C'était un regard tout à fait intéressant sur l'actualité, la citoyenneté, l'engagement, la cartographie en général, l'utilisation qui en est faite. L'objet de la conférence était une présentation de la cartographie radicale Il se trouve que c'est en lien avec mes pratiques de classe, puisque je fais régulièrement créer des cartes mentales ou des cartes sensibles à mes élèves, liées aux mathématiques ou à leur vie de collégien. Pour un résumé et des documents relatifs à la conférence et aux travaux de monsieur Rekacewicz, je vous renvoie à cet excellent article.
Monsieur Rekacewicz, entre autre, a expliqué la difficulté de l'exercice cartographique : la carte est forcément subjective, et des contraintes techniques la "faussent" dans son objectivité. Par exemple, représenter une route n'a pas vraiment de sens, de la façon dont on le fait : rien que la largeur du trait correspondrait, une fois l'échelle appliquée, à des voies de circulation d'une largeur très excessive. Pourtant, il faut bien représenter ; autant alors, selon Philippe Rekacewicz, se départir de conventions inutiles et représenter de façon plus sensible, davantage pour se faire comprendre que pour "simplement" représenter (ça n'a rien de simple, en fait, mais je résume).
Cela m'a fait penser à la difficulté de représenter un solide sur une surface plane. Je trouve le parallèle particulièrement bijectif :
- Pour représenter un solide (magnifiques animations de Thérèse Eveillau en lien), on choisit d'abord l'angle de vue. Si je veux représenter une pyramide à base carrée, plusieurs choix s'offrent à moi. Je peux la représenter vue du dessous, mais alors je dessine un carré et ses diagonales en pointillés (ce sont les arêtes cachées, et leur intersection correspond au sommet de la pyramide). Ou bien je peux la représenter vue du dessus (même représentation mais sans pointillés). Ou encore du point de vue d'un observateur qui se tiendrait devant une des faces latérales (alors je représente un triangle isocèle et c'est tout, les arêtes cachées se confondant avec les arêtes visibles). Ou enfin, comme la plupart du temps, en me décalant, pour pouvoir figurer plusieurs faces et ainsi mieux me faire comprendre. Mais dans le fond, je peux manipuler la réalité et jouer avec le ressenti de l'observateur de la même façon qu'avec une carte.
- Les règles, les conventions de la perspective choisie, ensuite, me permettent de transmettre des informations que j'ai sélectionnées, mais me limitent dans ma communication. Dans mon premier point, je me suis cantonnée à la perspective cavalière, souvent utilisée en mathématiques. Mais d'autres choix sont possibles et là aussi, ces choix conditionnent la compréhension de l'observateur. Si je choisis de représenter avec un ou plusieurs points de fuite, leur place déterminera l'allure de ma représentation, par exemple.
Les oeuvres d'Escher sont classiques en ce sens.
- Enfin, le parallèle est naturel car dans les deux cas, on cherche à représenter un objet (ou des tas d'objets) initialement en trois dimensions (voire en quatre, dans le cas de la carte, car le temps entre aussi parfois dans la représentation) sur une surface. Le problème est insoluble et pour comprendre un solide, la seule solution complète est de la voir en ayant possibilité de le manipuler. Cela me renvoie à Borges, cité hier par Philippe Rekacewicz (un article en parle ici).
Une remarque de Philippe Rekacewicz m'a interrogée : en réponse à une question, il a expliqué que selon lui, on pouvait presque retirer les éléments "classiques" de la carte (les frontières, les noms des pays, voire les côtes), car la compréhension de l'observateur est intuitivement complétée par habitude et culture des conventions. Par exemple, sur une de ses cartes, les continents étaient remplacés par des rectangles et cela ne se remarquait pas forcément. On perçoit les éléments "purement géographiques" (je sens bien que cette expression doit faire bondir les géographes) sans qu'ils soient forcément représentés, ou précisément représentés. Je me demande s'il en serait de même en géométrie spatiale. Pourrait-on représenter des configurations en en sous-entendant des parties, et être universellement compris ?
Pour finir, et c'est la raison du titre de ce post, Philippe Rekacewicz a cité plusieurs fois Kandinsky, avec Point, ligne, plan en 1923. Là aussi, la correspondance avec les notions mathématiques est frappante, et pourtant dès qu'on lit Kandinsky, on s'aperçoit que nos points, nos lignes et nos plans sont bien différents. Justement je venais aujourd'hui de lire Du point... à la ligne de Denis Guedj, et tout cela résonne. Il faudra que je me penche plus précisément sur ce qu'écrit Kandinsky. Voilà du passionnant en perspective...
C'était un jeu de mots, la conclusion...
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