En ce qui me concerne, je ne suis pas du tout, mais alors du tout du tout surprise. Dans toutes les réunions, dans tous les stages auxquels j'ai participé récemment on m'a dit "De toute façon les notes bientôt y en aura plus". A chaque fois j'ai répondu "Bien sûr que si. Personne n'est prêt à les abandonner. C'est bien trop tôt". Ben voilà, j'avais raison. Dommage. J'aurais aimé avoir tort. Encore que... Comme je l'ai déjà écrit, note ou pas note, ce n'est pas l'essentiel. L'essentiel c'est de faire avancer les élèves, les mettre au travail, les faire réfléchir, leur permettre d'apprendre, avec le plus de bonheur et d'envie possible, en respectant leur personnalité. Comme je le martèle auprès des jeunes (et moins jeunes) collègues : on peut faire de la merde avec des notes, et sans aussi.
Et autant l'écrire tout de suite : je ne vais pas remettre de notes.
Comment analyser la décision de notre ministre ?
D'abord, comme d'habitude, le gouvernement a parlé avant de réfléchir. On nous gonfle (et me dessert dans mes projets) à nous parler de avec ou sans note, de bienveillance ou de note sanction, et on fait montrer la mayonnaise pour rien. D'autant que c'est bien connu, en matière d'éducation, tout le monde a un avis intéressant à donner. Tout ça pour ça.
Ensuite, un des arguments donnés est que quel que soit le mode d'évaluation (note, lettre, points de couleur) il peut facilement se rapporter à une note. C'est vrai. Mais là encore, on se trompe de débat. Evaluer par compétences, c'est dresser un diagnostique précis des savoirs faire, des forces et des faiblesses des élèves. Cela permet ensuite de retravailler ce qui le nécessite, et de progresser. Cela permet aussi de valoriser ce qui est maîtrisé, même lorsque peu de compétences le sont. Sans servir la soupe pour autant ! Ce n'est pas un résumé comme l'est la note. Il faut plus de temps pour lire un bilan de compétences que pour "ressentir" une note, c'est vrai. Mais la grande majorité des parents de mes élèves semblent l'avoir compris, voire l'apprécier. Bien sûr quelques-uns regrettent la note, "parce qu'on était habitués", "parce qu'on comprend mieux avec une note" ou "parce que avant à moins de quinze il avait une torgnole et là je ne sais plus quand la lui donner" (sic), mais je reçois beaucoup plus de mails d'encouragement et de remerciements que de critiques (elles sont toutes ci-avant en fait).
Le Monde écrit :
"La volte-face gouvernementale sur le sujet tient précisément à ce terme «républicain». (...) Depuis les tragiques événements de janvier 2015, le discours gouvernemental sur l'école a radicalement changé. L'autorité et la transmission des valeurs républicaines sont affichées comme une priorité. Une priorité qui ne fait semble-t-il pas bon ménage avec la suppression des notes."
Revenons-nous à la note pour être "sévères", parce qu'être sévère rend les élèves bons moralement et sages socialement, alors que ne pas noter et revendiquer la bienveillance (qui n'a jamais été incompatible avec la note, évidemment, mais aucun média ne propose cette nuance !) rend les futurs citoyens dépravés et dépourvus de valeurs ???
Rhaaaa flûte, je m'étais promis de ne pas m'énerver.
Bon. Je me calme.
Je réponds à mes deux élèves qui m'ont écrit un mail, l'un pour me demander si j'allais continuer "à faire pareil, parce que c'est bien comme ça", l'autre pour me dire que "Il ne faut pas changer madame et nous on dira rien à la ministre et au président". Nous allons effectivement continuer pareil. Parce que ça marche, c'est vrai. Parce que je m'amuse, parce que mes élèves progressent, parce que je le vois, le plaisir d'apprendre, en face de moi. Et aussi parce que noter ou pas, ce n'est pas là le fond du problème ni la base de mon système de cette année. C'est un symptôme et ce n'est pas si important que ça. Mon système n'aurais pas le même sens, ni autant de poids avec la note.
On ne change rien, c'est-à-dire qu'on continue à évaluer ensemble le projet et à l'adapter au fur et à mesure, selon nos besoins et nos observations. Et pas de souci les jeunes, j'ai le droit de le faire. Nous menons ensemble une expérimentation, identifiée et reconnue par le rectorat, soutenue par mes inspecteurs et mon chef d'établissement.
Ainsi non, l'évaluation de lundi ne sera toujours pas notée. :-)
Rassurés, T. et T. ?
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