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lundi 11 janvier 2016

De l'îlot et de l'ironie facile

Sur le blog Alchimie du collège, un article a attiré mon attention (et même plusieurs en fait, mais celui-là m'a heurtée par sa mauvaise foi) : l'article sur les îlots.

"L'îlot est à la réforme ce que Footix était à la Coupe du Monde : sa mascotte."
Non. Les documents institutionnels nationaux expliquent la réforme (pas assez d'ailleurs, ni assez précisément parfois), mais n'abordent pas cela. Evidemment le travail de groupe est conseillé, promu, mais cela ne date pas de la réforme. Pas du tout, même. Et aucune organisation fixe n'est souhaitée : on peut travailler en groupes quand on veut et comme on veut.

Ooooh plein d'îlots !
Passons à la suite ; je précise que je travaille en îlots depuis deux ans. Je ne le fais pas pour des soucis de mode (?!). J'ai essayé car cela correspondait à mon projet maths et jeux de rôles, et c'est vrai que je ne me vois pas faire marche arrière, car j'ai gagné en efficacité et en qualité de travail de mes élèves, et je m'éclate encore plus.

"Travailler en îlots, ça consiste, en gros (là, les promoteurs du tout îlot hurleraient devant le simplisme de ma définition), à modifier l'agencement des salles ...). Et de travailler en conséquence : une pédagogie ad hoc est au cœur du dispositif, car il n'est pas question de réduire la question de l'îlot à de la décoration d'intérieure."
Ok. Non, je ne hurle pas, tout va bien, là.

"Autonomie, entraide, travail en groupe, collaboration, mise en commun, activité, débat, discussion. Ça c'est pour les élèves. Et je ne vois pas en quoi on peut être contre. Pour le professeur, c'est plus dépaysant : décentrement, circulation entre les îlots, démagistralisation, aide, intervention sporadique, etc.. Why not ?"
Ben yes, indeed.

"Ouahhh, l'épreuve de modestie ! Je me suis fait chier comme un rat mort. (...) Putain, quel ennui. Quelle solitude. Et quel bruit ! Il est certes normal que les élèves discutent et fassent du bruit dans ce contexte mais en bon produit de l'Ecole française la plus compassée, avoir un fond sonore dans ma salle de cours me fout une honte d'enfer, m'humilie à mort. Je dois avouer qu'il m'est alors arrivé de gueuler un tantinet (mais enfin, perdue comme un ours blanc sur son morceau de banquise, échouant d'îlot en îlot, ça ne s'est pas beaucoup entendu). J'ai tenté, livrée à ma libido docendi la plus narcissique, d'attirer l'attention : Ariane à son rocher n'a pas eu plus de succès."  
Classe, mais c'est un choix ; pourquoi pas.
J'ai animé récemment une séance sur le travail de groupe à l'espe. Un de mes premiers conseils a été : "pour faire travailler efficacement les élèves en groupe, vous devez vous décentrer. Ce sont eux qui vont faire avancer la séance, produire ; c'est eux qui vont être le centre de l'attention. Vous ne faites plus votre show. Vous allez observer, circuler, voler de groupe en groupe, être le chef d'orchestre qui conjugue les différents instruments pour aboutir à une harmonie. Et en sortant, vous éprouverez la même chose qu'en sortant de concert : ouah, c'est calme ! Mais ça aura bossé, si vous vous y êtes pris correctement. Plus que d'habitude, sans doute."

Et si on lançait la mode des îlots volants ?
"(chacun aura compris que j'en rajoute A MORT par souci de clarté et par amour... de la provocation !)"
Oui, d'accord. Mais c'est un peu facile. C'est sûr, ça doit rapporter des visites. Mais argumenter, raisonner, donner dans la nuance, ce dont l'auteur de ce billet est évidemment capable (elle l'a prouvé maintes fois, et d'ailleurs même cet article-ci est dans son fond bien plus avancé que la forme ne le laisse ressentir), c'est bien, aussi. La caricature c'est drôle, mais de façon trop systématique, cela tend à la facilité.

"C'est sans doute formidable, les îlots, pour ceux qui y croient, qui travaillent comme ça, qui s'y sentent bien. Pour d'autres, c'est simplement l'enfer. C'est encore une fois tout le problème des modes, des slogans, des mantras éducatifs qui peuplent cette réforme et ses avatars : c'est génial pour certains, terrible pour d'autres."
Je ne me pose pas la question en terme de mode. Le principe de la mode est idiot, et vide. Personnellement, je vois cela comme des apports supplémentaires du point de vue pédagogique. Et en effet, chacun d'entre nous effectue ses choix : c'est notre liberté.
C'est vrai que ça fait moins rêver, comme îlots...
Et il est inutile de caricaturer et de ridiculiser les pratiques qui ne nous correspondent pas. C'est jeter le bébé avec l'eau du bain et renoncer au véritable débat d'idées.

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