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mercredi 30 décembre 2015

Boris, ses potes et la réforme

Dans Liaisons, le magasine de la CASDEN, et sur le site NousVousIls, on peut lire un interview de Boris Cyrulnik qui m'a bien plu. Au départ, l'article m'a attirée car Boris Cyrulnik prend position pour la réforme du collège, comme l'anti-école-inégalitaire. Il fait partie d'un collectif de chercheurs et d'intellectuels, comme Meirieu, De Peretti, Taddei, etc., qui se sont engagés explicitement pour la réforme.
Ils partent du constat suivant : « le collège actuel n'est ni unique, ni juste et encore moins efficace ». Je cite ici des extraits de leur tribune :

L’organisation de la formation, avec ses options facultatives et ses classes « bilangues », conduit à la création de classes différenciées socialement et même, dans certains territoires, marquées ethniquement. Comment convaincre notre jeunesse des valeurs de notre République - liberté, égalité, fraternité et laïcité - alors que le collège leur offre tous les jours le spectacle de l’injustice, de l’exclusion et de la séparation ? L’adhésion aux valeurs de la République ne passera pas par le seul enseignement moral et civique, il passera par un collège plus équitable, plus juste ainsi que par des établissements et des classes plus mixtes, socialement et scolairement. Nous ne partageons pas cette curieuse conception de la République qui consiste à considérer toute politique pour ouvrir les chemins de la réussite au plus grand nombre à un « nivellement par le bas ».

L’actuelle réforme du collège marque un pas important vers un collège plus juste en réduisant sensiblement la part des dispositifs facultatifs actuellement suivis par une minorité, en instituant des Enseignements pratiques interdisciplinaires (EPI) dans lesquels les élèves apprendront à coopérer pour mener ensemble un projet plutôt qu’à s’affronter aux autres dans une compétition individualiste, en renforçant le suivi personnalisé dont ont besoin tous les élèves pour construire leur parcours de réussite.

La réforme du collège réoriente les moyens consacrés à 15% des élèves au profit de tous. L’EPI « Langues et culture de l’antiquité » pourra être suivi par de très nombreux élèves, et même tous les élèves d’un collège. L’option européenne se transforme en EPI « Culture et langues étrangères » pour tous. Et les « bilangues » qui ne profitaient qu’à 10% des élèves, se généralisent pour 100% des élèves à partir de la classe de cinquième. Les moyens qui accompagnent la réforme permettent de multiplier le travail en petits groupes et de développer l’accompagnement personnalisé des élèves. Quant aux EPI, ils permettent de développer des pratiques pédagogiques variées afin de permettre à tous les élèves d’accéder au sens des disciplines scolaires et de mieux entrer dans les apprentissages.

Comprendre le monde nécessite des regards pluri et interdisciplinaires, parce qu’il faut faire appel à des savoirs de nature différente et les mobiliser judicieusement pour appréhender une situation. Les EPI (qui représentent 9% des horaires) sont l’espace privilégié de ce croisement des regards sur le monde et, loin de « dissoudre » les disciplines, ils pourront permettre aux élèves d’identifier la nature, les spécificités et la portée de chacune d’entre elles.

Enfin, parce qu’il est, aujourd’hui impossible de tout apprendre avant quinze ans, l’important est de permettre à tous les élèves de développer une attitude réflexive et, pour cela, d’organiser, au moins en partie, leur formation autour de problèmes à résoudre, de tâches complexes et de choix à faire. Les faiblesses de l’élève en France par rapport à ses camarades des autres pays comparables ont été bien identifiées : pas de prise de risque, moins de confiance en soi, créativité plus faible, difficulté d’expression orale et d’expression écrite élaborée.

Que celles et ceux qui veulent conserver l’ancien modèle assument alors leurs responsabilités et en admettent les conséquences : celles d’un pays qui, de fait, sépare ses enfants et ne les prépare pas à vivre et agir ensemble dans un monde commun.

Pour notre part, nous faisons le choix du nouveau collège. Parce que c’est la voie d’une démocratie moderne et d’une République qui tient ses promesses. C’est la seule qui permettra à notre pays de relever les défis du XXIe siècle.
Une voix (multiple) divergente, qui plus est celle de personnes dont chacun sait qu'ils réfléchissent, ça fait du bien, tout de même. Car en effet, cette réforme, bien comprise, bien mise en application, pourrait permettre à l'école de progresser, de faire mieux progresser les jeunes dont elle a la responsabilité. Cela étant, elle est mise en place dans une telle urgence que ça ne part pas bien, forcément. Et puis c'est difficile d'être d'accord avec tout ce qu'elle contient. Mais c'est à nous, enseignants, de nous en emparer pour la réussite de nos élèves. C'est trop facile de tout rejeter en bloc, de refuser tout changement et de taxer ceux qui sont prêts à essayer de doux rêveurs ou du bon chien-chien à papa-ministère. 

On peut aussi n'être ni l'un ni l'autre, sans pour autant trouver cette réforme et son installation comme fantastique. Ni blasé, ni ironique (j'ai de plus en plus de mal avec l'ironie, que je trouve nuisible et lâche), ni aveuglément enthousiaste.
Comme ça, on pourrait déjà en parler tranquillement. Ce serait un progrès.

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