Sur France Inter dans Le Téléphone Sonne du 20 juin 2016, la question était : faut-il réformer le bac ? Pour apporter des éléments de réponse, Nathalie Mons, sociologue, présidente du Conseil national de l'évaluation du système scolaire, et Armelle Nouis, proviseure du lycée Hélène Boucher à Paris, étaient sur le plateau d'Eric Lainé.
Première question évoquée, par un Jean-Jacques (un chouillat sexiste par ailleurs, merci à l'animateur de l'avoir repris) : le bac est-il un examen de fin d'études, ou un examen d'entrée dans le secondaire ? Ne serait-il pas préférable de vraiment donner le bac à tout le monde (je suppose donc de le supprimer), plutôt que de faire comme si le bac avait une réelle valeur ?
Les deux invitées reconnaissent qu'il y a tromperie, en quelque sorte : Arielle Nouis remarque que les différentes filières sont très inégales, du point de vue sociologique en particulier (la majorité des enfants de cadre sont en S), et tous les bacs ne se valent pas, selon Nathalie Mons. Il serait donc nécessaire de réformer le bac pour ne pas donner l'illusion d'avoir un bac qui n'a pas le poids que l'on prétend. C'est vrai : certains bacs sont plus vendeurs que d'autres, et ne mènent ni vers les mêmes poursuites d'études, ni vers la même professionnalisation. Une proposition d'une des invitées est de supprimer les filières et de proposer une modularité des enseignements qui nuance les inégalités : proposer certains enseignements technologiques, par exemple, en même temps que la philo ou les maths. On n'aiguillerait pas les élèves aussi tôt et ils choisiraient une partie des disciplines de leur cursus en fonction de leurs appétences.
Caroline, ensuite, au téléphone, note qu'APB, qui gère la poursuite d'études dans le supérieur, ne s'appuie "que" sur les bulletins de première et des deux premiers trimestres de terminale, et pas du tout sur le bac (sauf qu'il faut avoir le bac pour avoir le droit de s'inscrire dans le supérieur, bien sûr). C'est d'autant plus paradoxal que pour intégrer une école à l'étranger, ce sont les notes du bac français qui sont prises en compte. Autrement dit, nous ne parvenons pas à utiliser notre bac pour l'orientation post-bac. Et à l'université, lorsqu'il n'y a pas suffisamment de place, on y entre par tirage au sort. Une des intervenantes explique que cela génère des inégalités contreproductives : elle prend l'exemple de la filière STAPS (fac de sport, en résumé). Un élève de son établissement, de filière L, qui a glandouillé, est pris. Un autre, un S qui a bossé, régulièrement n'a pas été tiré au sort. Et pourtant, en terme de chances de réussite, c'est le second élève qui a le plus de chances de décrocher sa licence : les programmes de STAPS nécessitent d'avoir un bon socle scientifique, et d'être travailleur. En université, le taux de passage en deuxième année est inférieur à 50%. Forcément, et ce qui est embêtant, ce n'est pas de donner sa chance à l'élève de L (qui va peut-être se réveiller en STAPS, se mettre au boulot, s'éclater et au final réussir). Ce qui est embêtant, c'est de priver l'élève de S de ces études. L'idée même de ne pas pouvoir aller à la fac dans la filière de son choix me semble un dysfonctionnement de la part de l'Etat. Les syndicats étudiants ne veulent pas entendre parler de sélection par le dossier, mais tant qu'à avoir une sélection, ce serait tout de même plus juste de sélectionner sur le dossier et la motivation... Si vraiment il faut une sélection, encore une fois.
Le bac, ce "monument national", sert-il ou pas à quelque chose ? A l'étranger, des examens du type du bac français se développent, alors même que nous remettons chaque année la question de son existence en France sur la table. D'une certaine façon, le bac réduit les inégalités par son fonctionnement national et sa centralisation. Mais 19 épreuves en bac S, par exemple, n'est-ce pas excessif ? Et le système de filières et celui des options, lui, aggrave les inégalités.
Un auditeur propose de dégager le bac pour proposer un système de validation de compétences et de choix à la carte, qui serait sans doute très chouette et aussi très difficile à organiser et très coûteux. Mais le bac coûte très cher lui aussi. Et enseigner, éduquer, c'est évidemment une priorité : si les dépenses sont importantes mais que c'est pour un dispositif efficace, le jeu en vaut la chandelle !
Un autre auditeur pose la question du niveau : le niveau baisse-t-il vraiment ? Armelle Nouis note que des épreuves de technique ont été rajoutées, qui ont fait monter les résultats, comme les options, les TPE ou certaines épreuves orales par exemple. Pour autant, ces épreuves ne changent pas la valeur elle-même du bac. D'un autre côté, nos résultats aux enquêtes comme PISA baissent. C'est encore un paradoxe. D'autre part, la France est en queue de peloton en termes de diplomation des jeunes en fin de secondaire dans l'OCDE. Et on n'est ni plus nuls, ni plus sélectifs : la logique philosophique en France est que si un diplôme a un fort taux de réussite, il ne vaut rien. Alors qu'on pourrait considérer que c'est bien d'avoir plus de jeunes qui soient formés ! En ce sens, c'est toute la philosophie de l'évaluation et donc de l'enseignement, la façon même de transmettre notions, compétences et savoir-faire qui sont interrogées.
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