Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

lundi 29 septembre 2014

Liberté Dimanche et nerfs en pelote

Dans l'édition de dimanche 28 septembre de Liberté Dimanche, une double page est consacrée à la question de la suppression des notes à l'école. Qualifiée (à juste titre) de serpent de mer, elle est "à la mode", cette question. Je ne pense pas que l'abandon de la note soit pour demain, ni même pour après-demain. Et d'ailleurs, je ne pense pas que ce soit la question la plus urgente à se poser concernant l'enseignement en France. Avant de se focaliser sur les notes, il faut engager une réflexions les méthodes d'enseignement et leur adéquation avec le public scolaire d'aujourd'hui. Mais ce n'est pas là l'objet de mon post.


L'objet de mon article, c'est ce que dit, toujours dans Liberté Dimanche, monsieur Pascal Thiell, professeur de lettres et président du SNALC Rouen, un syndicat d'enseignants. Monsieur Thiell donne son avis sur un certain nombre de choses, comme le redoublement, le refrain de la bienveillance, l'accompagnement personnalisé. Je ne suis pas d'accord avec tous ses dires, mais bon, nous partageons sans doute quelques avis communs.
Et puis monsieur Thiell dit :" Les notes, on n'a pas trouvé mieux ! ". Heu, ça reste à prouver. En comparaison de que système ? Pourquoi ?
Et encore : "J'ai moi-même été dans une sixième sans notes. Résultat : les deux tiers de la classe avaient redoublé !". Pardon ??? En supposant qu'il soit possible qu'un jour une classe ait redoublé aux deux tiers, où est le lien de cause à effet ?
Puis : "Les établissements ne sont pas des lieux de jeux. (...) La vie n'est pas une partie de plaisir, et celui-ci vient avant tout du goût de l'effort. La récompense, c'est justement la note !". Aïe aïe aïe ça y est, la moutarde me monte au nez et mon sang ne fait qu'un tour.
Qui a dit que ne pas noter transformait l'apprentissage en jeu ? Une classe peut être avec ou sans note de multiples façons. Cela n'indique pas grand chose sur le type de pédagogie suivie, mais n'a rien à voir avec l'idée de transformer la classe en "lieu de jeux". On peut faire des classes avec notes formidables, des classes sans notes calamiteuses, et inversement !

Evaluer n'est pas noter, et la note n'est qu'un indicateur partiel, résumé de multiples nuances assimilées en un nombre sans signification universelle ni précise. Une moyenne, c'est comme un résumé de texte : du Hugo résumé en 25 pages, ça perd de sa saveur. Des mois de travail résumés en un nombre aussi. La question n'est même pas en terme de récompense, mais en terme de progrès, d'acquis : on ne va pas à l'école pour être récompensé, mais pour devenir un individu capable, grâce à ses connaissances, ses méthodes d'analyse et de raisonnement, l'utilisation de liens logiques et de la langue française, de réfléchir par lui-même, de faire preuve d'une humanité éclairée.

Pourquoi ne pourrait-on pas apprendre aussi bien, voire mieux, sans souffrir ? Faut souffrir pour être belle ma fille, et c'est pareil pour apprendre ? Le goût de l'effort, ok, nous sommes d'accord, monsieur Thiell et moi. Mais alors sur le reste, pas du tout du tout du tout. D'ailleurs les enfants élevés dans un milieu calme, sans violence, ont davantage confiance en eux et réussissent davantage, car ils sont en situation de sécurité affective. Cette idée qu'il faut se faire mal pour s'endurcir m'agace prodigieusement. Ca m'évoque le principe du bizutage et je n'aime pas ça.


Je n'aime pas les excès, ni les caricatures. Assimiler aux classes sans notes l'idée d'enseignement ludique et improductif, prétendre qu'on veuille "mettre la qualité relationnelle de l'enfant ou son implication dans la vie scolaire au même plan que les enseignements" (là encore, joli cliché), tout ceci me met hors de moi. Comme je trouve idiot de prétendre que ne plus noter va résoudre les problèmes. C'est bien plus compliqué que ça.
Heureusement, l'interview est contrebalancée par l'avis de Sébastien Léger, de la FCPE, qui répond avec mesure aux mêmes questions.

N'empêche, je suis toute énervée maintenant.

dimanche 28 septembre 2014

De grands petits bonheurs

Il y a quelque temps, dans la même journée, je reçois des "productions cadeaux" d'élèves adorables. Un autre m'amène une énigme "parce que vous aimez bien réfléchir". Un autre des exercices qu'il a inventés "pour je les fasse en vrai". A la récré, des élèves que j'avais l'année dernière mais pas cette année m'amènent une magnifique carte, pleine de fleurs, de couleurs et de gentillesse.

Plus tard, un groupe d'élèves, y compris quelques-un que j'ai houspillés sans ménagement quelques heures plus tôt, m'expliquent qu'avec moi les maths c'est trop bien, c'est trop dar (mais comment ça s'écrit, ça ?), qu'ils aiment travailler différemment, que les manipulations concrètes pour comprendre ça leur plaît beaucoup. Tant mieux, et surtout, pourvu que ça dure. Il va falloir réussir à entretenir ce bel enthousiasme lié à la nouveauté.

Et puis il y a une élève en particulier. Une élève qui pense que les maths ne sont pas pour elle, qui se déclare trop bête (je cite, évidemment) pour comprendre, qui bouillonne. Je la reprends sans cesse, je n'ai pas encore trouvé un moyen efficace de l'aider, mais j'espère bien y parvenir. Elle me parle, m'explique, et finit par me lancer : "Sans mentir madame vous être trop ma prof préférée. Parce que quand on vous voit, on voit que vous êtes heureuse."


Mon premier objectif, c'est de donner l'envie de grandir et de transmettre qu'être adulte, ça en vaut la peine. Alors ça, c'était bien le plus beau compliment qu'un élève m'ait jamais fait.


Le liseur du 6h27

Je viens de terminer un roman de Jean-Paul Didierlaurent. J'avais repéré le livre pour sa couverture, et le quatrième de couverture m'avait plu. Je l'ai commencé le jour de la rentrée à l'université, et poursuivi à la faveur des retards de réunions.
J'ignorais tout à fait que ce livre passait pour certains comme un livre événement. Je l'ai découvert en me documentant pour cet article. Le Figaro en parle ici, RTL . Pour ma part, j'ai beaucoup, beaucoup aimé cette lecture : le style, le mélange réaliste d'originalité et de banalité des personnages, l'aspect profondément terrien des descriptions. J'ai fini ma lecture d'une traite malgré la fatigue du soir, le sourire aux lèvres.


En plus, je peux parler du Liseur du 6h27 sur mon blog maths : j'abordais il y a peu la relation originale que chacun entretien avec les chiffres, et voilà :

Assise devant la table, j'ai saisi la calculette électronique rangée dans le tiroir pour y rentrer fébrilement un à un les chiffres inscrits sur le carnet. Comme tous les ans, mon coeur s'est mis à battre un peu plus vite à l'instant où mon doigt appuyait sur la touche EXE. pour la grande addition finale. Et bien sûr, comme tous les ans, c'est ce même nombre désespérant qui a envahi l'écran. 14 717. Je rêve toujours d'un nombre plus chaleureux, plus rondouillard, plus agréable à l'oeil. Un nombre avec en son sein quelques zéros bien ventrus, voire des huit, des six ou des neuf pansus à souhait. Un beau trois, généreux comme un poitrine de nourrice, suffirait amplement à mon bonheur. 14 717, c'est tout en os, un nombre pareil. Ca vous expose sa maigreur sans détour, vous agresse la rétine de l'aigu de ses angles. Quoi que vous fassiez, une fois posé sur le papier, ça reste toujours une suite de droites fracturées. Il suffirait d'une seule faïence de plus ou de moins pour habiller ce nombre antipathique d'un début de rondeur avenante. J'ai remisé la calculette dans son étui en soupirant. 14 717. Il va me falloir cette fois encore me contenter de ce nombre disgracieux pour les douze mois à venir.

Voici un bien riche passage pour moi, et en plus accessible à mes collégiens du point de vue des contenus mathématiques évoqués. Je vais, dans les semaines à venir, bricoler un petit intermède littéraire sur la base de ce texte. J'en ferai le bilan ensuite sur le blog.

jeudi 25 septembre 2014

Youpi



J'ai corrigé tous les travaux de mes élèves (les obligatoires; les tonnes d'exercices facultatifs attendront un petit peu), sauf une réalisation que je corrigerai demain ;

Je me suis occupée de régler leurs problèmes administratifs, disciplinaires, logistiques, en en référant à chaque fois à l'interlocuteur concerné ;

J'ai réussi à découper dans du contreplaqué vingt-sept triangles avant 9h, pour faire tracer dessus les médianes et le centre de gravité, puis les faire mettre en équilibre par chacun de mes élèves de 5ème ;

Toutes mes fiches de perso et toutes mes fiches de compétences sont à jour ;

J'ai rattrapé le bus de mon fils pour lui donner son bouquin de Maupassant sur lequel il avait une évaluation ;

J'ai répondu à une interview de Paris Normandie, c'était rigolo et inattendu ;

On a fait la photo avec mes petits 6ème et j'aime bien ce moment-là ;

Ce midi, j'ai déjeuné avec des collègues sympas et en plus j'avais un bon dessert ;

En 4ème j'ai rempli des bouteilles et une casserole avec de l'eau pour mettre en évidence la solution d'un problème ouvert très chouette ; la classe était attentive et réjouie, c'était un bon moment ;

J'ai fait toutes mes photocopies, rempli mon placard des documents à distribuer pour les deux prochains chapitres de chacune de mes classes ;

J'ai pris le temps d'aller chercher ma fille à pied à l'école, pour m'aérer un peu et promener mon chien. Mon fils nous a rejoints et nous avons pu papoter agréablement ;

J'ai remarqué en permanence des élèves désoeuvré alors que je n'avais pas cours. Je leur ai proposé de venir faire des maths, et une grande majorité a accepté joyeusement ;

J'ai encore entendu douze fois dans la journée "Madaaaaame, Y r'commence quand l'club maths ? On a hâte, nous !" et j'aime bien cette question. (La réponse est : très bientôt, surveillez les affiches);


Je suis à jour de presque tout mon travail. Il me reste juste une activité à préparer pour lundi.
Et en plus l'alerte pollution fait une pause aujourd'hui et je respire enfin ...

Alors en un mot :

mardi 23 septembre 2014

Maths et jeux de rôles : premières impressions

Nous sommes le 23 septembre. C'est le premier jour de l'automne, mais cela fait aussi trois semaines que les cours au collège ont repris. Trois semaines, cela me semble raisonnable pour faire un premier bilan.

La présentation du projet :
Elle s'est bien passée. Je m'attendais à devoir réexpliquer souvent, et en fait non. Les élèves ont compris rapidement le principe et le fonctionnement. Même chose avec les parents de mes élèves, venus très nombreux à la réunion d'information. J'ai eu en retour beaucoup de réactions positives, voire enthousiastes, et quelques réticences bien compréhensibles mais très minoritaires. A moi de convaincre ces parents, par les faits.
Plusieurs collègues m'ont aussi posé des questions sur mon organisation et ont émis le souhait que je l'expose de façon plus détaillée. J'en serais ravie. Jusqu'ici je n'ai pas fait de prosélytisme car pour la première année je préfère essuyer les plâtres toute seule et par respect de la liberté pédagogique de chacun, mais j'ai évidemment envie de partager cette expérience.

La vie en classe :
Le fait de ne jamais copier de leçon plaît beaucoup aux élèves. Cela libère un temps considérable et le plus clair de notre temps, entre deux vidéos explicatives, est consacré à la recherche. Recherche d'exercices, de problèmes ouverts, de mise en valeur d'une solution. Pour moi, cela change beaucoup de choses aussi : lorsque les élèves copient la leçon, il n'y a pas un bruit et le prof se repose. Lorsque les élèves cherchent (par tables de quatre, je le rappelle), ils échangent, discutent et forcément c'est bruyant. Pas terriblement bruyant, mais ce n'est pas du tout le silence absolu de la leçon. Hier par exemple, je me suis dirigée l'air mécontente vers une table bruyante. Et là, j'entends : " mais nooooon t'as rien compris, on t'a dit que soustraire un nombre c'est additionner son opposé !!! Tu comprends, tu changes passe signe du nombre d'avant le moins, tu changes celui que tu soustrais. T'as compris, là ??? ". Bon, je suis quand même allée leur dire de parler moins fort. Mais quel prof de maths n'a pas envie d'entendre parler de calcul sur les nombres relatifs avec un peu de passion dans sa classe ?

D'autre part, la mise en activité de mes élèves a dépassé très rapidement tout ce que j'espérais : ils bossent, réfléchissent, s'aident les uns les autres, c'est vraiment très chouette. Et ils sont très demandeurs : pour les départager en cas de désaccord, pour me poser une question, pour que je réexplique, pour me montrer comme ils ont bien travaillé... Mes heures de cours sont franchement intenses. Je vole de table en table, j'identifie l'exo sur lequel travaille l'élève qui m'appelle (selon leur niveau ils traitent des exos différents), et je produis une explication que je dispense un indice adéquat (enfin, j'essaie).
J'ai aussi l'impression que les élèves reposent plus librement leurs questions, dès le tout début de l'année. Habituellement la mise en confiance sur ce point est un peu plus lente.

Le déroulement d'une séquence s'organise en gros de la façon suivante : activités pour faire ré-émerger les acquis antérieurs, vidéos explicatives, exercices, vidéos pour vérifier la compréhension, leçon lue, commentée, enrichie par les élèves et collée dans le cahier, puis exercices à nouveau, et approfondissements ou remédiation selon les cas. Comme tout est prêt dans mon classeur et sur mes clefs usb, pour le moment ça roule.
Ce déroulement me donne l'impression d'aller plus vite dans la progression, tout en résolvant beaucoup plus d'exercices. Nous traitons d'ailleurs pas mal d'exercices à l'oral, ce qui me permet de vérifier la compréhension de chacun de façon immédiate sur des applications simples, sans perdre du temps avec une trace inutile à ce moment là.

L'évaluation :
Ne pas avoir de notes ne semble pas frustrer les élèves. Ils me demandent encore souvent "est-ce que ce sera noté ?" lorsque je donne un travail, mais l'absence de note ne les choque pas a priori.
Dans toutes mes classes j'ai pu évaluer les acquis transmis en ce début d'année. Quelques constats :
- au départ, ma méthodologie était beaucoup trop lourde ; après une rationalisation des étapes d'évaluation et une utilisation mieux adaptée du tableur, cela me semble viable. Pour les élèves cela ne change rien, excepté qu'ils reportent aux-mêmes les compétences acquises. En fait c'est sans doute mieux : ils voient ce qu'ils sont acquis, ce qu'ils n'ont pas encore acquis. En reportant ces compétences ils peuvent en prendre conscience.
- Des élèves en difficulté parviennent à un total d'XP tout à fait honorable en ayant été attentifs, en travaillant sérieusement, en s'investissant dans les tâches demandées. Ils n'ont pas forcément beaucoup de compétences mathématiques validées pour le moment, mais jouer leur rôle d'élève comme il faut est récompensé, qu'ils réussissent ou pas à trouver "la bonne solution".
- lorsque je regarde les compétences acquises ou pas sur mes fiches, élève par élève, il est évident que le portrait dressé est bien plus précis et constructif que par un 12/20 ou un 17/20.
- l'approche du passage de niveau semble encourager les élèves. Même si ce n'est qu'une étape symbolique, elle est importante pour eux.
- les élèves sont TRES demandeurs de travaux en plus. Il veulent des XP supplémentaires, ils trouvent les exercices que je leur propose amusants, et d'ailleurs il va falloir que je trouve de nouvelles ressources, vu leur appétit... Je reçois de plus en plus de réalisations spontanées : des dessins, des énoncés d'exercices inventés, des figures géométriques, etc. J'adore...

Les deux premières semaines ont été difficiles pour moi. La rentrée est toujours un moment particulièrement fatigant, mais cette année encore davantage. Il m'a fallu changer mes pratiques, me lancer dans des méthodologies différentes, et j'ai perdu beaucoup de temps sur des questions pratiques. Mais ces derniers jours je commence à y voir plus clair. J'ai avancé au moins aussi vite que je l'espérais, mes élèves s'investissent de belle façon, semblent avoir plaisir à être dans ma classe et à faire des mathématiques. Tout le monde est déjà évalué, ça roule de ce point de vue. Et lorsque la journée de collège s'achève, je ressens cette énergie joyeuse caractéristique, qui m'indique que ça marche, que tout va bien, que tout est clair et maîtrisé dans ma tête.
Je m'étais donné jusqu'à Noël pour me sentir en situation de maîtrise et faire un bilan d'efficacité. Je n'aurai pas à attendre jusque là.

dimanche 21 septembre 2014

Aristote 0-Eratosthène 1

J'ai récemment découvert La preuve par vieux, avec cet épisode qui explique comment Eratosthène est parvenu à mesurer la circonférence de la Terre en se trompant vraiment peu, avec un bâton, un pote et un chameau.
C'est drôle, c'est clair, ça donne une utilité directe aux angles alternes-internes, ça fait réfléchir sur ce qu'est une conjecture et "à quoi ça sert les maths". C'est un peu grossier, en revanche, et le "vieux" (à 37 ans on est vieux ???) n'aime pas du tout Aristote.


La preuve par vieux est une émission de la chaîne e-penser, à la quelle un article est consacré ici par Presse Citron, et les thèmes abordés sont divers.


Crocodile et pelote basque

Il y a quelque temps, j'ai résolu avec un groupe d'élèves un exercice de statistiques. Il s'agissait d'étudier le nombre de licenciés de pelote basque dans des territoires tels que Saint Pierre et Miquelon, Mayotte ou encore Wallis et Futuna.
Le but de l'exercice était de transformer les données brutes en un diagramme, au choix des élèves. Mon objectif à moi était de les emmener vers le diagramme circulaire, la proportionnalité, le choix d'une représentation graphique, tout ça.

Les élèves ont bien su construire le diagramme circulaire. Comme je n'avais ni questions sur le terme "licenciés" ni sur la pelote basque, j'ai demandé qui savait. J'ai expliqué "licencié", j'ai décrit la pelote basque (j'imagine que cela ferait frémir les adeptes du sport : j'ai résumé en "une espèce de mélange de baseball et de squash avec un gant en osier"). Jusque là, le groupe d'élèves auxquels j'avais affaire ne semblait pas s'interroger beaucoup sur le contexte de l'exercice, me suis-je dit.
Nous avons donc obtenu un beau diagramme circulaire, disserté sur la façon de le transformer en diagramme semi-circulaire, tout ça. Et là, pour finir, j'ai demandé :
- Qui a le moins de licenciés en pelote basque, d'après le graphique ?
- Mayotte.
- En effet, et même nettement moins que les autres.
- C'est normal en même temps madame, il est tout seul !
- (silence, je réfléchis) Comment ça, il est tout seul ?
- Ben Wallis et Futuna ils sont deux, Saint Pierre et Miquelon aussi. Forcément que Mayotte, tout seul, il n'y arrive pas aussi bien.
- ... Vous trouvez que ça ressemble à des prénoms, tout ça ?
- Ben oui, Saint Pierre c'est un prénom !
- Futuna, c'est joli, même.
- Et puis Wallis, il y a un crocodile qui s'appelle comme ça.

D'abord, j'ai souri, car la remarque était aussi inattendue que charmante. Puis de multiples questions m'ont assaillies : c'est où exactement, ces endroits ? Je leur dis quoi sils me demandent ? Et d'ailleurs, pourquoi y a-t-il des licenciés de pelote basque à Saint Pierre et Miquelon ? Mais qu'est-ce que c'est que cet exercice ??? Pourquoi ne me suis-je pas posé toutes ces questions plus tôt ???

Alors j'ai donné ma version de l'emplacement de chacun de ces territoires (ouf, je ne me suis pas trop trompée), et nous sommes passés à autre chose. Une évidence s'impose : je manquais non seulement de préparation, mais, plus grave, du questionnement le plus élémentaire sur le contexte de l'exo...
Depuis, j'ai comblé mes lacunes. Je peux placer Wallis et Futuna sur une carte, je sais qu'à Saint Pierre et Miquelon il y a des pingouins, mais aussi une communauté basque particulièrement développée, je me suis souvenue que ce n'est pas Wallis le crocodile mais Wally l'alligator, et j'ai bien envie de revenir sur cet exercice pour travailler sur les notions de part relative et de part absolue en comparant les licenciés de pelote basque en France, au Pays basque et à Saint Pierre et Miquelon.
Comme ça au moins, j'aurai transformé ce magnifique loupé en quelque chose d'intéressant.



dimanche 14 septembre 2014

La note, ses hauts et ses bas

Avec de jeunes enseignants, nous avons travaillé la semaine dernière sur l'évaluation. C'était l'occasion de re-préciser qu'évaluer n'est pas toujours noter, et qu'évaluer peut prendre de multiples formes. Les échanges ont été très intéressants : des avis variés, parfois en opposition totale, ont été exprimés, mais toujours de façon argumentée et avec une préoccupation commune : les élèves. J'ai bien aimé cette matinée.

Mais je n'écris pas ce post juste pour partager ma satisfaction. Nous avons terminé la matinée par la correction de trois copies. Trois copies de niveau troisième, avec un petit exercice de brevet qui mettait en oeuvre le théorème de Thalès, celui de Pythagore, sans difficulté notable. Chacun a corrigé les trois versions, sur 5 points. Evidemment, c'est peu et cela "tasse" les notes, mais le résultat demeure parlant :
Sur cette feuille de calcul apparaissent les répartitions des notes selon la copie.
Premier constat : pour chaque copie, on observe une répartition très centrée autour de la moyenne des notes proposées.
Deuxième constat : en gardant bien à l'esprit que la note était sur 5 points, les écarts sont tout de même importants. En particulier, la troisième copie (qui était la plus lourde du point de vue du "nombre de mots") est notée de 2,5 (donc tout juste la moyenne) à 5 (parfait !). Evidemment, cela interroge, même si nous savions déjà tout cela : les attentes varient considérablement d'un enseignant à l'autre, "même en maths". Et pourtant, nous avions parlé notation toute la matinée, déjà précisé que les écarts étaient importants, ce qui a dû un peu les amoindrir.
C'est d'autant plus remarquable que, pour avoir écouté et observé mes collègues pendant ce travail, tous ont mis de la conviction, de la réflexion dans ces notes. Simplement, et contrairement à ce qu'on entend parfois, en maths, une réponse n'est pas juste "vraie ou fausse". La façon de justifier, de présenter les calculs ou les raisonnements, l'allure même de la copie modifient l'évaluation. Et comme chacun note selon ses convictions propres, il y a variation.
C'est normal. Un prof est un humain, qui cherche à être objectif, mais ne peut l'être qu'en fonction de ses références. Et qui ne l'est donc pas.

Des chiffres et une lettre

Comme chaque année, j'ai demandé en début d'année à chacun de mes élèves de me représenter un chiffre, de façon à compléter les décimales du nombre pi affichées sur le mur du fond de ma classe.
Cette année, j'ai innové. Au lieu d'attribuer à chacun un chiffre précis (ce qui fonctionnait très bien les années précédentes), j'ai laissé chacun choisir.

Erreur. Grave erreur.

J'ai récolté un seul 2 et un seul 6. En revanche, j'ai des tonnes de 1 et de 8 et tout plein de 0. Et aussi une lettre, ce qui est plus original et inédit. Je suis bien embêtée car cela ne me permet pas de continuer mes décimales. En plus, pas de chance, dans les chiffres à venir, il me faut beaucoup de 2.

Cependant, c'est une observation amusante. En demandant à une de mes classes pourquoi ils avaient massivement choisi certains chiffres, j'ai eu pour réponse :
- le 0 il est rigolo, il est tout rond
- le 8 et le 0, ils font des ronds et il y a plein de choses faciles à représenter avec des ronds dedans
- le 2 il est trop compliqué à trouver dans un dessin
- le 6 et le 7 j'aime pas leur table (pourtant j'ai eu des 7 de façon notable).

Cela me rappelle le livre Je suis né un jour bleu, de Daniel Tammet. L'auteur est autiste façon Rain Man : c'est un calculateur prodige, qui connaît plus de 20 000 décimales de pi (encore lui), parle sept langues et a appris l'islandais en une semaine. Une particularité supplémentaire de Daniel Tammet est qu'il a réussi à mettre en mots son schéma mental et à en faire un livre. C'est très intéressant car il expose de façon intelligible un fonctionnement intellectuel "différent".
Par exemple, Daniel Tammet explique comment il calcule, grâce à un rapport presque affectif avec les chiffres et les nombres.
Extraits :

Selon les opérations, les formes diffèrent. De même, selon les nombres, j'éprouve des sensations et des sentiments distincts. Lorsque je multiplie par 11, je vois toujours des chiffres qui dégringolent dans ma tête. Les 6, quant à eux, sont les plus difficiles à mémoriser de tous, parce que ce sont pour moi de minuscules points noirs sans aucune forme ni texture. Pour les décrire, je dirais qu'ils ressemblent à de petits trous ou à des creux. J'ai des réponses visuelles, et parfois émotionnelles, pour chaque nombre jusqu'à 10 000. Je possède mon propre vocabulaire numérique et émotionnel, si l'on veut. De la même manière qu'un poète associe certains mots plutôt que d'autres, certaines combinaisons numériques sont pour moi plus belles que d'autres. Il y a des nombres qui se marient bien avec des nombres noirs comme les 8 et les 9 , mais moins bien avec des 6. Un numéro de téléphone comportant la séquence 189 est bien plus beau qu'un numéro comportant une séquence 116.
J'avais étudié le livre avec des élèves de seconde, une année, en AP. C'était passionnant, car la plupart se retrouvaient, au final, dans cette approche affective.
D'ailleurs, moi-même, je sais que 7x8=56 car je n'aime pas 7x8 et que 56 me semble piquante rêche.

lundi 8 septembre 2014

Message IMPORTANT aux parents de mes élèves

Je me suis trompée avec une de mes classes et j'ai annoncé deux dates contradictoires pour la même réunion. Alors je clarifie ici, même si j'ai fait corriger dans le carnet :

La réunion d'information des 6ème1 a lieu 
jeudi 11 septembre à 17h30
Cette réunion vise à expliquer l'organisation du collège aux parents de élèves de 6ème1 et les attentes des professeurs des différentes disciplines.

La réunion d'information de toutes mes classes (6ème1, 5ème3, 4ème3 et 3ème1) a lieu le même jour, 
le jeudi 11 septembre, à 18h.
Cette réunion me permettra de présenter mon projet de l'année en mathématiques aux parents et de répondre aux questions. Elle se fera en présence de monsieur le principal et d'un inspecteur de mathématiques.

Je suis désolée pour mon erreur et j'espère que le rectificatif aura été mis à la connaissance de chacun.

La 203

C'est ma salle, la 203. Elle ressemble exactement à ce que je voulais :

mon bureau et la "table des enquiquineurs"
Comme je n'ai pas d'enquiquineurs à y mettre pour le moment, j'y mets mon bazar.

vue de la porte d'entrée

miam




L'étagère pleine de jeux, de bouquins, de BD, et au mur les premières décimales de pi,
réalisées par mes élèves depuis trois ans
l'accessoire indispensable
à mon bien-être

vue du fond de la classe

vue de mon bureau
la belle balance de Roberval chinée en foire à tout,
pour expliquer les équations...

oui, ma salle est kitch. Ca pique aux yeux et c'est fait pour.



Alors, cette rentrée ?

Je suis rentrée le 26 août. Pas au collège, mais à l'ESPE. Là-bas, on commence un peu plus tôt car pour former les jeunes profs, c'est mieux de commencer avant le début des cours. Et puis le premier septembre, j'ai repris au collège. Cela fait donc deux semaines de boulot. Mais deux semaines pas comme les autres : cette année, je lance mon projet maths et jeu de rôles, et le tout sans note. Alors, au bout de deux semaines, ça donne quoi ?


Premier constat : c'est chouette de retrouver les élèves. Cela fait tellement longtemps que je monte ce projet, il était temps de passer à l'action. J'ai essayé d'expliquer le plus clairement possible,  j'ai répondu à pas mal de questions, et nous nous sommes mis au travail. Les premières séances se sont bien passées, entre activités, cours sous forme de fiches à coller, vidéos et exercices. Il me semble que nous avançons vite, mais c'est peut-être l'effet "bonnes résolutions du début d'année".
Deuxième constat : les nouveaux horaires me compliquent considérablement la vie. Les quelques minutes grappillées par-ci, par-là m'empêchent de rejoindre la salle des profs à la récré. J'ai toujours quelques élèves qui restent discuter, ou des ancien qui passent faire un coucou. Ces moments là me sont précieux, et on ne peut pas tout faire. Mais c'est compliqué de ranger les manuels de la classe d'avant, de préparer les documents pour la classe d'après, de remplir le cahier de textes en si peu de temps. Et il va me falloir beaucoup d'entraînement et de concentration pour m'arrêter deux minutes avant que ça sonne pour noter tranquillement les devoirs lorsque la sonnerie retentit à 9h53, 11h01 ou 12h57...

Troisième constat : dans la vie d'un couple de profs avec quatre enfants scolarisés en primaire ou en secondaire, la rentrée est un moment assez... intense. Mais pourtant tout ça prend forme, tranquillement. Et ma devise est toujours respectée : "Tout va bien, je suis débordée".