Pages

mercredi 29 octobre 2014

Attention, ce post est plein de graphiques (particulièrement) démoralisants

Un article d'Eduveille propose une analyse et des liens vers Talis 2 (teaching and learning international survey), une enquête sur les enseignants au niveau du primaire et du collège réalisée en 2013, auprès de 200 établissements par pays, 20 enseignants et un chef d’établissement par établissement. 34 pays ont participé, dont la France pour la première fois.
 C'est une étude très complète, et les éléments que je livre ici sont forcément choisis de façon subjective. Au départ, mon attention a porté sur la satisfaction professionnelle et sur l'évaluation. Mais en fait tout vaut le coup d'être lu, pour prendre la température de la France, ce dont parle la suite de mon post, mais aussi pour avoir une vision plus internationalement globale et pour tous les exemples précis de ce qui se fait ailleurs, du Mexique à la Suède, en passant par la Thaïlande et l'Australie.

La satisfaction professionnelle dépend de la relation de l'enseignant aux élèves, de l'importance du travail d'équipe, bref de la communication. L'enseignant est un être essentiellement communiquant, tout malheureux lorsque l'ambiance au boulot est pourrie (comme tout le monde, du reste), lorsqu'il faut brailler comme un âne pour être écouté de son jeune public, lorsque rien de nouveau ne se passe. Plus l'enseignant participe à des formations, plus il s'épanouit. (Ben oui. C'est pour ça que j'aime participer et animer des formations avec des collègues. Ca donne la pêche, de l'envie, ça ouvre des horizons. Parfois ça permet de franchir un pas, d'oser.) Les enseignants réclament aussi de pouvoir prendre part aux décisions, et l'efficacité globale du système éducatif influe sur leur moral (ce qui est plutôt rassurant : ils ont envie  de s'inscrire dans un système efficace).
En attendant, le tableau dressé est tristounet :
et la France est (presque) tout en bas :


Peu d'enseignants estiment leur profession valorisée dans la société, mais beaucoup sont satisfaits de leur emploi. L'étude annonce qu' "il existe une relation positive entre la perception qu'ont les enseignants de la valorisation de leur métier et la proportion d'élèves très performants en mathématiques". Pour (re)valoriser les filières non S, ce n'est décidément pas gagné.
La France se situe dans une région particulière de ce graphique : la proportion d'élèves "très performants en mathématiques" n'est pas ridicule, mais la société française donne aux profs une grosse sensation de désamour. A creuser...

Toujours côté déprime, il y a ça :
Nous, professeurs français, ne sommes pas au top. Il serait intéressant de savoir pourquoi aussi peu de collègues pratiquent le travail en groupes, utilisent les TIC ou se lancent dans des projets à moyen ou long terme. Ne se permettent-ils pas (par peur de ne pas gérer la classe, par impression de manquer de temps) ? Pensent-ils ne pas en avoir besoin ? 

Ci-dessous, pas de grosse surprise, excepté sur les appréciations portées sur les copies. A mon sens, une note chiffrée sans commentaire est une hérésie.

Le graphique ci-contre a retenu mon attention en raison de son échelle, en abscisse. Il donne l'impression que très peu d'enseignants sont d'accord avec les deux dernière affirmations, alors qu'il y a foule pour les deux premières. Or la différence est de 10%. Une autre origine de l'axe aurait donné un ressenti beaucoup plus positif. Voilà un graphique que je vais utiliser en classe.
Au passage, l'item "les processus de réflexion et de raisonnement sont plus importants que le contenu spécifique des cours" me rappelle une conférence récente. Le conférencier, en début de séance, nous a demandé de nous lever en fonction de notre accord avec diverses affirmations. A "la discipline que j'enseigne est la plus importante" (ou peut-être "très importante", j'avoue ne plus être certaine), beaucoup de collègues se sont levés. Je ne sais toujours pas si c'était de l'humour, en fait. Peut-on vraiment penser que nos contenus disciplinaires, au niveau secondaire, sont importants en eux-mêmes ?

La section qui concerne la direction des établissements est intéressante elle aussi. Ce graphique-ci est assez instructif,

mais le suivant m'a plu particulièrement car j'ai eu un choc : au premier regard, on a l'impression qu'être chef d'établissement est un choix regretté par une majorité écrasante de chefs, de façon internationale. En fait, les petites lignes sous le graphique indiquent que les réponses à "je regrette ma décision d'être devenu chef d'établissement" correspondent à "pas tout à fait / du tout d'accord".
Il demeure que la France est en queue de peloton quant à la satisfaction de ses chefs d'établissement, ce qui s'accorde avec celle des enseignants d'ailleurs.
Un dernier graphique pour la route, sélectionné dans la section sur l'évaluation des enseignants :
Ouch. Ca pique. Après lecture de tout ceci, et comme mon esprit français a tendance à retenir davantage le négatif que le reste, j'ai la forte impression que personne ne se comprend dans notre système. Parents-profs, profs-chefs, profs-inspection... J'espère que ça va mieux pour les élèves, parce qu'au final, c'est juste pour eux que nous oeuvrons, tous.
Pfiou, j'ai un coup de vague à l'âme, moi.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire