En 1935, on a introduit en Australie le crapaud buffle. Ce crapaud, venimeux, était censé lutter contre les insectes qui rongeaient la canne à sucre. Mais il ravage maintenant la faune locale.
1) La taille des 100 spécimens introduits à l'origine était au maximum de 14cm, mais en 2007 un spécimen de 38cm a été capturé. De quel pourcentage sa taille a-t-elle augmenté ?
2) Une estimation de la population actuelle des crapauds buffles est de l'ordre de 200 millions d'individus. Quel pourcentage de ce nombre représentent les 100 crapauds du départ ?
Je m'attendais à ce que cet exercice pose des problèmes aux élèves. Ils devaient chercher à résoudre ces deux questions chez eux, et je m'appuierai sur le débat qui naîtrait entre les élèves pour donner du sens à la notion de pourcentage et évoquer les représentations erronées et leurs causes. Nous pourrions ensuite rappeler les fondamentaux sur les taux et passer aux exercices d'application puis d'approfondissement.
Mais avant tout, je voulais travailler sur les ordres de grandeur. J'ai commencé par recenser les réponses obtenues par les élèves à la première question.
Le sujet du problème... |
- 163%
- 36,8%
- 5,32%
- 271%
- 24%
- 7,14%
- 63%
- 0,24%
- 4,98%
Le débat s'est lancé tout seul, car les élèves ont été frappés par les disparités des propositions. Nous allions tout de même de 0,24% à 271% d'augmentation... Ce qui signifie qu'ils sont prêts à appliquer un calcul, écrire une conclusion, sans du tout faire la démarche de vérifier la cohérence ou sans s'apercevoir que le résultat n'est pas crédible.
Je suis partie de 24% : c'est une erreur intéressante, car le % remplace l'unité "cm". Ces élèves-là ont un souci de sens sur le symbole %. D'ailleurs, à la question "Ca veut dire quoi, ce symbole, %" ? J'ai entendu "C'est une unité". "Comme des mètres, les litres ou des kilos ?", ai-je demandé. "Ah non, pas pareil, parce que ça dépend de la valeur de départ". En effet, nous sommes sur une notion relative et non absolue. Mais ce n'est pas du tout une unité.
Une élève a eu une idée pour ne pas partir dans tous les sens : si le crapaud avait doublé de taille, il mesurerait 28cm. S'il avait triplé, il mesurerait 42cm. Comme il mesure 38cm, il est entre le double et le triple de sa taille initiale. Voilà un bon point de départ.
Que signifie, alors, en termes de pourcentage, doubler de taille ? La réponse qui fuse : c'est une augmentation de 200% ! Puis, très vite : ah non, le crapaud mesure 200% de sa taille de départ, donc l'augmentation est de 100%. Pas mal : nous arrivons tranquillement à une difficulté de la consigne : c'est un taux d'augmentation que l'on cherche, et non quel pourcentage de sa taille initiale représente sa taille actuelle.
La classe s'est mise d'accord sur un résultat "à la louche" : on doit obtenir une augmentation comprise entre 100% et 200%, puisque la taille de notre crapaud a plus que doublé mais moins que triplé.
Cela nous laissait une seule proposition intitiale : 163%. Pas de chance, c'est faux.
Les élèves ont vraiment cherché à comprendre, du coup. Ils s'étaient trompés, tous, et pour beaucoup d'entre eux ils avaient obtenu des résultats vraiment peu crédibles. Maintenant ils s'en rendaient compte. C'était vexant ou surprenant, selon les élèves, et cela a favorisé un questionnement individuel. D'où des "Ah oui mais en fait madame, mon résultat il est idiot et j'ai pas vu !", "N'importe quoi, ce que j'ai écrit, j'ai pas réfléchi du tout !" voire "Mais pourquoi ça ne vous énerve pas, madame ?". Ca ne m'énerve pas parce que je savais que j'obtiendrai cette variété, et aussi parce que m'énerver ne m'a jamais aidé à faire comprendre quoi que ce soit à mes élèves. (Ce qui ne m'empêche pas de m'énerver parfois de façon tout à fait improductive, évidemment)
Nous sommes passés par la signification de taux "intuitifs", comme 50%, 25%, 75%. Cela nous a amnenés à la proportionnalité, puis à construire un tableau de proportionnalité de façon raisonnée, et alors c'est allé comme sur des roulettes. Les élèves qui avaient obtenu 271% ont compris pourquoi leur raisonnement était tout près d'être juste, les autres ont compris pourquoi il était faux. Cela allait de calculs automatiques mettant en jeu les bonnes données mais sans aucune signification, à des calculs qui impliquaient l'année 2007... Bref, de la ratatouille de calculs. C'est pas bon, la ratatouille de calculs, beurk. Mais nous avons expliqué chacune des erreurs. Parfois, c'était compliqué d'en trouver la cause, surtout que certains n'avaient pas écrit leurs calculs (malgré mes consignes trèèèès répétitives en ce sens).
Les derniers ecueuils étaient d'ordre méthodologiques : quelques élèves têtus voulaient absolument utiliser la touche % de leur calculatrice pour obtenir magiquement la solution "car on leur avait dit qu'on pouvait tout faire sur les pourcentages en appuyant sur cette touche-là". D'autres mon demandé si "il n'y a pas une solution où on n'a pas besoin de réfléchir ?". Ben non. mon propos était justement de montrer que les pourcentages, c'est simple... A condition de réfléchir.
Vous l'aurez deviné, ce titre me hérisse |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire