Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

jeudi 30 avril 2015

Copies à corriger au rang n=6


Elle est presque toute plate, ma chemise de copies à corriger !!!
Youhouuuuuu !

Wikiboulette


Heu non. Isoca  Icosa, c'est vingt. Dodeca, c'est douze.
D'ailleurs toutes les autres références renvoient bien à douze. C'est une coquille, mais je l'ai relevée grâce à un commentaire qui m'interrogeait sur l'étymologie de dodécaèdre.

Les solides ni penchés, ni tordus, ni arrondis

Un prisme droit, c'est ça.
Deux bases parallèles et superposables
et des rectangles pour faces latérales
C'est ainsi qu'une de mes élèves de cinquième définit les prismes droits. J'ai bien du mal à obtenir une définition que je puisse raisonnablement accepter. Mais ce n'est pas l'objet de ce post.


Aujourd'hui, je vais me pencher sur un exercice en particulier, celui-ci :

Donne un exemple de prisme droit dont le volume est 24 cm3, en expliquant ta démarche.
Ta solution est-elle la seule possible ? Justifie. 

C'était l'exercice final sur les prismes droits. Les autres demandaient de calculer des volumes, avec une difficulté graduelle, et un calcul d'aire.

En corrigeant mes copies, deux exercices ont attiré mon attention : celui dans lequel je demandais pourquoi deux solides étaient des prismes droits (les questions qui demandent de l'expression et de décrire un objet mathématique permettent souvent une analyse intéressante), et celui-ci. J'ai conservé comme thème d'étude celui-ci car différentes approches cognitives y apparaissent.
oh les beaux prismes droits !
Je l'ai aussi choisi pour une raison désagréable : j'ai commis une faute, dans mon énoncé initial. J'ai tellement modifié la consigne de cet exercice que j'ai laissé "24 cm2" au lieu de "24cm3". Je m'en suis aperçue après avoir photocopié le sujet et j'ai précisé à la classe ce qu'il fallait rectifier et pourquoi. Je l'ai noté au tableau et je suis allée voir chaque élève individuellement. Et ça n'a pas suffit, et ça nuit à la qualité de mon évaluation. Cela m'embêtait d'insister autant, car un de mes objectifs était d'évaluer l'emploi des unités (moi, j'ai un point rouge, pour le coup...). Mais je voulais qu'ils comprennent comme mon erreur était importante, comme elle enlevait du sens à l'exercice. Au final, j'aurais pu insister davantage... Bien que je sois allée voir chaque élève, que j'aie vérifié qu'ils avaient corrigé ou insisté pour qu'ils le fassent en leur montrant où et quoi modifier sur l'énoncé, quatre élèves sur vingt-huit n'ont pas apporté la correction. Pourquoi ? Sans doute parce qu'à ce moment-là ils réfléchissaient à autre chose et qu'ils ont remis à plus tard puis oublié, ou, plus embêtant, parce que cette erreur ne les gênait pas. Si c'est le cas, c'est que le sens des unités leur échappe, et peut-être même ne donnent-ils pas de véritable signification aux notions d'aire et de volume.

C'est une constante assez troublante : au collège, les élèves sont assez faibles face aux exercices de calculs d'aires et de volumes, et ils n'aiment pas ça. Moi non plus d'ailleurs, mais pour des raisons différentes des leurs : je n'aime pas les exercices d'application en général. J'aime bien quand il faut chercher un peu. Les exercices du DNB sur ce thème ont ceci de commun d'être très ennuyeux et très faciles, objectivement. A condition d'avoir appris ses formules, ou compris comment elles fonctionnent en général. Lorsque je leur demande pourquoi cela leur déplaît, les réponses que j'obtiens sont le plus souvent : "J'arrive pas à apprendre les formules", "Je ne vois rien dans l'espace", "Je ne comprends pas ces énoncés-là". Ce sont des réponses intéressantes : elles renvoient toutes à la question de sens et de l'appropriation. Il y a un transfert qui ne se fait pas, sur ces compétences-là. Peut-être privilégions-nous trop l'aspect application, justement, et ne passons-nous pas assez de temps sur le pourquoi, la perception intuitive.
Pourtant j'ai l'impression de le faire. Mais je ne suis pas assez efficace dans la transmission aux élèves, manifestement.

Revenons à notre exercice d'aujourd'hui.
J'ai réparti en catégories certaines des réponses que j'ai obtenues :

J'ai l'intuition de ce que je pourrais faire pour répondre mais les différentes natures de mesures ne veulent pas dire grand-chose pour moi :
Cet élève a compris qu'il faut décomposer le nombre 24 en un produit, pour mettre en évidence la formule qu'il connaît :
aire de la base x hauteur.
Il ne parvient pas à aller plus loin, dans sa représentation, qu'une des bases du prisme. Et il indique bien le nombre 8, mais il ne lui donne pas le bon sens puisqu'il l'exprime en cm et pas en cm2.
Enfin, cet élève ne communique pas assez. Il ne présente pas sa démarche, ce qui aurait pu donner de la valeur ajoutée à sa solution : il aurait pu expliquer que le 3 correspondait à la hauteur du prisme, qu'il avait choisi une base triangulaire, et que le nombre 8 était là pour l'aire de la base. Cela lui aurait peut-être permis de corriger l'unité.

Ici, la réponse n'est constituée que du dessin. Le prisme est un pavé droit, bien représenté selon les règles de la perspective cavalière. L'élève arrive à visualiser en trois dimensions et à représenter en deux dimensions. 
En revanche, le3cm est placé d'une façon qui fait que je ne sais pas comment l'interpréter. Peut-être correspond-il à la longueur de l'arête verticale d'à côté, et alors c'est franchement faux, avec une confusion aire/volume franche (et dans ce cas mon erreur de consigne est peut-être en partie responsable), ou alors 3cm désigne à tort l'aire de la face de droite, et l'erreur est la même que celle de l'élève précédent.

Réponse d'une élève très sérieuse et qui  sait rédiger, écrire des phrases (perle rare malheureusement), cette réponse indique cependant une mauvaise appropriation des grandeurs : le volume est en cm2 et l'idée d'inverser les deux nombres me gêne car ils sont exprimés dans des unités différentes, et en sont pour moi indissociables.
D'un côté, le vocabulaire est bien maîtrisé, de l'autre la base "égale à 6cm2" m'est désagréable, même si je ne sanctionne pas ce genre de choses. Je me contente de le faire remarquer.

L'élève a compris, mais la mécanique du calcul de volume n'est pas claire : 8cm fois 3cm, ça donne 24cm. Le lien n'est pas fait avec la multiplication, la notation "au carré". cm2 est un symbole conventionnel mais pas approprié par l'élève.

J'ai un problème pour représenter des solides :
Cet élève a su décomposer 24 et identifier le rôle des facteurs. Il manque les unités cependant.
La réponse à la question sur l'unicité est floue : l'élève veut-il dire qu'il existe une infinité de tels prismes droits, ou les contraintes lui ont-elles échappé ?
Enfin, la représentation en perspective est à reprendre car l'élève indique en pointillé des arêtes visibles. Là au moins, j'ai des remédiations toutes prêtes pour ce cas de figure.

Le nombre 24 a été décomposé, mais il porte la mauvaise unité, pourtant rectifiée dans la consigne. Mais c'est la représentation du solide dans l'espace qui m'embête : l'élève l'a construite inachevée, non cohérente. La perspective n'est pas respectée, il manque des faces. Il faut revenir sur cette compétence.

Cet élève a eu l'idée de porter des mesures sur sa figure (le tracé du segment solitaire indique une mesure précise, avec le petit trait au bout), mais la démarche est inaboutie. L'élève ne sait probablement pas calculer l'aire d'un triangle (je crains le 3x2), confond sans doute aire et volume, ou n'a pas donné de sens à la consigne. Il y a là une tentative de représenter ce que je suppose être un prisme droit à base triangulaire, mais l'élève a abandonné, et le début de sa représentation, très "horizontale", laisse à penser que c'est une compétence non acquise.


J'ai compris et je suis visuel :
Bel effort, de la part d'un élève qui n'aime pas du tout rédiger. Il y a des dessins, une réponse, et des mots. On progresse.

J'ai une façon de calculer un chouillat fantaisiste :

6x6=24, c'est vrai que ça change.
La réponse à la question de l'unicité m'a d'abord laissée perplexe, puis j'ai compris : on peut prendre une base de forme différente, du moment qu'elle a une aire de 6cm2.


Réponse intéressante, qui dénote une bonne compréhension globale, sauf que le 12cm3 concentre à lui seul un joli cafouillis, puisque le nombre 12 correspond au demi-périmètre de la base, mais exprimé avec une unité de volume. Outch.

J'ai compris et en plus je rédige mais je suis super énervante à déchiffrer :
Débrouillez-vous. J'en ai bavé. Cela dit, c'est drôlement bien. Elle raisonne, elle communique. Il faut encore travailler le visuel...

J'ai compris et j'adore le calcul littéral :
Mon fan de calcul littéral... Lui, il a tout compris au rôle de la lettre. Par contre son prisme est de guingois.



J'apprends mes leçons et je fais preuve de bonne volonté, mais je confonds un peu tout :
Cet élève est sujet au stress. Il est anxieux, et s'attache trop à "recracher" ses connaissances. Il ne se fait pas assez confiance. Il essaie de suivre mes consignes, explique sa démarche, indique sa méthodologie de calcul, mais c'est confus et il y a quelques erreurs qui picotent. Ecouter davantage en classe lui serait bénéfique. Apprendre (ou penser avoir appris) sa leçon à la maison ne compense pas les défauts d'attention en cours. 


Je sais ma leçon, j'ai compris et je sais aussi ce qu'on attend de moi :

C'est bien. Il y a tout ce que je demande.


mardi 28 avril 2015

Le vent dans mes maths

Sur Images de maths, Valerio Vassallo, mathématicien à l'Université Lille 1 et Cité des Géométries pose une fort jolie question :

En mathématiques, qu’est-ce qui se rapproche le plus d’un soupir ?


Voici ce qu'il écrit en préambule, mais je vous invite à aller lire l'intégralité de son article (ici) :

C’est une drôle de question, mais une collègue, professeur de mathématiques, me l’a posée récemment. Elle trouvait qu’elle était sans intérêt. Je l’ai prise au sérieux, dans le sens : que nous fait-il vibrer en mathématiques ? Qu’est-ce qu’alimente en nous cette flamme qui nous relie aux mathématiques ?

Alors j'ai réfléchi, moi aussi. Au départ je n'avais pas compris "soupir" dans ce sens. Je l'avais interprété plus proche de sa signification musicale. C'est peut-être parce que mes mathématiques sont silencieuses, délicieusement silencieuses. Mes mathématiques à moi, elles sont comme le vent, un vent plutôt doux, qui se déploie en circonvolutions tranquilles dans un monde absolument pas euclidien. Mais je m'égare. Ce qui est si clair dans ma tête de kinesthésique doit sonner bien étrangement ailleurs.

Dans le sens où la question est posée, je n'ai pas trouvé de réponse. Je ne suis pas mathématicienne, je suis prof de maths. Je suis maintenant tellement plus "prof" que "de maths"... 

Qu'est-ce qui se rapproche d'un soupir dans mon métier, alors ? Qu'est-ce qui me fait vibrer, qu'est-ce qui alimente la flamme ?
Je crois que c'est le regard d'un élève qui réfléchit. Ce moment où il a entendu ce que je lui ai expliqué, mais où il l'intériorise. Un ange passe, justement, à ce moment là, parfois très fugitivement, et pendant cet instant l'enfant que j'ai en face de moi n'est plus vraiment là : il est tout entier dans sa réflexion, il fait son chemin, tout seul. Et puis ensuite il revient. Cela se voit dans ses yeux : il interagit à nouveau avec l'extérieur.
Je crois que c'est un de mes moments préférés. Je ne l'observe pas si souvent, mais je trouve que c'est magnifique. 

Evidemment, des tas d'autres choses me nourrissent, me plaisent, m'enthousiasment ou m'énergisent, dans mon boulot. Me font espérer, aussi. Mais ça, ça me fait vibrer, en effet. Parce que je sais ce que ressent le gamin. Parce qu'il a osé franchir le pas de la réflexion abstraite, profonde et solitaire. Il cherche vraiment à comprendre, il s'engage volontairement dans cette démarche souvent risquée (car fatigante, parfois décevante ou frustrante, et de toute façon inconnue).

Mais en réfléchissant, je trouve étrange de ne pas pouvoir répondre à la question de Valerio Vassalo. Etudiante, j'aurais sans doute parlé topologie. J'adorais ça la topologie. Ensuite, pendant des années, je n'aurais rien répondu : je m'épanouissais à enseigner, mais les maths ou autre chose, je ne sais pas si cela aurait fait une différence. Depuis cinq ou six ans, j'ai retrouvé un véritable goût pour ma discipline. Mais ce goût n'est pas vraiment fondé sur la connaissance. Il est fondé sur mon ressenti, sur cette perception que je me suis construite des mathématiques : mouvantes, surprenantes, précieuses, humaines.

Allez, tout de même, je me souviens d'une découverte qui date pour moi, mais qui m'avait fascinée. Un prise de conscience digne d'un soupir : la géométrie sphérique, justement. 

J'ai parcouru les différents billets de Valerio Vassalo, et je vais aller les lire plus attentivement : il exprime, dans ses titres, une sensibilité qui me plaît beaucoup. 

"Maths" mon humour


Voilà voilà. Bon en fait l'article ne parle pas du tout de maths. Dommage !

XP en sixième : premier bilan

J'ai ce matin finalisé les XP de mes élèves de sixième à l'issue des dernières évaluations et de leur investissement en classe.

Pour que cela soit facile à appréhender, j'ai construit deux graphiques :




Que retenir de ces résultats ?
- Les élèves en grandes difficultés continuent de progresser et ont "décollé", même si c'est de façon modeste. En particulier leur attitude positive en classe (faire son travail, participer, poser des questions, être actif en recherche d'exercices) leur apporte des points et ils l'ont compris.
- Les élèves les plus sérieux de la classe sont clairement ceux qui ont accumulé le plus d'XP. Les "très bons" élèves peu enclins à suivre les consignes (dans la réalisation des tâches, mais aussi dans leur attitude) sont niveau 7 ou 8, mais ce ne sont pas les champions des XP.
- Je trouve l'ensemble très gaussien et cela me surprend. Je ne m'attendais pas à ce que les données numériques se répartissent ainsi, même si c'est bien ainsi que je ressens le niveau de cette classe, très hétérogène. Je craignait que mon système (qui valorise beaucoup le fait d'être positif ou non, d'être régulier et sérieux, de faire avancer le groupe et de respecter les autres) aplanisse et homogénéise. Il n'en est rien, en tout cas dans cette classe.
- Il faut que je réfléchisse à mon échelle de niveaux : idéalement, j'aurais aimé que les élèves sérieux et efficaces puissent atteindre le niveau 15 ou 16 en fin d'année. Mais comme j'ai modifié mon système en décembre, j'ai peu de visibilité globale pour cette année.

Avant de rentrer mes valeurs constatées d'XP, j'avais élaboré un graphique à partir de mon ressenti (ressenti réaliste ; sinon ce que j'espérais en début d'année, c'est que tous mes élèves atteignent un top niveau...) : à la louche, j'avais estimé le niveau que je pensais atteint par mes élèves.

Voici ce que cela avait donné :
Ce n'est pas si loin en fait ! Et il n'y a pas de lézard caché : les élèves sont bien dans "ordonnés" (beurk) de la même façon a priori et a posteriori.

Les mystères à deux balles de Chéryl

Ici, ou encore  ... Les articles ont proliféré, mi-avril, à cause de Chéryl et ses deux copains Albert et Bernard.

Le problème a été posé aux Olympiades singapouriennes cette année. Au départ annoncé comme destiné à des écoliers de dix ans, le problème s'adressait à des collégiens de 15-16 ans.

Mais pourquoi tout cet émoi ? 
Je crains que ce soit pour de mauvaises raisons.

Il me semble qu'une nouvelle fois il y ait de l'implicite là-dedans. Certes, le problème est épineux pour n'importe qui (enfant ou adulte) non entraîné à ce type d'exercices. En ce qui me concerne, habituée des "logigrammes" et autres énigmes à résoudre à coup de déductions et de disjonctions, ça a été rapide. Elle n'est pas difficile, cette énigme. En revanche elle est d'un type très particulier, et sans y avoir été confronté avant, c'est étonnant et on ne sait pas trop par quel bout le prendre. Avec de l'habitude, c'est presque algorithmique. Aucune connaissance, aucune imagination ne sont nécessaires.



Dans Le Monde.fr, je lis :
"Les élèves singapouriens sont censés être les meilleurs. Ces petits génies caracolent année après année dans la tête des classements internationaux en mathématiques. Selon une enquête publiée par l'OCDE début avril, ils étaient encore les meilleurs en résolution de problèmes, devant la Corée du Sud et le Japon."
Voilà. D'un côté c'est vexant pour les "meilleurs" de sécher, et d'un autre c'est une occasion de clamer qu'ils ne sont pas si forts que ça. Alors que rien de tout cela ne signifie quoi que ce soit.
Ici, vous trouverez des éléments sur les méthodes singapouriennes en mathématiques à l'école.

Les organisateurs ont finalement précisé que c'est « une question difficile qui permet de sélectionner les meilleurs étudiants ». Je ne suis pas d'accord : c'est une question qui permet de repérer des compétences logiques, ou une habitude déjà ancrée à résoudre ce type d'exercices. J'ai des élèves de cinquième et de quatrième qui le résoudraient sans problème, habitués qu'ils sont à cela. Pour autant, ce ne sont pas forcément de futurs mathématiciens. Ce sont des élèves curieux et qui aiment réfléchir.
La vraie question est : que cherche à évaluer ce type de problème? Et aussi : faut-il prendre accorder tant d'importance à des énoncés d'Olympiades ? (d'ailleurs, qu'en fait-on ensuite, à Singapour ?)

lundi 27 avril 2015

Copies à corriger au rang n=3


Je ne sais pas si ça se voit, mais j'ai HYPER avancé. 
J'ai corrigé 4cm d'épaisseur de copies et la chemise de copies restantes ferme.

Madaaaame mais qui c'est qu'a inventé les maths ...

... Il était bizarre le type, il s'est dit "tiens, je vais embêter des élèves de pendant des siècles".

C'est un de mes élèves de cinquième qui m'a posé cette sempiternelle question il y a quelques semaines. C'est une variante (agréablement imagée) de :

Mais ça sert à quoi les maths ?

J'ai demandé à une partie de mes étudiants-professeurs si ils avaient déjà été confrontés à cette question et, si oui, quelle était leur réponse.
Tous ont eu plusieurs fois affaire à cette interrogation-maronnier, en une année d'exercice. Leurs réponses varient :

- A tout !
- A faire poser des questions aux curieux.
- A faire des recherches sur internet, par exemple.
- A rien, dans le fond... A rien.
- A inventer des tas de choses.
- A compter, mesurer, représenter.
- A apprendre à raisonner.
- A des tas de choses, mais bon dire précisément quoi...
- A savoir structurer son raisonnement.

Leurs réponses sont intéressantes car elles contiennent effectivement beaucoup de champs de réponses différents, et parce qu'elles lancent aussi des tas d'autres questions.

Les maths au quotidien
Si cette question est posée dans son sens littéral, il y a effectivement beaucoup de réponses possibles : on peut trouver une flopée d'exemples concrets, plus ou moins parlants pour les élèves : google, la lutte contre le cancer, les effets spéciaux au cinéma, les jeux vidéo, dans les services de renseignements, pour modéliser les mouvements de foule, pour aller à la pêche, etc.

Les maths pour un métier
On peut aussi citer des cursus universitaires non mathématiques dans lesquels les maths sont utiles : j'ai eu besoin des angles alternes internes pour aider une étudiante en architecture, des théorèmes de géométrie "classique" pour préparer une autre à son concours de paysagiste, des graphes pour aider un étudiant à obtenir son BTS informatique de gestion, ou encore des probabilités continues pour des étudiants en médecine.

Les maths, toujours et partout
On peut encore présenter des découvertes historiques qui ont fait avancer l'humanité grâce aux mathématiques : Eratosthène qui mesure la circonférence de la Terre, Copernic qui révolutionne l'astronomie, tout plein de progrès techniques (les avions, l'électricité, la médecine, les télécommunications, ...). Toute l'histoire de l'humanité est jalonnée de mathématiques.

Oui, mais ...
Revenons à la question posée : "à quoi ça sert les maths ?". Ce qui précède y répond, mais je pense que la question est mal posée par les élèves. Bien souvent, ile ne veulent pas juste demander "à quoi servent les maths ?". Je crois qu'ils se demandent plutôt : "à quoi sert ce qu'on apprend en maths à l'école ?", ou "à quoi sert que moi, personnellement, j'apprenne des mathématiques ?".
Leur question est légitime et naturelle.
Ils sont ados, donc souvent centrés sur eux-mêmes et pleins (ou apparemment pleins) de certitudes : "moi je ne veux pas faire un métier avec des maths, j'en aurai jamais besoin", par exemple.
Dans ce contexte, c'est l'occasion de les faire sortir de cet individualisme moderne et détestable. Tu es un humain, tu fais partie du monde, tu y as ta place, tu y as à apporter des choses. Savoir ce qu'on va te transmettre te rend plus riche intellectuellement, plus libre, plus fort. Tu ne subis plus le monde, tu en fais partie. Tu ne te contente pas de vivre les événements, tu peux davantage les comprendre, les prévoir, et t'y adapter. Tu ne vois plus que les problèmes : tu sais qu'il est possible de réfléchir à des solutions. J'ai déjà récemment abordé ce sujet ici.
Ces considérations nous ont amenés, récemment, en classe de quatrième, à s'interroger si la connaissance rendait heureux ou si l'ignorance était préférable : un élève m'a expliqué que si il ne savait pas qu'il existe autant de réponses, et même autant de questions, cela ne lui manquerait pas puisqu'il n'en aurait aucune idée. Et selon lui, ce serait préférable. Il serait plus heureux.


Dans un intéressant article de l'APMEP, Francesco Colonna Romano classifie les éléments importants, selon lui, de la démarche mathématique :

1) La définition
Les questions les plus profondes sont parfois les plus simples. Définir précisément les objets que nous manipulons depuis toujours (on appelle ça « axiomatiser ») afin de déterminer un point de départ pour démontrer des propriétés plus complexes. 


2) Les notations
Le deuxième aspect capital des mathématiques, négligé par le débutant, est celui des notations : les maths sont un langage qui crée des mots nouveaux et des règles nouvelles qui permettent de décrire de plus en plus précisément des notions. Chacune des notations que l’on utilise aujourd’hui est en fait un condensé qui résume des siècles d’évolution, d’enrichissement, de recherches. D’où l’importance de la rigueur et la précision dans leur utilisation. 

3)La démonstration
Une fois précisées les notions, reste à se mettre d’accord sur les règles de raisonnement et donc de démonstration. Cette notion a évolué. Mais peut-on tout démontrer ? Autrement dit, est-ce que toute propriété mathématique qui n’est pas fausse est démontrable ? 


4) Les calculs proprement dits
Ceci est l’aspect le mieux connu des mathématiques : la résolution de problèmes et d’équations, le calcul pratique de ces solutions. Souvent, ce sont des applications aux enjeux économiques et stratégiques énormes qui ont commandé le développement de nouvelles branches mathématiques, et qui font que les mathématiciens sont et seront toujours extrêmement recherchés.


5) Les problèmes d’existence
Ceci dit, lorsque les calculs proprement dits n’aboutissent pas, où lorsqu’on ne dispose pas de formules, on se contente de s’interroger sur l’existence de solutions à un problème. 


J'aime bien cette vision des choses car elle ne s'arrête pas à la démonstration. Justifier l'enseignement des mathématiques par l'intérêt et l'utilité de manipuler des notations, de définir des objets, me semble tout à fait intéressant. C'est vrai que chacun de ces points se travaille en cours de mathématiques, et est utile à l'individu.

Finalement, cette récurrente question concerne le rapport aux apprentissages en général. A part les apprentissages de base (lire, écrire, compter), le reste peut toujours être considéré comme superflu. Pourquoi alors est-elle plus souvent posée à l'enseignant de mathématiques ?

dimanche 26 avril 2015

Quel jour il est ?

En cinquième, nous avons travaillé, en mars, sur la mesure du temps.

Voici l'extrait du programme relatif à ce thème :


La manipulation de grandeurs qui impliquent les unités de temps est à mon sens fondamentale. C'est une nécessité, pour comprendre le monde qui nous entoure, de mesurer le temps, de percevoir les durées, d'être capable de donner des ordres de grandeur dans différentes unités.
En troisième, les élèves sont souvent en difficulté devant des exercices qui mobilisent ces compétences. Dès qu'un exercice aborde la notion de vitesse ou demande une conversion d'heure décimale en heures-minutes (1,3 heure n'équivaut pas à 1h03min ou 1h30, non non non), c'est la panique.

D'autre part, c'est l'occasion de réactiver les acquis sur la proportionnalité, ce qui est utile dans tous les niveaux également.

C'est pourquoi je consacre dans tous les niveaux un certain temps à ce thème.

Avec les cinquième, voici les documents sur lesquels nous avons travaillé :

La fiche de leçon tout d'abord :

Et ensuite la fiche d'exercices.


C'est la fiche de cours qui a déclenché une vague de questions. C'est tous les ans la même chose, car le temps et sa mesure sont des notions qui fascinent et interrogent beaucoup d'élèves. Mais cette année, petite variante : j'ai été interrogée sur des notions d'astronomie, comme chaque année, mais surtout sur des questions de calendrier. Et là, je n'avais pas réponse à tout.


Alors j'ai noté les questions dont j'ignorais les réponses, et je me suis rendue dans ma bibliothèque municipale. J'ai emprunté quatre ouvrages sur le calendrier, la mesure du temps, le temps et le système solaire, et j'ai lu, pendant mes récrés. Le livre "Le monde du temps" est celui qui m'a fourni le plus de réponses, ainsi que cette page. Voici donc, en vrac, un condensé des réponses que j'ai pu apporter aux élèves avant qu'ils ne partent en vacances :

  • Le calendrier de l'Egypte ancienne comportait 365 jours, répartis en douze mois auxquels s'ajoutaient 5 jours complémentaires. C'était un progrès par rapport aux calendriers lunaires (10 mois de 29 et 30 jours alternés , soit une année de 295 jours), mais cela générait un décalage d'un quart de jour par an, donc d'un mois en 120 ans. Philippe de la Cotardière écrit "Les mois dérivaient parmi les saisons". J'aime bien cette image. 
  • Sous le règne de Jules César, l'année comptait quatre mois de 31 jours (martius , maius , quintilis et october), sept mois de 29 jours (aprilis, junius, sextilis, november, december, januarius), et un mois de 28 jours (februarius). Les mois d'un nombre impair de jours étaient censés plaire aux dieux, et février était consacré aux dieux infernaux (februus était un dieu des morts et februare signifie purifier). L'année durait alors 355 jours. C'était trop court, c'est pourquoi un mois supplémentaire (mensis intercalaris) fut intercalé tous les deux ans en février. 22 ou 23 jours étaient alors ajoutés . Les pontifes décidaient de la durée du mois intercalaire de façon à rétablir l’accord avec les saisons. 
  • En 30 avant JC, l'empereur Auguste réforma le calendrier. Trois années consécutives comportaient 365 jours, et la quatrième 366. Auguste décida de rebaptiser le mois "sextilis", en "augustus". Mais ce mois ne pouvait pas compter un nombre de jours pairs (les dieux n'aiment pas, vous vous souvenez), et il ne pouvait pas non plus compter moins de jours que le mois de Julius (on a sa dignité tout de même). D'où, après bidouilles, un calendrier proche de celui que nous le connaissons : 31 jours pour juillet et 31 jours pour août, et février se retrouvait ainsi avec 28 jours les années normales et 29 jours les années bissextiles (sa durée avait été variable sous Jules César).
    Fragment d'un calendrier romain de l'époque de l'empereur Auguste ; les jours y sont désignés par les lettres de A à H ( période de huit jours ) . La lettre N désigne un jour néfaste , le F désigne un jour faste et le C ( comitiaux ) pendant lesquels pouvaient être convoqués les comices , assemblées générales du peuples .
  • En 1582, le Pape Grégoire XIII réforma le calendrier de façon à réduire le décalage entre le Soleil et le calendrier julien (10 jours, à l'époque). L'année solaire ne durant pas 365,25 jours mais 365 jours 5 heures 48 minutes 46 secondes, le calendrier julien avait trois-quarts d'heures de trop , soit un jour entier tous les 128 ans . Grégoire décida de supprimer dix jours, de sorte que le printemps soit le 21 mars. Il fallait donc reconsidérer le nombre de jours dans une année, pour éviter que le même problème ne se reproduise. C'est pour cette raison que les années se terminant par 00 ne sont bissextiles que si elles sont divisibles par 400.
  • Le début de l'année a pas mal varié lui aussi. Longtemps au moment du printemps (en mars, d'où SEPTembre, OCTobre et ainsi de suite), il a été placé à Pâques (pas pratique : la date de Pâques n'est pas la même d'une année sur l'autre), à Noël, à l'Annonciation, le premier janvier, lepremier jour de l'automne (sous la Révolution, car c'était l'anniversaire de la proclamation de la République). En 1567, un édit de Charles IX , fixa le 1er janvier comme le 1er jour de l’année.

    • Ce n'était pas une question des élèves mais j'ai trouvé amusant l'explication du mot "canicule", que j'ignorais. Les Egyptiens avaient remarqué que la montée des eaux du Nil coïncidait avec l'apparition d'une étoile très brillante à l'Est, qui semblait avertir les agriculteurs. Ils la baptisèrent "le chien". Les Grecs réutilisèrent cette appellation et imaginèrent plus tard la silhouette d'un chien à partir de cette étoile. Les Romains modifièrent son nom en 'la peine chienne", autrement dit, "canicula". Ce nom demeura ensuite, et comme l'étoile (Sirius, en fait) apparaissait au moment des jours chauds de l'été, le mot "canicule" est resté.

    Le squelette de Jimmy

    Voci les étapes qui permettent de construire un module, puis d'imbriquer trois modules :

    Plier un carré de papier craft de 9cm de côté en deux, de cette façon (le côté visible au final sera celui qui ici est à l'intérieur) :

     Replier chaque bord pour former un accordéon :

    Bien aplatir les pliures :

     Rabattre le coin gauche en triangle, en veillant à avoir la double ouverture face à soi :

     Rabattre le rectangle vers le bas pour former un toit :

    Replier la partie verticale vers le haut :

    Puis la replier vers la droite :

    Retourner le travail et replier le coin de gauche, encore non plié, pour obtenir deux triangles superposables mais pas dans le même sens :

    Voilà ce que cela donne :

    Réaliser ainsi trois modules. Avec des papiers différents, c'est joli et plus simple pour la suite, lorsqu'il s'agira de les imbriquer :


    Maintenant, passons à la suite. Il faut constituer le premier sommet du dodécaèdre.

    Voici comment vont se placer deux des modules. Mais là c'est juste pour visualiser, car ilva falloir en glisser un dans l'autre :

    Voilà, la même chose mais le module bleu est glissé à l'intérieur du module rouge :

    Voici maintenant comment va se placer le module blanc à petites fleurs :

    Comme précédemment, on glisse l'un (le rouge cette fois) dans l'autre (le blanc à fleurs). Le principe sera respecté tout au long de la construction ensuite : chaque module en mange et et se fait manger par un troisième.

    Et voilà, un sommet est constitué !


    Voilà ce que donnent des modules mis dans les mains d'une patiente et talentueuse collègue :