il me semble décrire l'humain, le jeu empathique naturel et nécessaire au bien-être de chacun à l'école. Alors pourquoi "inavouable" ?
Merci, Claire, d'avoir donné suite à mon article.
RépondreSupprimerLes commentaires d'Olivier LEGUAY sur son blog "Inclassables ..."sont intéressants.
Comme lui, j'estime que le qualificatif "inavouable" est inadéquat.
KOSMANEK Edith
Docteure en maths
Brevetée pilote d'avion
Universitaire retraitée