Un article du Monde.fr (
ici) posait la question, il y a quelques jours, de la fin du brevet des collèges. Le titre m'a semblé alléchant, car je suis tout à fait favorable à la disparition du DNB sous sa forme actuelle (je m'expliquerai plus loin). Malheureusement, la lecture de l'article m'a déçue.
Quelques explications d'abord des modalités du diplôme national du brevet.
Aujourd'hui, pour avoir le brevet, il faut que les sept compétences du palier 3 du LPC (livret personnel de compétences) soit validées. Un élève dont les compétences ne sont pas validées ne peut pas obtenir son diplôme, quelles que soient ses notes. Ces compétences font référence au socle commun.
Ensuite, l'élève doit obtenir des points pour obtenir le DNB. On effectue un calcul pondéré entre ses notes de l'année, toutes disciplines confondues (60% de la note finale) et ses notes aux épreuves finales (maths, français, histoire-géo et histoire des arts, pour 40% de la note finale). C'est là une évaluation chiffrée, d'une nature complètement différente de l'évaluation par compétences.
Ca, c'est ce qui se passe en ce moment. Maintenant, revenons aux projets ou aux envies du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) et du gouvernement :
Un membre du CSP, Denis Paget, a déclaré, vendredi 6 juin lors d'une réunion organisée par un syndicat, que « nous n'allons pas maintenir le brevet (...). Il n'y aura que la validation du socle en fin de 3e ».
Dans un texte précisant ce que sera le nouveau socle commun, le Conseil supérieur des programmes se propose d'« assimiler la délivrance d'un brevet redéfini et la validation d'un socle ». Bref, de fondre en une évaluation les deux qui se superposent aujourd'hui.
Interrogé par Le Monde, le président du CSP, Alain Boissinot, a tenu à préciser qu'« il était peut-être hâtif de parler de disparition du brevet des collèges », mais que l'instance qu'il préside « souhaitait réformer en profondeur l'évaluation actuelle pour qu'on puisse valider d'un même coup le socle et le brevet. Validation terminale ou en cours de formation, les discussions sur le sujet vont s'ouvrir », a-t-il ajouté.
Le CSP précise qu'il va falloir « rechercher une procédure simple et cohérente associant une évaluation progressive des acquis des élèves à chaque fin de cycle et une validation terminale du socle commun » et propose ainsi de« prendre en compte l'ensemble des compétences définies par le socle commun » mais se garde bien de proposer des modes d'évaluation des compétences numériques et infodocumentaires, d'investigation ou encore d'organisation d'un projet dans la durée qu'un élève de 15 ans doit savoir faire. Il suggère par ailleurs d'« éviter les calculs artificiels de moyennes ». Ce qui ne veut pas dire en finir avec les moyennes qui permettent – spécificité française – à un élève de sauver la mise s'il a 0 en maths et 20 en français.
En fait donc, rien de nouveau. Est-ce une façon de prendre la température de l'opinion publique, des syndicats et de l'avis des professionnels de l'éducation ?
Personnellement donc, je suis favorable à la disparition du DNB.
- L'évaluation par compétences pour le DNB ne fonctionne pas. Les enseignants ne se sentent pas motivés, voire concernés par le LPC. Les raisons en sont multiples et mon propos aujourd'hui n'est pas de les analyser, mais c'est une évidence : je rencontre beaucoup de collègues qui glosent sur le fait que les établissements valident à la louche les items du livret de compétences, et que ce n'est donc pas la peine de les remplir, puisque si ils ne valident pas une compétence, de façon volontaire, elle sera validée "derrière leur dos" par leur administration. C'est pratique pour tout le monde : le prof se dédouane et les administrations valident pour le bien des élèves. Et même lorsque des enseignants remplissent le LPC, c'est de façon individuelle mais rarement le fruit d'un travail d'équipe.
- Mêler compétences et évaluation chiffrée me semble maladroit. Ce sont des méthodologies différentes et tous les enseignants ne sont pas à l'aide avec l'évaluation par compétences.
- Le DNB ne "sert" à rien. Pour la carrière scolaire d'un élève, avoir ou pas le DNB ne change rien, sauf pour l'orgueil. Ne pas l'avoir est certes significatif d'un niveau faible, mais faut-il toute l'artillerie du brevet pour qu'un élève sache qu'il n'a pas réussi son collège ? Et si le DNB sert à trier les élèves par niveau, alors supprimons-le tout de suite. Ras le bol de l'élitisme. Si à la place on se concentrait sur les moyens de faire réussir les élèves dans la meilleure voie pour eux, avec les moyens de le faire et tout ?
- Le DNB entraîne profs et élèves à bachoter. Beurk. Quand on bachote, on répète, on s'entraîne de façon mécanique, mais les seules compétences que l'on développe sont la mémoire et la reconnaissance de consignes.
- "Au moins avec le brevet, la fin de l'année avec les troisièmes, c'est plus simple : ils ont une motivation.", entend-on parfois dire dans certaines salles des profs. D'abord, ce n'est pas vrai. Les élèves en difficulté ne sont pas motivés du tout. Ils ont peur et vont mal, ils jouent les blasés, ils disparaissent des classes. Tout le monde regarde ailleurs et tout va bien. Ensuite, toutes les disciplines ne sont pas présentes aux évaluations finales. Enfin, encore une fois, si la seule façon de motiver les élèves est le spectre de la note, nous devons nous interroger sur nos objectifs et nos méthodologies. Pas seulement dans nos établissements d'ailleurs, mais aussi au niveau national.
- Avec 60% de la partie sommative puisée dans le contrôle continu, le DNB est tout sauf national... Qui peut croire qu'on évalue de la même façon dans une banlieue difficile où valoriser les efforts et les progrès, même modestes, est nécessaire, ou dans un collège chic de centre ville où on reproche de surnoter les élèves, et ainsi de ne pas les préparer correctement aux classes prépas (c'est du vécu, je vous l'assure)...
Alors voilà, j'ai voté : pour le DNB d'aujourd'hui, je choisis la mort rapide.