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mercredi 31 décembre 2014

Des bandes pour soigner l'école

Après notre visite au Musée National de l'Education, mon prof d'histoire-géo préféré nous a trouvé des bandes enseignantes Freinet. Elles sont arrivées aujourd'hui, et maintenant mon mari essaie de nous dégotter une visionneuse : ce serait encore plus chouette de pouvoir les utiliser comme le proposait Célestin Freinet.


Les bandes enseignantes sont un des outils de l'enseignement programmé. Sur le site de l'ICEM (Institut Coopératif de l'Ecole Moderne), on trouve ici un document qui explique de façon très complète leur utilité et leur utilisation.

L'idée des bandes enseignantes est empruntée par Freinet à la pédagogique des Etats-Unis, mais adaptée à ce qu'il pense efficace :
Avant d'étudier en détail cette nouveauté, il ne serait peut-être pas inutile de la situer dans l'évolution plus ou moins récente de la pédagogie.
Nous sommes en effet à ce point subjugués par la mécanique américaine que nous avons tendance à ne considérer les machines à enseigner que comme le résultat des récents progrès de l'électronique. On en oublie la réalité toute simple : les machines à enseigner sont vieilles comme le monde.

Nous avons donc, d'une part, la théorie traditionnelle qui ne saurait s'accommoder des bandes enseignantes ; d'autre part la théorie américaine dont nous aurons à dire les faiblesses. Entre les deux, une théorie fumeuse de l'analogie, sur laquelle il sera difficile de baser une méthode de travail.

Freinet décrit la méthode américaine comme élaborée par et pour les Américains. Il cite André Tilquin :
« C'est parce qu'il est vraiment un produit américain, parce qu'il sort de l'esprit américain, que le behaviorisme était apte à en satisfaire les besoins. (...) Le peuple américain est un peuple d'hommes pratiques, avant tout, qui jugent d'un système d'idées comme d'une machine, par ses applications à la vie et aux affaires, par son utilité, par son rendement ; qui ont en conséquence le goût du concret et la passion du fait. 

Le behaviorisme, psychologie d'objet, de faits observables, enregistrables, mesurables, contrôlables ; de prévision ; qui identifie l'esprit avec le comportement, qui étudie l'homme vivant dans ses ajustements au monde des objets familiers et des affaires, et le conçoit comme une mécanique, correspond parfaitement à ce qu'exigeait le tempérament américain »

Mais, selon Freinet, le système américain a des défauts : il s'appuie trop sur l'automatisation des réponses et induit un "conditionnement systématique qui, sous couvert d'un pavlovisme rendu abusivement automatique, entache les formes majeures de l'éducation contemporaine." Le conditionnement par la répétition n'est pas, pour Freinet, un processus d'apprentissage.

Parmi les bienfaits de la machine à enseigner identifiés par Freinet, on trouve entre autres "qu'elle donne à l'enfant une sorte d'autonomie qui le délivre du carcan scolaire, que l'éducateur n'a plus besoin de consacrer du temps en classe aux interrogations courantes et aux examens (notre pédagogie préconise même la disparition totale des leçons magistrales, telles qu'elles se pratiquent à l'Ecole traditionnelle, suivies d'exercices et d'interrogations), que l'examen des réponses fournies par les élèves aux questions posées dans les programmes permet aux professeurs de savoir à l'avance, en préparant leurs cours, sur quels points ils auront à donner des explications complémentaires (c'est plus efficace que les gronderies ou les punitions, plus efficace même que tous les « renforcements » artificiels), qu'on se rend compte avec les bandes que l'explication ne paie pas (c'est par l'exercice, l'expérience et le travail que nous corrigeons les déficiences)."

Je m'aperçois seulement aujourd'hui comme Célestin Freinet et ses théories m'ont amenée à ma façon d'enseigner actuelle. Je me suis imprégnée de ses idées sans même m'en apercevoir vraiment. C'est une impression curieuse, et en même temps je m'inscris complètement en tant qu'élève de sa pédagogie : c'est par l'expérience, la réflexion, tous les exemples qui sont mis à disposition que j'en suis arrivée là. Pas par du "verbiage" théorique souvent dénoncé par Freinet.

Mais j'en reviens à mes bandes enseignantes. Elles sont de deux types.
  • Les bandes de découverte et d'exercices guidés. Freinet les appelle des bandes "linéaires". Elles commencent par des indications du type "Ecris en titre sur une feuille de ton classeur : construction de l'ovale.", puis explique le but de l'activité proposée, avec des mises en garde du type "Ce n'est pas difficile mais fais bien attention à ce qu'on te dit de faire." Ensuite, l'élève trouve la liste du matériel nécessaire : un crayon bien taillé, un compas, une règle graduée. Puis les différentes étapes sont proposées, pas à pas, en un minimum de mots. On propose à l'élève de s'aider de la figure en déroulant la suite de lavande, s'il en a besoin. Sinon, ladite figure lui sert à vérifier qu'il avance correctement.




  • Les bandes «à choix multiples, pour aiguiller l'élève sur une nouvelle voie ». Celle que nous avons reçue sur la multiplication en est un exemple. L'élève avance dans les tables. Selon son nombre de réponses fausses, il passe à un niveau ou à un autre de la bande.


C'est tout à fait le genre de choses que je pratique en salle info :

 Je craignais que ce type de travail soit trop compliqué à comprendre, et en fait les enfants avaient tout de suite compris et adhéré.

 Je suis toute contente avec mes bandes enseignantes et cela apporte de l'eau à mon moulin pour les tablettes. Mais je n'ai pas fini de réfléchir.

Comme en ce moment la fatigue et un relatif isolement professionnel me minent un tantinet, je termine par ces mots de Freinet :

«Que les bonnes volontés ne se découragent pas car souvent tout est vrai, 
alors que tout semble faux ».

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