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dimanche 19 octobre 2014

Il y a évaluer et évaluer. Moi, j'ai choisi d'évaluer.

Je m'explique.
J'ai donné cette semaine une évaluation à mes élèves de troisième. En troisième, c'est enquiquinant, je dois évaluer en notant (il y a le DNB, il faut une moyenne représentative de contrôle continu) et j'évalue par compétences, parce que j'en ai envie, et parce qu'à mon sens c'est bien mieux. Pratiquer la double évaluation ainsi est peu naturel, d'autant que puisque j'évalue sommativement pour l'obtention du DNB, je leur propose uniquement des exercices issus des annales du brevet. Exercices qui ne sont pas forcément conçus pour être évalués par compétences.

Et là, surprise. Les bilans de compétences et les notes coïncident peu. En tout cas, nettement moins que ce à quoi je m'attendais. Voici trois exemples, d'élèves que peu de points séparent, qui ont tous "moins de dix", et qui de ce fait auront peut-être le même ressenti devant leur note. A tort. J'espère que ces élèves étudieront leurs compétences acquises et non acquises (je vais les y encourager vivement et activement).

L' élève A a 8 sur 20.  Son bilan de compétences donne une image positive de son travail et de son évolution, mais est contrasté : cet élève, lorsqu'il sait fais les choses, les fait très bien. Il applique les consignes données en classe, a entendu et pris en compte les conseils. En revanche, lorsqu'il n'est pas sûr de lui, il ne répond rien. Comme il n'a pas traité deux exercices, il s'est privée de 6 points. Il est aussi très étourdi, et des chiffres se déforment et se transforment d'une ligne à l'autre, le menant à l'impossibilité de répondre à certaines questions. Mais il a traité le reste avec rigueur, en expliquant ses démarches, en mettant en valeur des connaissances fondamentales. De plus, les exercices résolus regorgent de compétences variées, alors que ceux qu'il n'a pas traité consistent en des applications de formules pour calculer des volumes, avec des manipulations valeurs approchées/valeurs exactes qui  l'ont gêné.
Cet élève est bien parti et son devoir est encourageant. Ce que n'exprime pas du tout son 8/20.

L'élève B a 6,5/20. Pas si loin de l'élève précédent... Pourtant, son bilan de compétences est très faible. Cet élève parvient à répondre aux questions de lectures graphiques, a su identifier les bonnes formules à entrer dans un tableur parmi une liste de propositions et a réalisé les figures géométriques. Autrement dit, c'est un élève très en difficulté depuis longtemps en mathématiques, mais il a compris que les sujets proposent des questions auxquelles il est capable de répondre. Cet élève met en oeuvre une stratégie de grignotage de points dans l'espoir de décrocher son brevet, et il a bien raison d'ailleurs de procéder ainsi: : 6,5 points sur 20, ce n'est tout de même pas rien. Sauf que... En terme de compétences, il y a bien peu de choses validées : la leçon n'est pas sue, les méthodes relatives aux années précédentes ne sont pas assimilées.
Cet élève est en décrochage, et sa note est surévaluée par rapport à ses acquis. Peu importe cette note et sa signification d'ailleurs. L'enjeu est de le remettre au travail et de lui faire comprendre qu'essayer de progresser, se lancer, en vaut la peine.

L'élève C pour finir : 9/20 et un bon bilan de compétences. Là, c'est un cas très particulier (mais chacun de nos élèves n'en est-il pas un ?). Cet élève est très sérieux, mais très angoissé par les évaluations. Cela se traduit par une grande lenteur en temps limité (alors qu'en classe il réalise les travaux rapidement), par une remarquable maladresse dans l'utilisation de la calculatrice (des applications numériques justes donnent des résultats systématiquement faux), et par une capacité à interpréter complètement de travers une consigne, qu'il va d'ailleurs comprendre, foudroyé par l'évidence, au moment où il me tendra sa copie. Pratiquement aucun résultat n'est juste, presque aucun raisonnement n'est achevé. Mais cet élève manipule les fonctions sans problème, sait appliquer les grands théorèmes de géométrie, a tout compris de l'utilisation du tableur. Mais il vit mal l'évaluation et n'est pas "dans le moule" :  sa production ne permet pas de lui attribuer les points prévus dans le barème.
Cet élève-ci est a compris plein plein de choses mais risque d'être découragé ou dégoûté par sa note. Alors que c'est bien, ce qu'il a fait. Et que sa façon de ne pas "être dans le moule", le concernant, est une richesse.

Retourner à la note me semble maintenant impossible, dans mes pratiques. Je pensais déjà évaluer par compétences en notant de façon sommative, les années précédentes. Mais en fait ce n'était qu'une esquisse. Et je traîne comme un boulet le fait de continuer à noter en troisième.

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