Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

dimanche 20 décembre 2015

"la conscience du langage est importante" (Gilles Dowek)

Gilles Dowek est chercheur et enseignant en mathématiques. Il essaie en particulier d'attirer l'attention des pouvoirs publics sur la nécessité d'enseigner l'informatique à l'école, au collège et au lycée. Un collègue m'a signalé une conférence récente (elle date du 6 novembre 2015) de ce monsieur, que vous pouvez visionner ici. Elle s'intitule "Qu'est-ce que l'enseignement des mathématiques a à gagner d'un enseignement parallèle de l'informatique ?" et dure une heure et quart. Elle est intéressante et je vous la conseille. La succession d'exemples, avec en particulier les notations en logique que je ne connaissais pas, m'ont un peu attaquée pour un dimanche après-midi, mais l'ensemble de la conférence est accessible et clair. En plus, monsieur Dowek communique sur un mode vivant, actuel, parfois drôle, qui est très agréable.

A l'occasion de l'irruption de l'enseignement de l'informatique dans le secondaire, plusieurs fonctionnements étaient possibles :

  • comme en histoire-géo, le prof de maths-info
  • comme en lettres modernes/lettres classiques, les profs de maths qui enseignent aussi de l'informatique, et les profs de maths-tout-court
  • ou bien encore la création du statut de prof d'informatique

Gilles Dowek n'a pas pour objectif de débattre de ce qu'il faudrait faire. De toute façon tout cela est dans les tuyaux, comme vous l'avez peut-être lu au travers de ce post. Et en fait d'irruption, il préfèrerait une évolution en douceur, pas du tout comme au moment de l'apparition des "maths modernes" dans les programmes scolaires. Il n'envisage pas les maths et leur enseignement comme fracturées, avec les maths savantes vs les maths profanes, les maths avec informatique d'un côté et les maths sans informatique de l'autre. Comme il le dit, l'informatique s'intéresse à des objets immatériels, et il n'y a pas tellement de matières qui s'y intéressent dans le secondaire. Le choix des maths en association avec l'informatique est assez naturel.

Selon Gilles Dowek, plusieurs constats s'imposent :

  • Le monde dans lequel nous vivons change, et a de plus en plus besoin d'informaticiens (dans l'industrie, les services, la recherche, l'agriculture, l'art, etc.). Nous vivons vraisemblablement une époque où la demande de culture mathématique est sans précédent.
  • Un informaticien doit avoir une solide culture mathématique. Pas forcément dans tous les domaines, mais au moins dans ceux dont l'informatique se nourrit. Cette culture mathématique ne lui suffit pas pour être un informaticien efficace, mais elle est indispensable.
  • Les ingénieurs, dans leur majorité, n'ont pas cette culture, ou pas assez. C'est normal : jusqu'ici, elle n'était pas enseignée dans le secondaire.
  • Il faut donc un enseignement de l'informatique, et tôt. Cela permettra d'ailleurs de valoriser les mathématiques, de trouver de nouveaux arguments en réponse à "A quoi ça sert ?" ; d'ailleurs, selon Gilles Dowek, que des élèves qui manipulent ordinateurs, consoles et téléphones portables se demandent à quoi servent les maths est "une anomalie".

Toute la question est y donc de savoir si nous allons, collectivement, être capables de saisir "cette opportunité extraordinaire pour le développement des sciences".

Dans la suite de la conférence, Gilles Dowek présente des exemples pour illustrer le lien entre maths et informatique : de la combinatoire, des graphes, des équations différentielles, de la logique.


Il conclut sur l'importance de la logique en informatique, et pas seulement pour construire des raisonnements et "asserter" des propositions. Il souligne aussi l'importance du travail sur le langage que permet la logique. En informatique, il faut respecter les règles du langage. Même si on peut comprendre une idée transmise sans qu'elle respecte rigoureusement les règles du langage, on ne peut pas la traduire sans connaître et appliquer les règles. Monsieur Dowek dit : "la conscience du langage est importante". Je trouve cette phrase simple et très juste.

Le message de Gilles Dowek est le suivant : unissons nos forces. Stop aux "guéguerres" entre profs de physique, de techno, de maths, etc. Notre responsabilité est aujourd'hui collective dans la survie de l'enseignement des sciences. Nous avons une occasion de lui permettre de se développer, sans doute au prix de quelques changements, mais est-ce forcément un mal ?


Deux remarques de monsieur Dowek interrogent :

  • en quatrième, si on retire de l'horaire scolaire l'EPS (que G. Dowek n'a pas su ranger côté humanités ou côté sciences), deux tiers des heures sont consacrées aux humanités, justement. Il reste un tiers pour les sciences ; et en primaire, on a souvent, sur les six heures de la journée d'école, une heure de calcul, cinq heures moins un chouillat de lecture-écriture, et un chouillat d'autres sciences.
  • Quand les maths ont disparu de la filière L, Gilles Dowek avait essayé d'organiser une lettre ouverte allant à l'encontre de cette décision. Il avait, dans l'urgence, trouvé dix personnes pour la signer : neuf informaticiens et un mathématicien. En revanche, il avait reçu des réponses étonnantes de personnes qui semblaient penser que ne plus devoir "se coltiner" en sciences les élèves littéraires était une sorte de soulagement... 


Les sciences, dans leur ensemble, ne sont pas optionnelles. Et aujourd'hui, nous avons une occasion de le faire valoir. Alors on y va ?

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