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dimanche 29 mai 2016

Ecole, handicap et belles déclarations

Notre ministre, madame Vallaud-Blekacem, nous a adressé le 20 mai, à nous enseignants, un message.


"L'école veille à l'inclusion scolaire de tous les enfants, sans distinction." ; 
"Laisser les enfants en situation de handicap hors de l'école serait un renoncement indigne de la République." ; 

La première question qui m'est venue porte sur l'inclusion et l'intégration : on ne nous parle plus d' "intégration", mot remplacé par "inclusion". Pourquoi ? Dans mon esprit, "inclusion" revêtait un caractère passif, alors qu'"intégration" me semblait réclamer des efforts de l'institution. J'ai un peu farfouillé et j'ai lu ceci, de Jean-Yves Le Capitaine, chef de service à l'Institut Public de la Persagotière à Nantes, qui s'intéresse particulièrement à la situation scolaire des jeunes sourds :

"Avec l’intégration, le problème c’est l’enfant, qui pour être intégré doit avoir des dispositions, doit bénéficier des compensations et de toutes les réadaptations nécessaires pour le rendre comme les valides, et doit s’adapter au milieu dit ordinaire, au regard des normes de celui-ci – normes excluant par définition les « a-normaux ». Le poids de l’accès à l’école se fondait sur les capacités de l’enfant à accéder aux normes d’une école faite pour une population sans incapacités. Avec l’inclusion, chaque enfant, chaque adolescent a sa place à l’école, quelles que soient ses caractéristiques. Et pour avoir sa place, on n’exige plus de lui qu’il soit comme les autres, mais il y a lieu que l’école s’adapte à ses caractéristiques (par des moyens de compensation et d’accessibilité) pour qu’il puisse avoir la même vie sociale que les autres."

Déjà, je comprends des choses que je n'avais pas comprises. Et je ne veux plus du tout d'intégration, si c'est ça, l'intégration. Avec l'inclusion, on ne cherche pas à "réparer" l'enfant, on lui donne une place à l'école, en s'adaptant à lui. L'enfant n'est pas un "problème". Ca, je suis d'accord. Je ne voyais pas l'intégration de cette façon, mais j'ai dû louper un truc. Un gros.


Jean-Yves Le Capitaine explique aussi que "avec l’inclusion, les risques de souffrance n’ont pas disparu, mais il s’agit maintenant de faire en sorte que l’école puisse accueillir tout le monde. C’est là que peuvent intervenir les services, dans un accompagnement qui ne se contente pas d’agir sur l’enfant, mais qui agisse aussi et avant tout avec et sur l’environnement pour le transformer. Si l’on reste dans le modèle de l’intégration, on tolère de l’école qu’elle ne change que superficiellement, et l’on se satisfait d’une école excluante. Parallèlement, vouloir garder l’école telle qu’elle est, y compris avec quelques aménagements, c’est aussi tolérer l’intégration de quelques-uns et l’exclusion de beaucoup. S’approprier le concept de l’inclusion, c’est vouloir changer l’école pour qu’elle soit accueillante. C’est évidemment un travail de long terme."

Je reconnais dans les propos de madame Vallaud-Blekacem des éléments de ce que je lis là, les explications en moins. Mais je suis sans doute de mauvaise foi ou de mauvais poil... J'entends de beaux discours (sur un ton monocorde à mourir d'ennui, d'ailleurs) recyclés, avec "les familles et les enfants méritent mieux que de beaux slogans", ou "trop souvent les personnes en situation de handicap n'ont eu droit qu'à des mots.". Mais on leur en ressert quand même, des mots. Plein, tout jolis. Et pas que des mots : des nombres, des stats, plein plein, comme ça ça fait preuve scientifique. Mais en attendant, on fait quoi, concrètement ?

On embauche des AVSH. C'est un progrès, c'est vrai. Dans mon établissement, j'en côtoie trois, de façon régulière. Des personnes formidables, motivées, à l'écoute. Mais ils sont trois ! Pour pouvoir bénéficier d'un AVS/AESH, un enfant doit avoir un handicap sévère, et/ou une famille tenace qui connaît ses droits et le système scolaire, qui sait ce qu'est la MDPH et le CMPP, qui va répondre trente-six fois à des tas d'interlocuteurs différents qui changent tout le temps, ne se parleront pas entre eux, et le tout sans se décourager. Un véritable parcours du combattant, au fil duquel on n'oubliera surtout pas de rappeler aux parents tout ce qu'ils n'auront pas fait (et qu'ils auraient dû deviner).

Nos élèves assistés d'AVSH, du coup, ne sont pas dérangeants : l'AVSH gère (et gère bien), et les enseignants essaient de s'adapter du mieux possible, même si les adaptations sont compliquées, d'un point de vue pédagogique : nous nous retrouvons parfois face à des enfants dont le niveau réel n'a rien à avoir avec le niveau de la classe qu'ils fréquentent. Rien de rien. Sans préconisation aucune de ce qui serait bien pour cet enfant. Alors au moins, nous leur proposons des activités de nos disciplines, nous leur donnons de l'attention, du respect, nous leur montrons qu'ils sont importants pour nous. C'est déjà ça, mais cela ne me suffit pas.

Et puis il y a les enfants qui souffrent d'un handicap pour lequel on n'a pas jugé nécessaire ou possible de leur octroyer le même accompagnement. Tout ne peut donc pas se résumer à l'apport des AESH... Là encore, côté enseignant, on s'adapte : préparer la trace écrite pour tel élève dyspraxique, un support pédagogique en couleur pour un dyslexique, penser à reformuler pour tel autre, ramasser les affaires envoyées balader partout par un enfant qui n'en peut plus, etc. Parfois, cela donne des situations difficiles à gérer au quotidien : il y a deux ans, j'avais dans une de mes classes neuf enfants pour lesquels il fallait, en évaluation, proposer une adaptation forte (proposer des consignes toujours illustrées, reformuler à l'oral toutes les consignes, faire reformuler pour vérifier la compréhension, permettre de ne pas rédiger les réponses, éviter les questions portant sur le champ du nombre...). Et là, l'enseignante que je suis se retrouvait devant un dilemme : quel que soit l'enfant que j'ai en face de moi, il est important, tout autant que son voisin. Mais comment puis-je, dans le contexte hyper normatif de l'école, aider chacun de la meilleure façon possible ? Quand je reformule à voix haute et que le voisin me demande gentiment si je peux arrêter, parce qu'il ne peut pas se concentrer, je fais quoi ?

Abandonner les notes, passer au tout-compétences m'a permis de me libérer d'une partie des contraintes. Les nouveaux programmes vont sans doute permettre, par leur organisation par cycle, d'avancer encore. Mais je n'ai pas de réponse à ma question principale : quand je propose un travail complètement différent à un enfant, parce qu'il a le niveau CE2 en 5e, quand du coup il le fait avec son AESH de façon déconnectée du reste de la classe, est-ce que je lui apporte quelque chose ? Est-ce que je l'aide à grandir ? Est-ce que je l'inclus ?

Quand madame Vallaud-Belkacem parle de "changements importants", d'"efforts considérables", de "changements nécessaires", est-elle prête à aller au bout de son raisonnement ? J'en doute : quand un ensemble de spécialistes, réunis par le ministère, avait justement préconisé d'abandonner le système de notes traditionnelles, la ministre n'a pas voulu suivre. Or si il y a bien quelque chose qui norme de façon incroyable, c'est la note !

Tout cela manque de cohérence. Que l'école inclue tous les enfants, c'est une belle idée et j'y souscris, d'autant que progresser dans la gestion des handicaps améliorerait l'enseignement vers tous les enfants. Mais pour le réaliser, il faudrait nous former, nous permettre de nous concerter, entre AESH, accompagnants extérieurs et enseignants, pour que nous puissions travailler ensemble, et puis il faudrait prendre de vraies décisions, aussi : des préconisations en terme pédagogiques, par exemple, ou en terme d'évaluation certificative (les examens nous limitent et sont vidés de leur sens et de leur utilité).

Jean-Yves Le Capitaine l'explique : "l’école, telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, n’est pas en mesure d’accueillir dans de bonnes conditions ces élèves handicapés. Pas seulement à cause des moyens, ou de la formation. Mais parce qu’elle n’a pas uniquement une fonction d’instruction, mais aussi une fonction de « distribution sociale  » qui s’appuie sur des pratiques de sélection et de compétition. La révolution de l’inclusion bouscule fondamentalement le fonctionnement de l’école actuelle. Mais le principe d’égalité et de droits des élèves en situation de handicap exige pourtant que cette révolution ait lieu, et que, pour reprendre les propos de H.-J Stiker, le milieu ordinaire se spécialise ."

Autrement dit, il faudrait vraiment changer le fonctionnement de l'école et en finir en particulier avec ce système qui classe, et qui, en classant, exclut. Mais évidemment, c'est plus facile de dire qu'un changement de fond est en route, et de tout faire reposer sur les épaules des AESH. Sauf que c'est malhonnête.

Maths et Lego

Sur Images des mathématiques, vous trouverez ces jours-ci un très chouette article sur les mathématiques des Lego, d'un point de vue combinatoire : combien d’empilements différents peut-on créer avec N briques similaires ? L'article nous apprend que "cette question de combinatoire doit être rapprochée d’une famille célèbre de problèmes ouverts, systématiquement étudiés depuis Golomb, et portant sur le dénombrement de structures baptisées polyominos (une généralisation des dominos)."
La démarche est très clairement expliquée et m'a donné envie d'aller plus loin. Ca tombe bien, il y a de la biblio...
etc.

Et l'auteur présente un joli théorème :

samedi 28 mai 2016

Boulipo

Une de mes élèves de troisième m'a demandé quelle était l'origine étymologique des mots "sphère" et "boule". Alors voilà : "boule" vient du latin bulla, qui signifie « objet sphérique, bulle d’eau ». Quant à "sphère", le mot viendrait du latin sphaera (« sphère ») et du grec ancien σφαῖρα, sphaîra (« balle, ballon, globe »).

Du coup, on ne retrouve pas du tout étymologiquement la distinction mathématique entre les deux objets : si r est un nombre positif et O un point de l'espace,
  • la sphère de centre O et de rayon r est l’ensemble des points de l’espace situés à une distance de O égale à r ;
  • la boule de centre O et de rayon r est l’ensemble des points de l’espace situés à une distance de O inférieure ou égale à r. 
Pour les élèves, cela devient rapidement "la boule est pleine, la sphère est creuse", même si cette année mes élèves se sont plutôt interrogés sur l'existence réelle de tels objets (en particulier la sphère) ou sur leur nature purement mentale.

D'ailleurs, on parle aussi de boule ouverte (la boule sans la sphère) ou de boule fermée (avec), dans une branche magnifique des maths qu'est la topologie.

Blague (de prof de maths)
Pour terminer sur le sujet, un peu d'Oulipo, de Michèle Audin :




vendredi 27 mai 2016

Rayon de soleil dans l'escalier

Après le séminaire de Créteil, dur dur ce matin la reprise au collège... Les yeux qui piquent, l'esprit embrumé, plein de petits dysfonctionnements à gérer à mon retour.

Une de mes élèves grimpe les marches de l'escalier qui mène à ma salle, en courant, essoufflée, chargée de son sac aussi gros qu'elle et sans doute plus lourd, un large sourire aux lèvres.

" Tu es pressée dis donc, tu peux monter tranquillement tu sais, tu n'es pas en retard !"
" Non mais c'est pas ça madame, j'avais trop hâte de vous revoir, on n'a pas eu maths depuis lundi ! Vous allez bien, madame ?"
" ... Oui, merci. Je vais super bien."

Quelle belle journée !

jeudi 26 mai 2016

Développons notre vocabulaire

Ces derniers jours, nous sommes en formation à Créteil. Après une journée assez intensive de conférences et de communications, nous nous retrouvons dans le métro pour aller dîner.

- Ca veut dire quoi, enacter ?
- Tu dis énacter ou en-nacter, toi ?
- Les gens qui parlent au colloque ils disent énacter.
- Ca veut dire prendre en compte ce qu’il y a autour de toi, dans le geste de pensée. C’est la partie du geste de pensée qui est en interaction avec ton environnement.
- OK. Et ça veut dire quoi, noème ?
- Noème, c’est quand il neige (et en chantant sur la compagnie créole) Nooooème, joyeux noème !
(silence consterné)
- Ca attaque, hein, l’intercorporéité et la phénoménologie et tout…
- Non, en vrai j’ai cherché, ça veut dire objet de pensée.
- Objet de pensée ? Il y a un mot pour ça ?
- Ben oui, noème…
- Et holistique, ça veut dire quoi ?
- Chais pas.
- Avec un h ou sans h ?
- Avec.
- Holi, c’est pas plusieurs ?
- Ah j’ai trouvé (merci Internet). C’est le contraire de l’atomistique. Quand tu considères quelque chose dans son ensemble, tu vois, dans sa globalité.
- Ah d’accord.
(silence)
- Et la phénoménologie, c'est quoi exactement ? Ca induit qu'on ne s'intéresse pas aux choix, ou pas ?

Et la soirée fut longue... (mais instructive !)


mardi 24 mai 2016

Tourbillon de fin d'année

"Oh vous les profs, déjà vous bossez pas pendant l'année, mais là pour vous c'est fini, hein ??? "
Aha, trop marrrant. Ouioui, j'ai bien compris, c'est pour rigoler... Nonnon, voyons, pourquoi me vexerais-je, cher monsieur O. ? Mais avez-vous une idée, monsieur O., de l'impact de ce genre de remarque ? A mon sens, il est de deux ordres :

  • au niveau personnel :

Hier, c'était une journée assez compliquée. Je pars aujourd'hui en colloque pour quelques jours, alors il a fallu régler tout ce qui devait l'être dans la semaine. J'ai passé pas mal de temps à travailler ce weekend, sur des choses compliquées, lorsque j'étais mal fichue. Se concentrer avec de la fièvre, c'est difficile. Lundi, j'arrive au boulot sans avoir tout bouclé, mais pas loin. A condition de manger vite fait et de carburer sur la pause du midi et le soir, c'était pas mal parti. Sauf qu'entre temps je réalise (brutalement) que les bulletins, les bilans de compétences et les notes bilan pour le DNB, c'est pour maintenant. Je panique, je respire, je mange un bout de chocolat, et puis je m'organise.
Et là, monsieur O. me balance sa remarque. Habituellement (oui, c'est habituel. Faut dire, on est tout le temps en vacances et non ne fiche rien, alors forcément !) peu m'importe. Mais là, boum. J'ai planté monsieur O. aussi net et je suis partie.
Du coup monsieur O. m'a écrit un mail, pour m'exprimer son incompréhension et s'étonner de mon manque de sens de l'humour. Je ne répondrai pas à votre mail, monsieur O. Je ne suis pas fâchée, mais j'en ai assez que l'on attende de moi des justifications qui n'a aucune raison d'être, aucun sens, qui ne me concernent même pas.
D'ailleurs, si je parlais, moi, à mes interlocuteurs (parents, collègues, partenaires professionnels) sur le même ton, avec le même type d'"humour", ça ne passerait pas du tout. Comme quoi en matière d'humour, tout dépend du contexte.

  • au niveau collectif :
Casser du prof, du fonctionnaire en général, c'est facile et ça fédère (les autres). Mais du point de vue du citoyen, est-ce bien responsable ? C'est participer à la construction d'une opinion publique qui se laisse emporter par la facilité, qui exclut, qui catégorise. C'est ça, la société que nous voulons ? Chaque vanne facile cautionne des idées courtes dans l'esprit collectif. Nous valons sans doute mieux que cela, tous, non ? J'espère que si...

En attendant, j'ai tout bouclé, et j'ai une demi-heure d'avance sur mon programme. Je vais pouvoir déjeuner.

Allez, monsieur O., sans rancune ! Quand je pourrai me poser deux minutes, je suis sûre que mon sens de l'humour reviendra (un peu)...

samedi 21 mai 2016

Evénement mathématique à domicile !

Jeudi, vendredi et ce matin se tenait le colloque inter-IREM, à Rouen. L'occasion d'apprendre, d'échanger, de prendre plaisir à réfléchir ensemble. je n'ai pas pu finalement assister aux conférences et aux ateliers du jeudi (j'animais ma dernière formation réforme, ça c'est fait) mais j'ai pu suivre ceux du vendredi et la conférence de ce matin. Et c'était très chouette.


L'organisation était vraiment impeccable, soignée par une équipe qui doit être en train de faire un gros dodo à l'heure qu'il est ! J'ai eu la chance d'assister à des ateliers très intéressants. J'y reviendrai, car le deuxième m'a donné une envie d'activité pour-tout-de-suite-maintenant-et-que-ça-saute, à laquelle je vais m'atteler. La conférence de ce matin était également revigorante. Et puis j'ai eu le plaisir de croiser des collègues, dont j'avais fait la connaissance la semaine précédente en formation, ou que j'avais vus la dernière fois il y a quinze ans...

Maintenant, direction la Nuit de Maths à Tours, en juillet (avec mon fiston, chouette !). Et ensuite il sera temps de commencer à s'organiser pour les journées de l'APMEP à Lyon.
D'ailleurs, pour ces deux événements, si des Rouennais ont envie de covoiturer, j'ai de la place !

mercredi 18 mai 2016

Kiwi et Clémentine, la bonne combinaison !

Aujourd'hui, séance à l'ESPE. La dernière... Pour finir l'année, j'ai eu envie de les emmener vers l'année prochaine, et de les faire réfléchir à la méthodologie d'utilisation des manuels. Nous avons reparlé réforme, nouveaux programmes, préconisations institutionnelles, et bien débattu. J'aime décidément leur liberté de parole et de penser. Mais bref, mon objet n'est pas là.

Consigne :

Vous avez chacun quatre nouveaux manuels devant vous.
  • Dites-moi si vous en aimez un, et pourquoi.
  • Dites-moi si vous en avez exploré un que vous n'aimez pas, et pourquoi.
  • Dans ces manuels, identifiez un passage que vous trouvez utile/intéressant/original (positivement), et un qui soit un "moins".

Les jeunes collègues ont trouvé des activités, des passages de leçon, des exercices qui leur ont déplu. Nous en avons discuté, ce qui nous a emmené sur le rôle, la nécessité ou pas de la trace écrite de leçon, sur le choix du vocabulaire et sur ce qu'est une tâche complexe/exercice à prise d'initiative. Mais comme souvent, pour moi y compris, c'est plus aisé de trouver ce qui cloche que ce qui est positif.
Et puis une jeune collègue, Clémentine, a proposé un manuel de façon positive : le Kiwi.

Voilà ce que j'avais écrit sur le Kiwi :

Le Kiwi : il s'ouvre dans le sens qui n'est pas le sens habituel. Je ne suis pas sûre que ce soit très pratique sur les tables, mais pourquoi pas. Chaque page est organisée de la même façon : un memento de cours, des exercices. Mon fils, qui est en première, a dit à la lecture des exos "Qu'est-ce que c'est que ces questions de merde ?" Alors toute la famille s'y est mise et finalement nous avons trouvé qu'elles étaient plutôt pertinentes, en fait. Mais je n'aime pas du tout l'aspect formaté et répétitif d'une page à l'autre. Et deux pages sur la translation, deux pages sur la rotation, c'est peu. Partie proportionnalité, des tableaux mais pas seulement. L'algo est totalement isolé.

Clémentine nous a présenté le Kiwi d'une façon qui l'a rendu intéressant : elle a reconnu qu'il n'était pas forcément idéal, mais a souligné des points forts qui m'avaient tout à fait échappés, et qui pourtant sont l'essence du manuel, je pense :
  • L'aspect répétitif que je regrettais a un pendant positif : chaque page circonscrit une notion, et réduit au minimum la trace écrite. Elle reconnaît le rôle de transmission du prof : à elle seule, elle ne suffit pas. Mais pour un élève qui cherche à réactiver un savoir-faire ou une notion, elle est suffisante. Certes, cela a l'effet de couper en rondelles les savoir-faire, mais il n'y a pas, du coup, de partie cours et de partie exercices habituelles. C'est un choix vraiment différent.
  • le sommaire montre une approche radicalement différente : 



 Les traces écrites ne figurent que dans la partie bleue, c'est-à-dire les premières pages. Ensuite, la partie rouge propose, sur des thèmes qui couvrent à nouveau tout le programme et dans le même ordre que la partie bleue, des exercices d'entraînement et d'approfondissement. Cela peut permettre de différencier facilement et rapidement en classe.
Enfin, la partie verte contient des exercices à prise d'initiative, qui en sont vraiment, et qui sont en nombre particulièrement remarquable.

  • Chaque  page indique à quels attendus de fin de cycle on se réfère. Dans la troisième partie, celle des exercices à prise d'initiative, figurent les compétences (parmi les 6 institutionnelles) mises en oeuvre.

C'est en plus un manuel de cycle, assez léger par rapport aux autres. Une faiblesse importante demeure : l'algo est regroupée à part. Il n'y a pas non plus d'activités de découverte à proprement parler, mais comme la plupart du temps j'utilise les miennes et je fais manipuler, ce n'est pas très grave. 

Du point de vue contenu mathématique, il y a trop de référence au tableau de proportionnalité, mais en revanche les conversion sont abordées d'une manière qui me plaît : pas de tableau, mais une liste ordonnée des unités, pour pouvoir se repérer :


J'aimerais bien découvrir les contenus numériques. je vais me pencher sur la question : je suppose que c'est prévu pour donner envie de choisir le manuel.
Le manuel numérique est fourni avec le livre papier, ce qui pourrait permettre que les manuels restent en classe et que les élèves aient un accès numérique, compensé par des versions papier pour ceux qui n'ont pas accès à un support connecté.

Merci donc à ma jeune collègue Clémentine de m'avoir permis d'envisager différemment ce manuel. Je devrais sans doute étudier les autres d'un oeil neuf aussi...

Ma fille aime bien celui-ci...

mardi 17 mai 2016

Mais pourquoi tu t'infliges ça ?

C'est la question que m'a posée une collègue aujourd'hui : "Former les collègues, là, comme ça, mais pourquoi tu t'infliges ça ? Tu y gagnes quoi ?"

C'est une bonne question. Je n'y gagne pas d'argent (je crois, à moins que je sois rémunérée pour ces formations-là), ni de titre de gloire... Pas d'augmentation, pas de privilèges (encore heureux !). A brûle-pourpoint, voici ce qui me vient :

  • je suis bien au point sur le contenu de la réforme, du point de vue disciplinaire comme inter et trans-disciplinaire. J'ai bossé, j'ai participé aux réunions préparatoires, lu et relu les programmes et la plupart des documents d'accompagnement, j'écoute les IPR et les collègues formateurs, je m'approprie tout ça d'une façon qui me satisfait ;
  • Pour m'approprier l' "esprit de la réforme" et me sentir légitime face aux collègues, j'ai expérimenté : ne plus travailler par chapitre, animer des séances avec Scratch, mettre sur pieds des activités en lien avec de nouvelles notions du programmes, qui soient transversales du point de vue des domaines du programme. Je suis contente du résultat et c'est parti pour de nouvelles aventures, pour la peine, en classe. J'ai du pain sur la planche pour cet été, car j'ai tout plein de projets ;
  • je rencontre plein plein de collègues différents. Quels que soient leurs points de vue, leurs ressentis, leurs peurs et leurs enthousiasmes, ça me plaît. Même si certains enseignants sont tendus ou très critiques vis-à-vis de cette réforme, je n'en ai pas rencontré un seul qui refuse le dialogue. Leurs objections, leurs remarques, leurs réticences enrichissent ma réflexion et mettent à l'épreuve ma compréhension, ma connaissance, mon interprétation des textes. Ils m' "obligent" à évoluer, à m'ouvrir à tous les points de vue ;
  • je travaille avec les collègues formateurs, les collègues du pôle TICE, les IPR. Des postures, des façons de réfléchir différentes, des débats acharnés : chouette, non ?
  • je revois des collègues avec lesquels j'ai travaillé, des stagiaires, des tuteurs, je renforce les liens. Je tisse, je tisse. Des liens humains, pas de la soie d'araignée, hein. Je n'ai guère en commun avec ces bestioles ;
  • mon quotidien n'est pas répétitif. Pas du tout, même, et c'est bien ;
  • plusieurs collègues m'ont écrit pour des compléments ou demandé des formations sur site. J'ai donc dû les intéresser à un moment donné. J'aime bien me sentir utile...
J'aurais pu ajouter que j'aime conduire, et que ces formations me donnent l'occasion de sillonner l'académie, et aussi que j'ai le temps d'écouter ma radio préférée, comme ça, ou de chanter à tue-tête. Mais ce n'est pas un argument prioritaire !

Tout à fait d'accord !
En tout cas, je ne m'inflige rien de désagréable, je suis motivée et je sais pourquoi je suis là. Même si tout ne me plaît pas, je m'imprègne et je construis selon ma personnalité, mes convictions, pour les années à venir. Autrement dit, tout va bien, merci !

lundi 16 mai 2016

M comme Manuels (et comme Muffins)

Puisque le weekend est long, que j'ai fini mes évaluations pour la fac (sauf les mémoires, quand même), que la cave est rangée, que j'ai écossé les petits pois, terminé mes évaluations par compétences du collège, que la maison est toute propre, les paniers à linge vides, l'article de l'APMEP relu, je peux attaquer la lecture des nouveaux manuels scolaires.


Plus qu'une comparaison, j'aimerais réussir à faire le point. Mais c'est bien compliqué. Et nous en avons déjà reçu beaucoup... Quand j'en avais quelques-uns je me disais : oh, il n'y en a pas assez, ça ne vaut pas le coup. Maintenant, la pile m'impressionne. Et ce n'est pas hyper décoratif, dans mon salon, alors je m'y mets.

J'ai reçu des spécimens des gammes suivantes : Kiwi, Kwyk, Phare, Indigo, Maths monde, Dimensions, Delta, Myriade, et Transmaths. A chaque fois j'en ai un ou deux, pas forcément d'ailleurs des niveaux auxquels je m'adresse en classe.

Quels critères choisir ? Pour commencer, ma préférence va aux manuels organisés par cycle.
Mais ensuite ? Je suis partie, avant de les ouvrir, de la question suivante "Qu'aimerais-je trouver dans un manuel scolaire ?". Par ordre d'importance, j'aimerais :
  • Des tâches à prise d'initiative mettant en jeu des compétences et des domaines du programme variés
  • Des propositions de différenciation pour une même tâche
  • Des exos d'algo convaincants
  • De la culture mathématique (de l'histoire, du à quoi ça sert, tout ça)
Et de quoi n'ai-je pas envie ?
  • De listes d'exos décontextualisés et répétitifs
  • De bouquins compartimentés, où tout est catégorisé
Le Transmaths : le manuel par cycle est une concaténation des manuels par niveaux. C'est relativement logique, maison aurait pu espérer une logique complètement différente entre les manuels par cycles et les manuels par niveaux. Transmaths propose aussi des cahiers (pour l'instant, ce sont les seuls à la faire à ma connaissance).
Dans les Transmaths, on trouve du Scratch, des exos à prise d'initiative relégués en fin de chapitre, tout plein d'exos fort classiques. En fait, le nouveau Transmaths, c'est comme nos manuels actuels. Techniquement bien faits, mais où est l'esprit de changement ?
Côté positif, je me suis penchée sur les rotations et les probas. Dans le manuel par cycles, la partie rotations-transations est succincte, mais pas si mal. Et la notion de probe apparaît explicitement dès la cinquième.

Le Myriade : je n'ai que des manuels par niveaux. Les BD sont sympa, les exos "des maths autour de moi" aussi, et pas mal d'activités. Mais la notion de proba n'est pas explicite dès la cinquième. on parle d'aléatoire, de chance, mais on tourne davantage que le Transmaths autour du pot.

Le Delta : je n'ai que le bouquin de sixième, donc je ne peux pas comparer avec les autres quant aux transformations et aux probas. Le petit livret inclus "boîte à outils" ne me plaît pas : des tableaux de conversion, des tableaux de proportionnalité en-veux-tu-en-voilà, un condensé de notions brutes. Là, on n'est pas du tout dans l'esprit réforme. En revanche, pas mal d'exos liés à d'autres disciplines ou de culture sont proposés.

Le Dimensions : des activités sont enrichies de contenus numériques. J'ai reçu le manuel de sixième et celui de cycle 4. Il n'y a pas tant d'exos que ça, mais de l'algo partout. En revanche, beaucoup d'exos me paraissent du recyclage. En même temps c'est normal et on n'est pas obligé de tout réinventer...

Le Maths Monde : un chapitre est dévolu à l'algol en fin de manuel, et en feuilletant je n'ai pas croisé d'exos d'algol intégrés aux chapitres. Les activités à prise d'initiative sont très réduites, et encore en fin de chapitre. Celui-là, je ne l'aime franchement pas.

Le Mission Indigo : beaucoup d'exos, des questions flash, de l'algo partout et même des fiches "travailler autrement" avec deux version différenciées. Les problèmes ne sont pas mal non plus. On sent là une prise en compte des changements impulsés par les préconisations institutionnelles. Mais il est par niveaux, en tout cas pour ce que j'ai reçu.

Le Kiwi : il s'ouvre dans le sens qui n'est pas le sens habituel. Je ne suis pas sûre que ce soit très pratique sur les tables, mais pourquoi pas. Chaque page est organisée de la même façon : un memento de cours, des exercices. Mon fils, qui est en première, a dit à la lecture des exos "Qu'est-ce que c'est que ces questions de merde ?" Alors toute la famille s'y est mise et finalement nous avons trouvé qu'elles étaient plutôt pertinentes, en fait. Mais je n'aime pas du tout l'aspect formaté et répétitif d'une page à l'autre. Et deux pages sur la translation, deux pages sur la rotation, c'est peu. Partie proportionnalité, des tableaux mais pas seulement. L'algo est totalement isolé.

Le Kwyk : la proportionnalité est traitée de façon intéressante. On trouve pas mal de problèmes, mais l'algo est reléguée à la fin. Je crois que pour un manuel par niveaux, il me plaît assez. Les filles de la maison ne le trouvent pas très joli visuellement, pas attractif.

Le Phare : comme le Kiwi, on l'ouvre en paysage. Ca doit être parce que c'est le dernier et que j'ai trop mangé de muffins, mais je n'ai rien à en dire de particulier. Un manuel à l'ancienne, encore, sauf le sens. Boarf, je crois. Mais arrivée là, je ne suis plus trop sûre. J'en ai trop vu d'un coup.


En revanche, les filles de la maison préfèrent l'ouverture paysage. Elles trouvent que ça donne plus envie de réfléchir aux exos, de travailler, car les images sont mieux mises en valeur. La mise en page est, selon elles, plus attractive.

Plus encore qu'avant le découpage par années me semble inadapté et contreproductif. Nous pourrons différencier et nous adapter bien mieux avec les manuels par cycle.

Mais surtout, pour le moment, en ce qui me concerne, il est urgent d'attendre.

jeudi 12 mai 2016

17 nouveaux problèmes Dudu !!!

Non mais vous le croyez, ça ??? 17 nouveaux problèmes Dudu d'un coup d'un seul !


Bon ben allez hop, ce weekend c'est visionnage, téléchargement et étiquetage. Lundi tout sera bien rangé comme il faut sur mon disque dur et prêt à l'emploi! Parce que les problèmes Dudu, ça permet d'introduire, de réactiver, de consolider tout plein de notions de façon sympa, ambitieuse et dynamique !

Merci les Duduuuuuuuu !


Les cahiers péda se consacrent aux maths

Le dernier numéro des Cahiers Pédagogiques consacre son dossier aux maths. Coordonné par Guillaume Caron et Rémi Duvert, le dossier aborde sous différents angles l'enseignement des maths, ses liens avec la culture, les autres disciplines, l'histoire de son enseignement, etc. Facile à lire, intéressant, très actuel et concret, je vous le conseille. Et je remercie Guillaume de m'avoir contactée pour en écrire un petit morceau, et contribué à ce dossier qui me semble très cohérent et tourné vers la réalité du métier et des élèves.



mercredi 11 mai 2016

Il y a les droites pas rallèles, et les autres

Les prénoms ont été modifiés, bien sûr :

Moi : Pourquoi tu as balancé Luis contre le mur ?
L'élève : C'est Antonio, il m'a énervé.
Moi : Mais tu as balancé Luis, pas Antonio ???
L'élève : bah oui, Antonio il m'aurait défoncé !

Moi : Non mais là il faut que tu arrêtes de parler, parce que tu atteins les limites de ma résistance nerveuse.
L'élève : Mais je parlais pas !
Moi : Pardon ?
L'élève : Mais on madame, je parlais pas, je bavardais juste !
Moi : C'est quoi la différence, pour toi ?
L'élève : Parler c'est pas bien, mais bavarder c'est normal !


Moi : Elles sont comment, ces droites ?
L'élève : Parallèles.
Moi : Ah bon? C'est quoi, ça ?
L'élève : C'est le point où elle se coupent.
Moi : Elles se coupent et elles sont parallèles ?
L'élève : Ben oui, elles sont pas rallèles !
(J'ai mis un temps fou à comprendre)

Moi : le robot avance sur le pont, et la consigne dit que le pont n'a pas de garde-corps. Vous avez compris ce qu'on cherche à savoir ?
Les élèves : oui, on veut savoir si le robot tombe à l'eau ou si il arrive au bout du pont.
Moi : D'accord. Comment allons-nous faire ?
Jordan : C'est idiot, madame, comme exercice.
Moi : Ah, pourquoi ?
Jordan : si le robot il a un garde du corps, il ne va pas tomber, le garde du corps il va le rattraper !

Manuels par cycles ou par niveaux ... Ou pas de manuel du tout ?

La question se pose. Pour le moment, les manuels qui nous sont arrivés en établissement ne nous convainquent pas, dans mon collège. Soit ils redécoupent tout en rondelles, soit ils sont la concaténation de rondelles réunies en un même volume. Nous n'avons toujours pas tout reçu, mais pas de tâches complexes (ou de questions à prise d'initiative ?), de problèmes ouverts, d'activités conçues pour des travaux de groupes comme nous en aimerions, pour bien travailler, s'adresser à tous, gérer l'hétérogénéité, être ambitieux tout en remédiant. Rien de bien enthousiasmant, avec une odeur de vieille marmite.

Alors que faire ?

Nous pourrions, comme notre inspection nous le préconise, attendre l'année prochaine ou les calendes normandes. Mais il y a un problème : il semble que si nous attendons, les budgets, eux, n'attendent pas. Il faut que j'aille demander à notre gestionnaire, mais d'autres collègues ailleurs l'ont fait et la réponse qui leur a été donnée est la même partout : il y a une question d'exercice budgétaire qui empêche de reporter l'achat de manuels d'un an. Et l'année suivante, les disciplines non prioritaires cette année (elles doivent bien le prendre, tiens, d'ailleurs !) le seront enfin. Et plus nous.

Il nous reste, je suppose, deux solutions :

  1. Nous n'achetons pas de manuel, et nous élaborons nos exos, nous en piochons par-ci, par-là en élaborant nos supports. C'est envisageable, mais exclut la spontanéité : si Ethan a fini son exercice, par exemple, j'aime bien pouvoir en dégoupiller un autre, paf comme ça. Sans manuel, c'est plus compliqué. A moins d'avoir un certain nombre de manuels (nos spécimens par exemple) sous la main pour les quelques élèves concernés. Et pour le reste j'ai des fiches déjà prêtes dans ma bibliothèque de travail. Autre souci : pour les devoirs, il faut aussi tout anticiper. Nous ne pourrons plus réagir en direct à une difficulté observée, à laquelle nous ne nous attendions pas, et trouver le bon exo (s'il existe...) du manuel qui permet de consolider ou de remédier pile face à cette situation. Et il va falloir revoir à la hausse le budget photocopies.
  2. Peut-être pouvons nous repousser l'achat au début d'année scolaire ? Au mois de novembre? Nous pourrions réfléchir, tester des organisations, expérimenter sur le début d'année. Ca se tente...
En tout cas, il nous faut réfléchir et ne pas nous précipiter. Car nous allons les utiliser longtemps, ces manuels, en principe...

Message à ceux et celles qui ne peuvent pas me lire...

Depuis quelques semaines, certain(e)s d'entre vous m'ont fait part du fait qu'ils ne peuvent plus aller sur mon blog, ou alors de façon imprévisible : "des fois, ça marche, mais souvent ça marche pas".

Après avoir enquêté sévère et consulté les plus éminents spécialistes (merci Philippe, merci Laurent), le problème vient d'Avast, qui est fort mal fichu en l'occurrence. L'antivisrus détecte un souci sur mon blog, qui n'est en fait qu'un "faux positif".

Pour y remédier, on peut essayer de lancer une mise à jour manuellement : cliquez sur le logo d'Avast dans votre barre des taches, une fenêtre s'ouvre. Allez dans "Maintenance" puis "Mise à jour" et cliquez sur "Mettre à jour le moteur..." Et espérez.

lundi 9 mai 2016

Baffe

Ca m'arrive régulièrement, mais quand même... Je passe dans le hall et une élève (que je ne connais pas, par ailleurs) m'interpelle. Elle commence par un gentil "Bonjour madame Lommé !" et continue d'un ton tout aussi gentil, et curieux :


"Madame, vous auriez fait quoi si vous aviez réussi, dans la vie ?"

"Heuuuu ben en fait tu vois, je voulais être prof, moi..."

"Ah oui d'accord..."

(blanc)

"Non mais c'est bien qu'il y en ait qui avaient envie de faire ça, hein."

(re-blanc)

"Mais c'est bizarre, quand même. Pourquoi vous avez eu envie d'être prof, et en plus de maths ?"

Allez, quizz : qu'ai-je répondu, selon vous ?

Maths et jeu de rôles, questions-réponses

J'ai récemment reçu des questions de plusieurs collègues sur mon fonctionnement. Alors voici les questions, et mes réponses.

Comment vous est venue l'idée de créer un jeu de rôle? 

J'ai plusieurs réponses, en fait :

  • Je suis rôliste depuis longtemps et je connais assez bien le milieu du jeu de rôles. J'ai joué à pas mal de choses, et été maître du jeu plus souvent encore. C'est donc pour moi un univers "naturel".
  • Les mécanismes de jeu de rôle sont assez... mathématiques ! Il y a beaucoup de rigueur, là-dedans, des implications de cause vers conséquence, tout ça; Je trouve ça très bien adapté aux maths.
  • J'aime l'aspect visiblement évolutif des personnages de jeu de rôles. En jdr, on progresse, on gagne des niveaux, de l'expérience. Même si parfois on fait un gros fumble...
  • J'aime aussi le côté coopératif : on a besoin d'être ensemble et de reconnaître les talents de chacun pour réussir mieux, pour parvenir à accomplir ce qui aurait été un exploit, voire impossible seul. Or je voulais en même temps installer ce projet, passer en ilots et généraliser le travail de groupes.
  • Je ne voulais plus de notes, mais un quantificateur purement sommatif, sans moyenne. Le système d'XP permet de se situer, mais de façon globale, jamais ponctuelle. On se situe grâce au total d'XP sur l'année, et de ce fait une performance décevante n'est pas stigmatisante, ni spécialement invalidante. Le niveau résume encore davantage cette idée.
  • J'avais envie d'un mécanisme qui parle aux enfants, et d'abord à eux. Lorsque je reçois des parents, je constate qu'ils suivent les progrès de leurs enfants, mais par Sacoche, du point de vue des compétences. Les XP, le niveau, ils nous les laissent, en général. J'aime bien ça : c'est entre eux et moi, même si c'est tout à fait public.
  • J'avais envie de changer mes pratiques, de me rapprocher de ce que je suis, de comment je sens les choses. Et de fantaisie, d'humour, d'une iconographie qui change dans les cahiers.

J'ai mis du temps à sauter le pas. Mais le bouquin "Mutliplayer classroom" m'a définitivement donné envie de mettre en place un système du même genre. Et puis mon éminence grise personnelle m'a poussée à me lancer (après m'avoir déniché le bouquin, d'ailleurs).


Allez-vous continuer ?

Oui. Ca marche, ça me plaît. Je me demande si je vais plus loin ou pas, en revanche. Pour ça il me faut les outils numériques qui suivent, pour que cela ne se transforme ni en galère, ni en usine à gaz. Mais mes étudiants en M2 Meef à l'espe ont de tas d'idées très chouettes, qui me font envie. Par exemple, c'est une stagiaire qui m'a donné l'idée du manuel du joueur, l'année dernière. Et quelle idée ! Ca a changé pleine choses, en mieux !
En plus, il ne faudrait pas que je m'encroute dans des habitudes. Il faut donc que je fasse évoluer tout ça.


Les élèves font ils les donjons/quêtes/boss par choix?

Je ne suis pas sûre de comprendre la question.
Les élèves choisissent de faire des quêtes par choix, de façon facultative. D'autres sont obligatoires. Les donjons correspondent plus aux problèmes ouverts, et les boss aux évaluations. Parfois il y a des degrés de liberté dans les consignes, ou un choix entre plusieurs, et parfois pas.
En revanche, ils me proposent des thèmes : nous avons fait une quête Harry Potter la semaine dernière, et je travaille sur une quête One Piece pour bientôt.


Avancent-ils tous au même rythme dans la progression?

Non. Nous avons un objectif commun, avec des points d'étape où tout le monde rassemble ses connaissances, ses compétences, ses expériences. Mais certains vont plus loin que d'autres, et plus vite, tout en restant dans les mêmes champs. Comme mes activités mobilisent des thèmes variés, je peux toujours choisir d'engager les plus rapides ou ceux qui ont déjà compris vers des prolongements qui restent attachés à ce que fait l'ensemble de la classe.


Les élèves prennent-ils les cours quand même au sérieux ?

Oui : nous bossons très dur, mais avec un maximum de plaisir. Sans note, j'évalue tout, tout le temps. En enregistrant, en filmant, en écoutant, en ramassant les brouillons, au tableau, sur feuille... Cela a comme effet qu'ils soient tout le temps impliqués. Un élève m'a dit l'année dernière : "en fait c'est perfide vot'truc madame : on a l'impression que c'est agréable, qu'on s'amuse, on ne s'ennuie pas. Mais en fait moi je bosse carrément plus !" C'est ce que je cherche, même si je ne suis pas perfide, en vrai.


Les élèves apprennent-ils leurs leçons sans copier le cours écrit au tableau ?

Il y en a qui ne l'apprennent pas, évidemment. Mais entre les vidéos (souvent rigolotes, donc qui captent l'attention), les retours permanents que permet la progression spiralée, les reformulations systématiques, le fait que ne pas copier permet de faire deux fois plus d'exos, les XP à gagner quand on fait des exos en plus, les inters plickers fondées sur les automatismes, etc., c'est difficile de ne pas savoir tout un tas de choses. Je permets aussi aux élèves de refaire des évals lorsqu'ils ne sont pas contents d'eux. Ils révisent, du coup, pour préparer la suivante. Et progressent. Et prennent différemment l'erreur.


Que gagnent-ils à avoir beaucoup d'XP ?

Des pouvoirs, utilisables chacun une fois d'ans l'année : écouter de la musique dans les écouteurs pendant une séance d'exercices, avoir droit à un coup de pouce en évaluation, ne pas avoir de croix pour matériel oublié... Des petits bonus qui les ravissent et ne sont pas lourds de conséquences, excepté dans la respiration que leur donne cette latitude : utiliser un pouvoir qui fait plaisir, quand on veut. Décider, un peu.


Vous dites quoi aux gens qui vous disent que ce n'est pas sérieux ?

Rien, car en général "les gens" ne me disent pas cela. Ceux qui sont concernés directement ou indirectement voient bien le travail, les progrès, l'efficacité. Les autres, ils peuvent venir me voir, si ils veulent ! Ma porte est ouverte... Au propre comme au figuré.

mercredi 4 mai 2016

Prof de maths, mais pas si méchante !

Entre mes cours de la matinée et mes cours de l'après-midi, comme je n'avais plus d'élèves à embêter, j'ai lavé mon chien...


... et je crois qu'il était tout à fait d'accord avec mon tee-shirt !

dimanche 1 mai 2016

Manuel par cycle ou manuel par niveau ?

Les premiers spécimens arrivent dans nos casiers, ces jours-ci. Certains proposent des manuels par cycle (un manuel pour le cycle 3, un manuel pour le cycle 4), et d'autres par niveau (un manuel 6e, un  5e, etc.). Il va donc falloir faire des choix.


En ce qui me concerne, je suis tout à fait favorable aux manuels par cycle. Je m'explique :

  • Un manuel par cycle permettra de différencier bien plus facilement : tel élève, tel groupe qui a terminé une tâche pourra s'engager dans une autre, avec un choix plus large pour l'enseignant ; de même, des élèves en difficulté pourront retravailler des savoir-faire antérieurs sans souci.
  • Un manuel par cycle laisse le prof plus libre de sa progression. Avec des manuels par niveaux, l'enseignant est obligé, en tout cas pour les exercices donnés en devoirs à la maison, de suivre le bouquin. Alors que les nouveaux programmes laissent une grande marge de liberté, qui profitera aux élèves et nous donnera une bouffée d'air.
  • Cela permettra peut-être d'en avoir pour les élèves et en classe, puisqu'il suffira d'avoir un jeu dans les classes, pour trois niveaux : 5e, 4e, 3e.

Pour ma part, je n'ai reçu que le Transmaths, pour l'instant, qui propose les deux formules. Dans le manuel par cycle, on retrouve une progression "découpée en rondelles", mais au moins on dispose de l'ensemble des contenus du cycle et rien n'oblige à la suivre. Ce qui est regrettable est l'absence de tâche globale, d'activité mettant en jeu de multiples compétences, y compris la recherche et la sélection d'information, la recherche ouverte. Les exercices proposés sont toujours très thématiques, et le manuel ne s'engage pas assez (à mon goût) dans une vision plus globale, centrée sur l'exercice des mathématiques et non sur l'acquisition de savoirs académiques trop peu connectés entre eux.

Attendons donc la suite, et les manuels de la concurrence.

Neurophobie ou neurophilie ? Ni l 'un ni l'autre !

Sur Eduveille, Marie Gaussel a publié un article intitulé :

C'est une tendance forte en ce moment que de mettre en garde contre les neurosciences, ou plutôt contre un usage excessif, irraisonné, dans le domaine de l'éducation en particulier. Au travers de l'histoire, avec Piaget, Vygotsky, Dehaene et tant d'autres dont les travaux ont été déterminants, on s'aperçoit qu'à chaque nouvelle "tendance" liée aux découvertes scientifiques, il y a emballement. Ce qui est surprenant, c'est que nous mettions tous nos oeufs dans le même panier aussi facilement, que ce panier soit pour ou contre les neurosciences, et ce à toutes les époques, comme si une découverte scientifique était forcément juste et définitive.
En même temps, c'est beau, l'enthousiasme...

Cet article s'inscrit tout à fait dans cette démarche : celle de la réflexivité, à l'image aussi du très intéressant dossier de veille de l'Ifé consacré à ce thème, dont voici une partie du résumé :

"Ce Dossier d'actualité n° 86 de septembre 2013 aborde la manière dont les neurosciences appréhendent l'apprentissage(...).
Nous évoquons également dans ce dossier les répercussions issues de la fascination et du pouvoir « scientifique » qu'exerce la neuro-imagerie sur le public, les enseignants et les décideurs, avec par exemple la volonté de certains neuroscientifiques de transférer les résultats de leurs recherches en salle de classe et de former les enseignants aux méthodes pédagogiques les plus efficaces. Cette « neurophilie » peut également être à l'origine de mauvaises interprétations des résultats de recherche, appelées ici neuromythes."


L'article d'Eduveille fait référence à une émission de France Inter, La tête au carrée du 5 avril, consacrée à la mémoire et à la neuro-éducation. "Pendant l’émission, une enseignante invitée sur le plateau a mentionné le mythe des styles d’apprentissage VAK (visuel, auditif, kinesthésique) sans aucune réaction des scientifiques présents sur le plateau. La supposition implicite dans ces styles d’apprentissage est de dire que l’information n’est traitée que par un seul canal perceptif, indépendamment des autres canaux, ce qui va totalement à l’encontre de ce que l’on sait aujourd’hui sur l’interconnectivité du cerveau. (...) Bérengère Guillery-Girard rebondit même sur la notion d’apprentissage multimodal qui fait référence à une autre théorie qui, bien qu’extrêmement populaire, n’a jamais été corroborée, celle des intelligences multiples. Cette notion à été dénoncée par exemple par John Geake qui affirme que la notion d’intelligences multiples n’a jamais été démontrée en neurosciences. Selon lui, il y aurait une intelligence générale qui s’exprime dans plusieurs domaines reliés entre eux."

Voilà un excellent exemple de l'emballement médiatique ou pédagogique, je trouve. Imaginer que le VAK ou les intelligences multiples permettent d'apporter des réponses à tous les problèmes est forcément excessif : l'humain est bien (heureusement) plus complexe que cela, et chacun d'entre nous le sait ! Pour autant, travailler sur les différentes façon d'exercer sa réflexion, de mémoriser, d'interpréter et de s'approprier des contenus scolaires est un travail intéressant, utile et nécessaire à la réussite des élèves : cela leur permet de comprendre leur propre complexité, d'élaborer des stratégies personnelles sans s'enfermer dans les méthodes qui ne leur correspondent pas forcément. Mais pourquoi faudrait-il forcément devoir tirer des conclusions définitives et universelles de tels outils ? C'est tentant car cela permettrait d'avoir des recettes magiques pour faire réussir mieux nos élèves, mais c'est dangereux et peu réaliste. L'enseignante interrogée sur France Inter le dit bien, d'ailleurs. Ces outils permettent d'avancer dans la réflexion, de communiquer, de nous enrichir les uns et les autres, bref, d'apprendre sur soi et les uns sur les autres. Ce n'est pas une baguette magique, car il n'existe (heureusement) pas de baguette magique dans ce domaine.

Pour exposer souvent en formation la façon dont j'utilise par exemple les intelligences multiples, c'est vrai que je constate que parfois dans un premier temps les stagiaires ont tendance à s'emparer de ce type de dispositif d'une façon trop peu nuancée, sans la prudence indispensable. Utiliser le VAK ou les intelligences multiples pour classifier, catégoriser des profils mentaux ne peut conduire qu'à amenuiser les performances des élèves, en fermant des portes, alors que justement tout l'intérêt est de faire découvrir la richesse de nos profils mentaux, de faire réfléchir aux apprentissages, et à qui nous sommes. Pour cela, il nous faut leur expliquer les dangers et 'erreur que constitue la classification des cerveaux par "types".

C'est ce qu'on appelle la neurophilie : la fascination pour toute information impliquant le cerveau. Marie Gaussel écrit : "même si les informations sur l’utilisation de la mémoire, ou plutôt des mémoires, sont très instructives, les connaissances sur le fonctionnement du cerveau ne suffisent pas à expliquer tous les processus mentaux liés à l’apprentissage dans la salle de classe, ni même à donner des « trucs » comme le dit l’enseignante questionnée lors de l’émission. Restons vigilants pour ne pas tomber dans l’utopie des promesses trompeuses de la « neuro-éducation » !".

En effet, restons vigilants et n'oublions pas de réfléchir en permanence, et de toutes les façons possibles, sans hésiter à tout remettre en cause face aux éléments nouveaux. Au pire nous nous tromperons, et nous ou d'autres après nous découvriront de nouveaux éléments et corrigeront !