Oui, sans doute, si elle entre concrètement en application un jour, si chaque établissement ne met pas en oeuvre des stratégies de contournement pour "faire comme si" elle l'appliquait alors que rien ne change, si ... Bref, c'est pas gagné.
Que ce soit au sujet de cette réforme ou au sujet de dispositifs pédagogiques variés (la classe inversée, l'évaluation par compétences dans toutes ses déclinaisons, les travaux interdisciplinaires, l'aide personnalisée, etc.), on nous ressert en permanence de "l'innovation pédagogique". Révolution salvatrice pour les uns, menace des libertés pédagogiques pour les autres, usine à gaz pour d'autres encore (encore qu'il puisse y avoir intersection non vide), ce qui est sûr, c'est qu'en fait on ne réinvente rien. On recycle, on modifie, on adapte, on répète, mais au final même notre réforme actuelle n'invente rien.
Louis Legrand est mort le 20 octobre. Louis Legrand était un homme qui réfléchit, qui s'engage, et il s'en est pris plein la tête. Dès les années 70, il voyait en la pédagogie différenciée une réponse à l’hétérogénéité des publics scolaires, et proposait une pédagogie fonctionnelle, qui met l'élève face à une situation problème, qui l'amène à éprouver le besoin d’apprendre et donc à développer une réelle motivation pour apprendre. Il souhaitait l'autonomie des établissements, en particulier du point de vue de l'organisation pédagogique et des contenus des enseignements. Le rapport qu'il avait remis au ministre de l'éducation en 1982 préconisait la pédagogie de projet, en interdisciplinarité... Dans l'article du Monde qui lui est consacré, on lit qu' "il proposait une redéfinition du service hebdomadaire des enseignants dans le sens d’une présence accrue dans l’établissement : seize heures de cours pour tous (agrégés compris), trois heures de tutorat et trois heures de concertation."
La réforme actuelle, elle paraît pâlichonne par rapport à ce que proposait monsieur Legrand. Lui, il a continué d'oeuvrer pour l'éducation, pour les jeunes, pour les profs, certainement pour lui-même aussi, pour comprendre. Mais il avait subi la colère organisée des syndicats et des médias, des soi-disant bien-pensants pour la communauté, qui n'ont été que des frileux corporatistes.
En fait, rien ne change. Ni les essais d'évolution, ni le bouillonnement intellectuel et les expérimentations plus ou moins isolées des profs seuls devant leurs classes, refusant de se résigner devant les difficultés de leurs élèves... Ni les arguments opposés, les débats sans fin, souvent creux, parfois violents, les réactions de frustration.
On n'innove pas, on s'enkyste. Mais ça en coûte, de l'argent, de l'énergie et du temps.
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