Le dernier article du blog
Enseignant des maths, écrit par Arnaud Durand, a attiré mon attention : il s'agit de son point de vue sur l'innovation.
Arnaud Durand est enseignant en collège. Il est le président de l'association "Scolatix.org, membre de l'équipe du
Rallye Mathématique de Sarthe, contributeur du
Planet-Éducalibre, bref, c'est un monsieur qui a de l'énergie et le métier dans la peau. D'ailleurs, je cite régulièrement ici et je ne saurais trop vous conseiller si vous ne le connaissez pas déjà son excellent site, et ses extraordinaires vidéos (les problèmes dudu, dont le dernier est
ici, la mythique vidéo de la hauteur issue d'un sommet dans un triangle, ou la guerre des relatifs, ...).
Alors, que dit ce monsieur Dudu de l'innovation ?
D'abord, il fait un point d'étape car il se sent un peu bloqué (bon, chez quelqu'un comme lui, cela doit être très relatif, mais je comprends bien ce qu'il peut ressentir) : il se demande pourquoi il n'a pas récemment mis en place de nouveaux projets (ou presque, cf. ci-dessus). Alors il réfléchit aux obstacles auxquels peut se heurter le prof qui innove.
I. Savoir lâcher des projets pour en créer d'autres.
Continuer à faire tourner des projets qui ont fait leurs preuves "prend du temps, laisse peu de place à la nouveauté." Et puis c'est plus "simple de faire des projets que l'on maîtrise, c'est un confort indéniable mais cela n'aide pas à aller de l'avant."
II. Un travail d'équipe
"Parler d'innovation alors qu'on est tout seul à "innover", c'est une lubie ; ça ne sert à rien si on ne partage pas. Comment avoir un regard réflexif si on est tout seul? Bien entendu, cela ne veut pas dire que l'on doit être soutenu par l'intégralité des enseignants."
Ah, voilà le point qui m'a le plus intéressée. Jusqu'ici, j'étais seule, dans mon établissement, à m'impliquer dans mes projets maths et jeux de rôles, évaluation sans notes, tout ça. D'autres collègues dans mon collège développent des tas de projets vraiment extra, mais c'est chacun de son côté. Parfois d'ailleurs la raison en est toute simple : le projet n'appelle pas l'implication de toute ou partie de l'équipe péda.
Je ne pense pas qu'innover tout seul soit une "lubie", et d'ailleurs je ne comprends pas vraiment cette phrase. On innove jamais tout seul, puisqu'on le fait avant tout avec ses élèves, avec leurs parents. D'ailleurs j'ai collaboré avec des collègues, mais pas de mon établissement dans un premier temps. Parce que je ne veux pas faire de prosélytisme, parce que je ne veux forcer personne, parce que mener un projet seul permet une liberté de mouvements idéale, et aussi parce que les baffes ça pique longtemps. Mais le regard réflexif, les débats, les discussions, j'en ai eu.
Et puis cette année les choses ont changé. En plusieurs étapes :
- aux journées de l'innovation dans mon académie, madame Blanchard, inspectrice vie scolaire, et François Müller, ont discuté avec mon mari et moi de cette idée d'équipe. L'un comme l'autre, nous nous sommes pris tellement de violents ramponneaux par le passé que nous sommes refroidis quant au travail en équipe. Il me semblait plus créateur de freins que facilitateur. Et puis, en rentrant le soir, en continuant de discuter avec mon mari, j'ai senti que j'étais peut-être prête à m'engager un peu plus, ou à réessayer de la pointe de pieds.
- au fur et à mesure, des réactions sont apparues dans mon établissement. Une collègue (et amie) est entrée dans le jeu du sans note. Puis nous avons eu droit à des attaques en règle, des tentatives de déstabilisation d'une partie du projet. Mais nous avons fait face et par des discussions franches et les yeux dans les yeux, le soufflé s'est dégonflé. Cela a été rendu plus simple par mon respect affiché depuis toujours des pratiques péda de chacun, et le fait que je suis inoffensive et affichée comme telle.
Au final, plusieurs collègues semblent intéressés pour réfléchir et peut-être mettre en oeuvre certains pans du projet, à leur façon, en prenant le temps, ce que je trouve très bien. Nous verrons bien ce que cela donne.
- j'ai fini par me lancer dans davantage d'échanges : participer à l'histoire des arts et donc bosser en binôme, élaborer des projets trans- et inter-disciplinaires pour l'année prochaine (maths et français, maths et allemand, maths et arts plastiques) avec des collègues vraiment super.
C'est pas une belle évolution, ça ?
Ben si.
III. Le soutien de l'administration
Incontournable en effet.
IV. Ne pas avoir peur des grands projets!
V. Le soutien de l'institution
Innover demande du temps et les décharges ne sont pas faciles à obtenir. En ce qui me concerne, j'en ai deux, mais l'une au titre de mes interventions en ESPE, et l'autre pour la mission REP+, qui est directement liée à l'innovation d'ailleurs.
Je vous conseille d'aller lire tout l'article, en lien au début de ce post. Mais c'est décidément dommage qu'il soit si difficile de mettre en oeuvre des projets dont on a envie, dont on pense qu'ils vont aider les élèves et nous épanouir en tant qu'enseignants. Ce n'est même pas forcément de l'innovation, pour autant que ce mot ait un sens aujourd'hui. Je l'ai déjà écrit : je ne me sens pas innovante. Je pioche des idées partout, je lis, je discute, je transforme, mais la question n'est même pas de savoir si on innove ou pas.
La seule question, c'est celle de l'efficacité, tournée vers nos élèves. Et peut-être devrait-on bannir le mot innovation dans le domaine pédagogique. Lorsque monsieur Dudu s'éclate dans ses projets, il ne se dit pas "Allez, aujourd'hui, j'innove". Il s'éclate, et il bosse.