Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

vendredi 27 février 2015

Polka mathématique

Une collègue d'éducation musicale m'a fait découvrir une perle dont j'ignorais l'existence : l'enfant et les sortilèges, opéra de Ravel donc Colette signa le livret.

Voici la partie qui m'intéresse particulièrement :



Colette composa le livret en 1916, à la demande du directeur de l’Opéra de Paris de l’époque. Elle était déjà une auteur connue et séparée de Willy. Elle s’enthousiasma pour le projet dès qu'on le lui proposa. Elle écrivit :
"Puis-je dire que je l’ai vraiment connu, mon collaborateur illustre, l’auteur de l’Enfant et les sortilèges ? Je rencontrai Maurice Ravel pour la première fois chez Madame Saint-Marceaux [...]. Sauf que j’écoutais sa musique, que je me pris, pour elle, de curiosité d’abord, puis d’un attachement auquel le léger malaise de la surprise, l’attrait sensuel et malicieux d’un art neuf ajoutaient des charmes, voilà tout ce que je sus de Ravel pendant bien des années. »

Homme secret, ascétique, Maurice Ravel vivait dans un univers magique, peuplé de chats, de bibelots, d’automates, de jouets, dans un monde qu'il aurait aimé "fait de la même étoffe que celle de nos rêves". A cause de la guerre, Ravel mit cinq ans avant de livrer la partition. C’est finalement à l’Opéra de Monte-Carlo, en 1925, qu’eut lieu la première représentation, qui fut un triomphe.

Le livret de Colette correspondait au rêve poétique intérieur de Ravel. Monde de métamorphoses dans lequel les objets, doués d’une vie sensible, s’animent et parlent, où les animaux et les plantes, les princesses et les magiciens sortent des livres de contes, où les chiffres de l’arithmétique poursuivent l’Enfant en une danse infernale.

Voici les paroles de la scène de l'arithmétique :

LE PETIT VIEILLARD :
Deux robinets coulent dans un réservoir ;
Deux trains omnibus quittent une gare,
A vingt minutes d’intervalle,
Valle, valle, valle !
Une paysanne,
Zanne, zanne, zanne,
Porte tous ses œufs au marché !
Un marchand d’étoffe,
Toffe, toffe, toffe,
A vendu six mètres de drap !

L’ENFANT :
Mon Dieu c’est l’arithmétique !

LE PETIT VIEILLARD :
Tique, tique, tique !
Quatre et quatre dix huit,
Onze et six vingt cinq,
Sept fois neuf trente trois.

L’ENFANT :
Sept fois neuf trente trois ?

LE CHŒUR DES CHIFFRES :
Sept fois neuf trente trois ?

L’ENFANT :
Trois fois neuf quat’ cent !

LE PETIT VIEILLARD :
Millimètre,
Centimètre,
Décimètre,
Décamètre,
Hectomètre,
Kilomètre,
Myriamètre,
Faut t’y mettre
Quelle fête !
Des millions,
Des billions,
Des trillions,
Et des frac-cillions !

LE CHŒUR DES CHIFFRES :
Trois fois neuf trent’trois !
Deux fois six vingt-sept !
Quatre et sept cinquante neuf !
Deux fois six trente et un !
Cinq fois cinq quarante –trois !
Sept et quat’ cinquante-cinq !
Quatre et quat’ dix –huit !
Onze et six vingt-cinq !

Je pense montrer cet extrait à certaines de mes classes. La représentation du personnage de l'arithmétique, l'angoisse qui se dégage, les tables maltraitées, tout cela vaut la peine d'en parler, de demander aux élèves ce qu'ils ressentent en entendant ceci, et ce qu'ils ressentent face aux tables, justement. L'arithmétique est-elle un personnage aussi terrible que celui de Colette-Ravel ?

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