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mardi 28 avril 2015

Le vent dans mes maths

Sur Images de maths, Valerio Vassallo, mathématicien à l'Université Lille 1 et Cité des Géométries pose une fort jolie question :

En mathématiques, qu’est-ce qui se rapproche le plus d’un soupir ?


Voici ce qu'il écrit en préambule, mais je vous invite à aller lire l'intégralité de son article (ici) :

C’est une drôle de question, mais une collègue, professeur de mathématiques, me l’a posée récemment. Elle trouvait qu’elle était sans intérêt. Je l’ai prise au sérieux, dans le sens : que nous fait-il vibrer en mathématiques ? Qu’est-ce qu’alimente en nous cette flamme qui nous relie aux mathématiques ?

Alors j'ai réfléchi, moi aussi. Au départ je n'avais pas compris "soupir" dans ce sens. Je l'avais interprété plus proche de sa signification musicale. C'est peut-être parce que mes mathématiques sont silencieuses, délicieusement silencieuses. Mes mathématiques à moi, elles sont comme le vent, un vent plutôt doux, qui se déploie en circonvolutions tranquilles dans un monde absolument pas euclidien. Mais je m'égare. Ce qui est si clair dans ma tête de kinesthésique doit sonner bien étrangement ailleurs.

Dans le sens où la question est posée, je n'ai pas trouvé de réponse. Je ne suis pas mathématicienne, je suis prof de maths. Je suis maintenant tellement plus "prof" que "de maths"... 

Qu'est-ce qui se rapproche d'un soupir dans mon métier, alors ? Qu'est-ce qui me fait vibrer, qu'est-ce qui alimente la flamme ?
Je crois que c'est le regard d'un élève qui réfléchit. Ce moment où il a entendu ce que je lui ai expliqué, mais où il l'intériorise. Un ange passe, justement, à ce moment là, parfois très fugitivement, et pendant cet instant l'enfant que j'ai en face de moi n'est plus vraiment là : il est tout entier dans sa réflexion, il fait son chemin, tout seul. Et puis ensuite il revient. Cela se voit dans ses yeux : il interagit à nouveau avec l'extérieur.
Je crois que c'est un de mes moments préférés. Je ne l'observe pas si souvent, mais je trouve que c'est magnifique. 

Evidemment, des tas d'autres choses me nourrissent, me plaisent, m'enthousiasment ou m'énergisent, dans mon boulot. Me font espérer, aussi. Mais ça, ça me fait vibrer, en effet. Parce que je sais ce que ressent le gamin. Parce qu'il a osé franchir le pas de la réflexion abstraite, profonde et solitaire. Il cherche vraiment à comprendre, il s'engage volontairement dans cette démarche souvent risquée (car fatigante, parfois décevante ou frustrante, et de toute façon inconnue).

Mais en réfléchissant, je trouve étrange de ne pas pouvoir répondre à la question de Valerio Vassalo. Etudiante, j'aurais sans doute parlé topologie. J'adorais ça la topologie. Ensuite, pendant des années, je n'aurais rien répondu : je m'épanouissais à enseigner, mais les maths ou autre chose, je ne sais pas si cela aurait fait une différence. Depuis cinq ou six ans, j'ai retrouvé un véritable goût pour ma discipline. Mais ce goût n'est pas vraiment fondé sur la connaissance. Il est fondé sur mon ressenti, sur cette perception que je me suis construite des mathématiques : mouvantes, surprenantes, précieuses, humaines.

Allez, tout de même, je me souviens d'une découverte qui date pour moi, mais qui m'avait fascinée. Un prise de conscience digne d'un soupir : la géométrie sphérique, justement. 

J'ai parcouru les différents billets de Valerio Vassalo, et je vais aller les lire plus attentivement : il exprime, dans ses titres, une sensibilité qui me plaît beaucoup. 

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