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jeudi 22 septembre 2016

Parole, parole, parole

Aujourd'hui, j'ai suivi une journée de formation sur la parole de l'élève : comment favoriser la prise de parole de l'élève en développant ses apprentissages ? C'était une journée vraiment intéressante, avec plusieurs interventions qui m'ont enrichie. En particulier, deux chefs d'établissement de l'agglomération sont intervenus, sur "la difficulté à favoriser une identité langagière, une parole de l’élève, un apprentissage de la citoyenneté en dehors de la classe".

Voici ce que je retiens de cette intervention. Ce que je rapporte est mon interprétation, et non une transcription fidèle de ce que j'ai entendu.

Les enjeux sont de taille. Donner la parole aux élèves en dehors de la classe a de multiples vertus, formatrices pour le jeune : valoriser et favoriser la transmission républicaine, replacer l’école comme un lieu d’apprentissage, travailler sur les représentations, permettre la construction citoyenne dans des interactions maîtrisées. Et puis cela fait partie de nos missions, à nous adultes du milieu éducatif.

L'état des lieux est assez alarmant. La volonté de l’institution de favoriser la parole de l’élève très différente des réalités du terrain. Même dans les instances scolaires qui prévoient la présence d’élèves, leur parole est difficilement reconnue. L’élève est confronté à diverses difficultés : il a peu de temps pour préparer sa prise de parole, or le rapport au temps des élèves (qui sont dans l’immédiateté) est très différent du temps de l’institution (qui suppose qu’on prenne du recul, qu’on se projette). Prendre la parole devant des adultes est souvent difficile pour un jeune. Et quand il y a des interventions spontanées, elles ne sont pas vraiment spontanées : la prise de parole a été formatée avant par un adulte, travaillée avant qu’elle ne s’exprime. Au final les adultes parlent à la place des élèves ; l’élève est renvoyé à son métier d’élève, à une attitude de soumission et de passivité qui s’oppose à la véritable démarche éducative, et qu'il endosse avec une facilité apparente plutôt angoissante. Enfin, le regard des autres membres de la communauté scolaire complique la libération de cette parole : les adultes ne comprennent pas la discrétion des élèves et des tensions entre pairs musèlent les élèves. Les élèves s’auto-censurent souvent. Frustrés par la quasi-impossibilité d’aborder la question de la vie en classe, ils adoptent un rôle, une posture « syndicale » qui vise essentiellement à améliorer leurs conditions de vie (les toilettes, la cantine, etc.).

En fait, il apparaît que la parole est contrôlée par l’institution : on développe à l’école une démocratie représentative et non participative. Et si la participation est plus sociale que politique, est-elle donc bien utile ? C’est toute la question de notre démocratie scolaire qui est posée : cherche-t-on juste à maintenir la paix sociale, ou à faire grandir, à permettre à ces jeunes de devenir des adultes responsables et citoyens ? D'ailleurs, à plus grande échelle, la question se pose de notre démocratie, tout court : le fonctionnement scolaire ne peut se concevoir que dans un tout, et la question est aussi politique.

Mais alors, comment faire ? En travaillant, jour après jour, au climat scolaire. En profitant de toutes les occasions, y compris par des rencontres inopinées, qui vont permettre que la parole s’exprime mais aussi de travailler sur cette parole. Et là, le rôle du chef d'établissement est fondamental. Nos intervenants ont rappelé la nécessité de l’exemplarité des personnels de direction, par leur qualité d’écoute, leur respect, vers les adultes comme vers les élèves. Par leur posture, par l'exemple, par les choix de fonctionnement, les chefs donnent la couleur et agissent sur le comportement des adultes et des élèves. C'est un travail de longue haleine. Les chefs présents ont proposé de faire vivre autrement, vraiment, la charte de la laïcité, de bâtir de vrais projets d’école, d’établissement, académiques, de mettre à profit le parcours citoyen, les EPI. Ils ont aussi abordé les conseils de classe, souvent aussi normés qu'inutiles, et pendant lesquels personne ne s'exprime vraiment.

Libérer la parole de l’élève nécessite d’accorder de la confiance et de laisser une place pour chacun. Donc de s'impliquer, d'être conscient des objectifs, des enjeux. Pas facile, mais nécessaire, aujourd'hui plus encore qu'hier.

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