Deux fois cette année j'ai trop travaillé. Trop, trop tout le temps, trop partout, trop longtemps.
La première fois, j'ai été très fatiguée, et cela a joué sur mon énergie et mon moral. Le genre de moment où tout semble dramatique et insurmontable alors qu'en fait il n'y a rien à signaler. Les vacances m'ont regonflée.
La deuxième fois, c'est allé plus loin. J'ai ressenti des étourdissements, j'ai commencé à avoir des blancs, je n'arrivais pas à rappeler des informations de base de ma mémoire. Et puis un matin, je voulais que mon fils me passe un pot de confiture, et je lui ai demandé le réfrigérateur. Plusieurs fois de suite. Sauf que j'entendais "confiture", et tout le monde autour de moi "réfrigérateur".
Cela s'est reproduit plusieurs fois dans la journée, et j'ai commencé à m'inquiéter sérieusement.
Comme tout le monde parle de burn out et que j'en ai observé deux autour de moi ces derniers temps, j'ai un peu creusé. Il existe des "listes de symptômes qui doivent alerter", comme celle de la psychiatre Marie-Pierre Guiho-Bailly :
1. Pour x raisons – changement de poste, de chef, restructuration, nouvelles missions, etc. – vous avez le sentiment de ne plus être aussi efficace au travail.
Oui, je suis beaucoup plus lente et je dois parfois m'y reprendre à plusieurs fois pour produire un travail satisfaisant. Je tourne à vide, souvent, avec l'impression de perdre mon temps.
2. Vous présentez des troubles de l'attention, de concentration, de mémoire. Vous ne trouvez pas vos mots, vous faites des erreurs.
Oui.
3. Vous compensez avec des horaires à rallonge pour tenter de retrouver l'efficience antérieure. En vain.
Oui, mais pas en vain. Juste, il me faut plus de temps et de ténacité.
4. Le repos n'est plus réparateur. Au réveil, au retour d'un week-end ou de vacances, la fatigue revient aussitôt. Vos ruminations sur le travail vous empêchent de dormir.
Oui.
5. Contrairement à une dépression, vous n'avez pas le goût à rien, vous n'êtes pas triste tout le temps. Mais le travail est votre principale préoccupation.
Oui.
6. Vous vous montrez irritable, vous avez des accès de colère. Vous passez facilement du rire aux larmes.
Oui.
7. Votre entourage a beau vous alerter, vous êtes dans le déni par rapport à votre surmenage. Vous vous repliez sur vous, avec un sentiment de solitude grandissant.
Pour le déni oui, pour le repli non.
8. Vous souffrez de maux de tête, de douleurs musculo-squelettiques, de troubles du comportement alimentaire, d'infections virales (ORL) à répétitions, de palpitations...
Oui.
9. Pour tenir le coup, vous avez recours à des substances psychoactives (alcool, tabac, drogue).
Non, sauf si le chocolat et le café comptent.
10. Vous ressentez un épuisement émotionnel, renforcé par le déni de l’encadrement à l'égard de votre situation. Vos tâches se transforment en mission impossible.
Oui.
11. Vous avez un comportement à risque, accidentogène.
Heu non, je ne crois pas.
12. Bienveillant d’ordinaire, vous devenez cynique à l’égard de vos "usagers" au travail (patients, clients, public, etc.). Vous travaillez frénétiquement mais mécaniquement.
La première partie de la phrase, non. La deuxième oui.
Bon, ce n'était pas top. En particulier, la partie sur l'entourage qui alerte et le déni a résonné et ne m'a pas plu.
Alors, action. On n'est pas des mauviettes, trouvons des solutions.
D'abord, j'ai rediscuté avec mon "entourage". L'image positive de moi qu'ils m'ont retournée m'a fait un bien fou. Et j'ai davantage réfléchi à la notion d'efficacité : faut-il en faire des tonnes pour bien faire ? Je suis allée à la bibliothèque de mon quartier et j'ai emprunté des bouquins sur le sujet. Deux étaient illisibles tellement on aurait cru un hors série de magazine féminin. Le dernier était plus digeste et répétait ce que mon mari s'évertuait à me dire depuis un bout de temps.
J'ai fait des choses simples. En vrac :
- cesser d'anticiper tout en déclarant urgentes des choses qui ne le sont pas, pour me rassurer et avoir de la marge. Au final, je rajoutais tout le temps des nouvelles tâches, toujours toutes urgentes.
- lutter contre les signes extérieurs de stress : j'ai acheté du vernis amer pour cesser de me ronger les ongles, par exemple. C'est sans doute sur ce point que j'ai dû faire preuve du plus gros effort de volonté. Et j'ai des rechutes, mais je crois que je vais réussir à me défaire de cette vilaine manie qui me fait complexer lorsque je désigne quoi que ce soit du doigt.
- j'ai réouvert des livres, qui ne parlent pas de boulot. Des amis m'avaient prêté ou offert des bouquins, et je me suis remise à dévorer les livres. Je n'ai pas rogné sur mon sommeil pour autant, juste instauré un nouveau rituel.
- moi qui sait si bien démonter le bourrichon des autres, j'ai veillé à l'altitude du mien, de bourrichon. Relativiser, remettre les choses, les événements à leur juste place. Ce n'est pas si difficile en étant rigoureux.
- J'ai arrêté le café pendant quelques jours, puis repris de façon plus raisonnable.
- Manger équilibré et se coucher tôt, ça je le faisais déjà.
- Quand les enfants m'ont demandé "maman, tu as le temps de ...", je n'ai pas systématiquement dit non.
- J'ai planté des fleurs. J'adore planter des fleurs et les regarder en reniflant le vent.
- J'ai forcé mes épaules à se baisser, tout mon corps à ne pas être en position de défense.
- J'ai continué à bosser, sans transiger sur mes exigences.
- J'ai arrêté de faites des listes de trucs à faire. J'allais bientôt faire des listes de listes qu'il faudrait penser à faire.
- J'aurais bien refait du sport, mais je n'ai pas réussi. JE me sens trop fatigué et objectivement je ne vois pas quand j'en aurais le temps.
- J'ai délégué et un peu imposé. Les enfants s'occupent parfois de la lessive, de l'aspi, font la poussière de leur chambre. Peut-être ce n'est pas fait comme je l'usais fait, mais cela ne signifie pas que c'est mal fait. D'ailleurs ils ne demandent qu'à m'aider.
Bon déjà, après deux mois, mon "entourage" voit la différence et reconnait que j'ai progressé. Je me sens mieux, mais c'est la fin de l'année, aussi. Cela dit, j'ai quand même passé une période très très dense de façon beaucoup plus fluide.
Je tiens le bon bout.
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