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samedi 14 février 2015

Séismes, probabilités et injustices

La semaine dernière nous avons travaillé avec mes élèves de troisième sur les probabilités. C'est un chapitre très agréable à travailler pour moi : cette classe est constituée de beaucoup d'élèves en difficulté en mathématiques et qu'il est difficile de convaincre que si si, ils peuvent encore y arriver. Or ce chapitre ne nécessite pratiquement aucun pré-requis et s'appuie sur le bon sens, l'observation quotidienne. Chacun y part avec les mêmes chances. A condition d'être présent en cours régulièrement et de chercher les exercices proposés, bien sûr, ce qui est loin d'être le cas de tous, mais passons.

Une difficulté cette année est de faire comprendre aux élèves la différence entre statistique et probabilité, entre fréquence observée et proportion idéale, mais aussi entre étude d'une situation et généralité. Au lycée, la construction mentale des intervalles de confiance puis des intervalles de fluctuation en dépendra, alors j'insiste.

Par exemple, dans un tableau comme celui-ci :
à la question "si je choisis au hasard une personne, quelle est la probabilité que ce soit un garçon ?", plusieurs élèves, après une semaine sur les probas, me répondent "une sur deux, car on est soit un garçon, soit une fille".

Autre exemple : si je joue au loto les nombres 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, ai-je plus ou moins de chances de gagner que si je joue 32, 11, 6, 19, etc. Même avec des interrogations du type "Si je lance une pièce équilibrée et que j'obtiens "Face", ai-je au lancer suivant plus ou moins de chances d'obtenir "Pile" ?", je sens bien les hésitations. Lorsque je fais le clown en jouant la pièce qui dit "Allez allez, attention, faut pas que je tombe sur "Face" ce coup-ci, oh hisse !", les hésitations s'envolent, mais je ne serai pas toujours là pour faire le clown lorsque ce genre de problématique apparaîtra.


De fil en aiguille j'en suis arrivée parler à mes élèves des sismologues italiens qui avaient été condamnés à six ans de prison ferme pour avoir fourni des probabilités indiquant que le risque de séisme était faible, juste avant qu'un tremblement de terre dévastateur survienne. Là, mes élèves ont réagi tout de suite : "C'est pas parce qu'ils disent ça qu'il ne peut pas y avoir de tremblement de terre", "C'est les autres qui en ont déduit des trucs qu'ils auraient pas dû", et ainsi de suite. On touche à l'humain et au juste ou à l'injuste, alors l'adolescent réagit et s'insurge. C'est normal à ce stade de son développement, et en l'occurrence c'est une réaction fondée.

Ce que j'avais oublié, c'est qu'en appel les sismologues ont été acquittés. Il faut que je le dise à mes troisièmes lundi. 
Qu'ils puissent dormir tranquilles : la justice est rétablie, ouf. (Ne voyez pas d'ironie dans cette remarque, il n'y en a aucune)

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