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lundi 27 avril 2015

Madaaaame mais qui c'est qu'a inventé les maths ...

... Il était bizarre le type, il s'est dit "tiens, je vais embêter des élèves de pendant des siècles".

C'est un de mes élèves de cinquième qui m'a posé cette sempiternelle question il y a quelques semaines. C'est une variante (agréablement imagée) de :

Mais ça sert à quoi les maths ?

J'ai demandé à une partie de mes étudiants-professeurs si ils avaient déjà été confrontés à cette question et, si oui, quelle était leur réponse.
Tous ont eu plusieurs fois affaire à cette interrogation-maronnier, en une année d'exercice. Leurs réponses varient :

- A tout !
- A faire poser des questions aux curieux.
- A faire des recherches sur internet, par exemple.
- A rien, dans le fond... A rien.
- A inventer des tas de choses.
- A compter, mesurer, représenter.
- A apprendre à raisonner.
- A des tas de choses, mais bon dire précisément quoi...
- A savoir structurer son raisonnement.

Leurs réponses sont intéressantes car elles contiennent effectivement beaucoup de champs de réponses différents, et parce qu'elles lancent aussi des tas d'autres questions.

Les maths au quotidien
Si cette question est posée dans son sens littéral, il y a effectivement beaucoup de réponses possibles : on peut trouver une flopée d'exemples concrets, plus ou moins parlants pour les élèves : google, la lutte contre le cancer, les effets spéciaux au cinéma, les jeux vidéo, dans les services de renseignements, pour modéliser les mouvements de foule, pour aller à la pêche, etc.

Les maths pour un métier
On peut aussi citer des cursus universitaires non mathématiques dans lesquels les maths sont utiles : j'ai eu besoin des angles alternes internes pour aider une étudiante en architecture, des théorèmes de géométrie "classique" pour préparer une autre à son concours de paysagiste, des graphes pour aider un étudiant à obtenir son BTS informatique de gestion, ou encore des probabilités continues pour des étudiants en médecine.

Les maths, toujours et partout
On peut encore présenter des découvertes historiques qui ont fait avancer l'humanité grâce aux mathématiques : Eratosthène qui mesure la circonférence de la Terre, Copernic qui révolutionne l'astronomie, tout plein de progrès techniques (les avions, l'électricité, la médecine, les télécommunications, ...). Toute l'histoire de l'humanité est jalonnée de mathématiques.

Oui, mais ...
Revenons à la question posée : "à quoi ça sert les maths ?". Ce qui précède y répond, mais je pense que la question est mal posée par les élèves. Bien souvent, ile ne veulent pas juste demander "à quoi servent les maths ?". Je crois qu'ils se demandent plutôt : "à quoi sert ce qu'on apprend en maths à l'école ?", ou "à quoi sert que moi, personnellement, j'apprenne des mathématiques ?".
Leur question est légitime et naturelle.
Ils sont ados, donc souvent centrés sur eux-mêmes et pleins (ou apparemment pleins) de certitudes : "moi je ne veux pas faire un métier avec des maths, j'en aurai jamais besoin", par exemple.
Dans ce contexte, c'est l'occasion de les faire sortir de cet individualisme moderne et détestable. Tu es un humain, tu fais partie du monde, tu y as ta place, tu y as à apporter des choses. Savoir ce qu'on va te transmettre te rend plus riche intellectuellement, plus libre, plus fort. Tu ne subis plus le monde, tu en fais partie. Tu ne te contente pas de vivre les événements, tu peux davantage les comprendre, les prévoir, et t'y adapter. Tu ne vois plus que les problèmes : tu sais qu'il est possible de réfléchir à des solutions. J'ai déjà récemment abordé ce sujet ici.
Ces considérations nous ont amenés, récemment, en classe de quatrième, à s'interroger si la connaissance rendait heureux ou si l'ignorance était préférable : un élève m'a expliqué que si il ne savait pas qu'il existe autant de réponses, et même autant de questions, cela ne lui manquerait pas puisqu'il n'en aurait aucune idée. Et selon lui, ce serait préférable. Il serait plus heureux.


Dans un intéressant article de l'APMEP, Francesco Colonna Romano classifie les éléments importants, selon lui, de la démarche mathématique :

1) La définition
Les questions les plus profondes sont parfois les plus simples. Définir précisément les objets que nous manipulons depuis toujours (on appelle ça « axiomatiser ») afin de déterminer un point de départ pour démontrer des propriétés plus complexes. 


2) Les notations
Le deuxième aspect capital des mathématiques, négligé par le débutant, est celui des notations : les maths sont un langage qui crée des mots nouveaux et des règles nouvelles qui permettent de décrire de plus en plus précisément des notions. Chacune des notations que l’on utilise aujourd’hui est en fait un condensé qui résume des siècles d’évolution, d’enrichissement, de recherches. D’où l’importance de la rigueur et la précision dans leur utilisation. 

3)La démonstration
Une fois précisées les notions, reste à se mettre d’accord sur les règles de raisonnement et donc de démonstration. Cette notion a évolué. Mais peut-on tout démontrer ? Autrement dit, est-ce que toute propriété mathématique qui n’est pas fausse est démontrable ? 


4) Les calculs proprement dits
Ceci est l’aspect le mieux connu des mathématiques : la résolution de problèmes et d’équations, le calcul pratique de ces solutions. Souvent, ce sont des applications aux enjeux économiques et stratégiques énormes qui ont commandé le développement de nouvelles branches mathématiques, et qui font que les mathématiciens sont et seront toujours extrêmement recherchés.


5) Les problèmes d’existence
Ceci dit, lorsque les calculs proprement dits n’aboutissent pas, où lorsqu’on ne dispose pas de formules, on se contente de s’interroger sur l’existence de solutions à un problème. 


J'aime bien cette vision des choses car elle ne s'arrête pas à la démonstration. Justifier l'enseignement des mathématiques par l'intérêt et l'utilité de manipuler des notations, de définir des objets, me semble tout à fait intéressant. C'est vrai que chacun de ces points se travaille en cours de mathématiques, et est utile à l'individu.

Finalement, cette récurrente question concerne le rapport aux apprentissages en général. A part les apprentissages de base (lire, écrire, compter), le reste peut toujours être considéré comme superflu. Pourquoi alors est-elle plus souvent posée à l'enseignant de mathématiques ?

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