Au départ, le film m'a attirée parce qu'il me semblait aborder la question de la façon de vivre l'Islam en France aujourd'hui. Et puis Abd Al Malik, dans les interviews qu'il a récemment données, semblait attribuer à l'école un rôle positif. Par exemple, dans l'interview de Coralie Bach sur le site Vousnousils, il déclare :
« Mes années d'école années comptent parmi les meilleures. J’ai eu la chance de rencontrer des professeurs qui m’ont donné le goût d’apprendre. J’ai pu développer une curiosité et une ouverture d’esprit.
C’est notamment grâce à mes enseignants que j’ai pris une direction positive. L’école a réellement été une chance pour moi, je suis le résultat positif de l’Education nationale. Ce serait bien que ce soit le cas pour tout le monde.
Nous devons arrêter de les dénigrer (les enseignants). J’entends trop de personnes dire que les enseignants sont des fainéants qui ne font pas leur travail… Je trouve cela très grave. »
Le film Qu'Allah bénisse la France est adapté du live éponyme d'Ab Al Malik. Le rappeur souhaitait montrer que vivre en harmonie est possible, que les frontières des cités sont symboliques et peuvent être traversées, dans les deux sens. Mu par sa foi, il revendique l'amour de la France, le respect de la République. Il considère qu'il a réussi "par chance", et que ce n'est pas normal.
C'est Abd Al Malik qui a réalisé son film. Un premier constat s'impose : esthétiquement, c'est vraiment une réussite. Les images, les visages, la cité, tout en noir et blanc et avec sobriété et humanité, c'est beau.
Ensuite, le propos est sincère. Abd Al Malik montre la vie dans la cité, à Strasbourg, de façon directe, crue, sans fard. Ses références à La Haine sont évidentes.Il filme avec froideur et humanité, et ça c'est fort. Mais il expose aussi sa propre histoire de la même façon : il n'a pas toujours fait les "bons" choix, l'assume mais ne le glorifie pas.
Tout est équilibré dans le film : l'Imam (remarquable), la police (avec des hauts et des bas...), l'intolérance (vers et dans la cité, et même entre musulmans), les rapports humains. Les personnages sont complexes (Sabrina Ouazani est lumineuse, Mickaël Ragenraft extraordinaire). L'accès d'Ab Al Malik à l'Islam est beau, son évolution intéressante, sa juxtaposition avec la chrétienté de sa maman naturelle, mais là j'aurais aimé que cet aspect soit plus développé. Sur l'Islam, Abd Al Malik déclare, sur La Nouvelle République.fr :
« Il y a une incompréhension. Si elle est d'ordre intellectuel, on peut toujours la régler : entre gens intelligents et rationnels, on peut toujours s'entendre. Et la France est un pays de tradition intellectuelle. Le problème, c'est l'angle que prennent les médias, en privilégiant les aspects négatifs. Le problème, c'est l'utilisation des mots, par exemple lorsqu'on parle d'islam " modéré ". Mais qu'est-ce que ça veut dire ? Cela suppose donc que l'islam serait intrinsèquement violent ou négatif, et que certains pratiquants modéreraient ces tendances. Et ça pour moi, c'est grave : ça veut dire qu'on est dans le jugement. Or l'islam, le judaïsme et le christianisme sont des religions sœurs, qui relèvent de la même tradition monothéiste, et en ce sens-là elles doivent être traitées de la même manière. Malheureusement, cela n'est pas le cas, notamment de la part de certains médias ou de certains politiques. »
Je trouve ça très bien vu et très bien dit.
Mais ce qui m'a manqué avec ce film, c'est de comprendre où Abd Al Malik veut en venir. Tout dans son film m'a intéressé, le temps est passé vite, j'ai été émue, en colère, mais l'ensemble m'a paru décousu. Je n'ai pas vu beaucoup le rapport à l'école (mais ce n'est pas grave, c'est juste que je pensais le voir), mais je ne vois pas non plus la preuve comme quoi vivre en harmonie est possible. Nous sommes si loin les uns des autres, et la drogue semble régir l'économie des cités. Un passage du film, dans le vieux et joli Strasbourg, est angoissant de vérité : comment des lieux aussi différents peuvent-uils être si proches ? Pourquoi la vie des gens qui vivent ici ou là est-elle forcément aussi violemment différente ?
Alors je laisse le mot de la fin à Abd Al Malik :
« Quand je rends hommage à la France, à la République, à nos institutions, je rends hommage à quelque chose qui ne peut exister que s'il est incarné par des êtres. Ce que j'entends par là, c'est que la France est un merveilleux véhicule, mais le problème ce n'est pas le véhicule, c'est ceux qui le conduisent. La vraie problématique, elle est là. Le film est un hommage à mon pays, au génie français. Mais il exprime aussi le fait que nous avons des responsabilités. Que le monde politique a des responsabilités, que les médias ont des responsabilités dans ce qui se passe ».
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