Le rapport commence par tenter de définir et de différencier innovation et expérimentation: "la relation entre les deux termes n’est pas toujours très claire". Tout un travail sur l'étymologie, le choix des mots et leurs liens est mené.
Voici des extraits, prélevés dans le rapport. Le dernier paragraphe m'a plu, parce qu'il exprime tout à fait ma vision du métier.
Pourquoi l'innovation et l'expérimentation ?
Historiquement, l’innovation / expérimentation s’inscrit également dans une évolution qui ne se limite pas aux cinquante dernières années. Mais comme le souligne Jean-Pierre Obin, « Avant les années 1960, l’échec scolaire, ou plutôt le sentiment d’échec scolaire, n’existe pas : il y a de bons et de mauvais élèves, mais le système n’est pas rendu responsable du fait que certains sont mauvais. À partir du moment où on lui fait porter la charge de cette situation, qui devient socialement intolérable, l’État est conduit à chercher des solutions à ce qui est devenu un « problème ». On voit alors d’autres notions apparaître – le changement, le projet, l’innovation – comme conséquences de ce transfert de la responsabilité des inégalités scolaires des individus vers l’institution ».
Dans les faits, la massification et la diversification sont le fruit de la combinaison de la crise économique, avec le déclin des industries traditionnelles très demandeuses en main-d’oeuvre peu qualifiée et concomitamment une insertion professionnelle facilitée pour les diplômés, et d’une intégration scolaire accrue par le choix, sur une base essentiellement idéologique, du recul du moment de diversification des parcours scolaires.
L'innovationL’innovation est d’abord un jugement : on peut décider de ce qui est innovant ou non. Elle implique la nouveauté, l’inédit. Elle est une démarche de création, de combinaison singulière d’éléments préexistants ou d’émergence d’éléments inédits. Elle dépend du contexte local. L'innovation renvoie à l'individu, ce qui parfois inquiète l'institution. L’innovation viendrait de la base, elle serait fondée sur des astuces, des trouvailles, des choix que font émerger la réflexion personnelle, l’intuition, la résonance individuelle, la singularité d’une situation locale, etc.
L'innovationL’innovation est d’abord un jugement : on peut décider de ce qui est innovant ou non. Elle implique la nouveauté, l’inédit. Elle est une démarche de création, de combinaison singulière d’éléments préexistants ou d’émergence d’éléments inédits. Elle dépend du contexte local. L'innovation renvoie à l'individu, ce qui parfois inquiète l'institution. L’innovation viendrait de la base, elle serait fondée sur des astuces, des trouvailles, des choix que font émerger la réflexion personnelle, l’intuition, la résonance individuelle, la singularité d’une situation locale, etc.
Ainsi, l’innovation ne vaut que parce qu’elle est unique, qu’elle est le produit remarquable d’un alignement rare, d’une combinaison heureuse de personnalités qui la portent, de données contextuelles favorables et d’objets façonnés avec passion.
Quatre mots-clef sont donnés autour de l'innovation : l'originalité (l’innovation, ce n’est pas forcément « de l’original ». Mais elle possède « une potentialité de nouveau qui se concrétisera dans les actions »), les valeurs (l’innovation permet de réactiver les valeurs, qui en sont motrices), le pouvoir (elle s’inscrit dans une tension entre deux sources de pouvoirs, les enseignants et les ministres), et le changement (pour une majorité, « l’innovation, c’est du changement. », mais c’est aussi une évolution, une transformation progressive qui s’inscrit dans la continuité).
L'expérimentation
L’expérimentation est un fait qui s’impose comme telle. Elle s’apparente à une mise en oeuvre, à une inscription assumée dans le réel. L'expérimentation renvoie au système, car elle s'apparente à une prise en charge par l'institution, avec toutes les contraintes que cela implique. L’expérimentation serait une captation par le système d’une innovation première, captation dont on peut craindre qu’elle fasse perdre à l’innovation tout ou partie de sa saveur et de sa valeur, dès lors qu’il s’agit d’envisager une généralisation, donc l’intégration systémique d’un objet singulier
Une contradiction
En première lecture, l’innovation est en décalage par rapport au réel au sens où elle se constitue en dehors de celui-ci. L’expérimentation, quant à elle, est une mise à l’épreuve, dans un fragment du « vrai » monde. En seconde lecture, par renversement du schéma, l’innovation apparaît comme une évolution pragmatique née d’un rapport immédiat au réel, une compréhension intime de son fonctionnement, tandis que l’expérimentation, avec la lourdeur de son protocole, peut se donner comme objet désincarné dans un lieu cette fois isolé du monde. Il y a donc, dans un cas comme dans l’autre, une forme d’isolement, à la fois propice au déploiement de l’idée et obstacle potentiel à sa diffusion.
L'enseignant artisan
L'enseignant artisan
L’innovation, pratique constitutive, quotidienne, du métier d’enseignant, est précisément la forme aboutie de l’artisanat, un art du singulier au service d’un petit nombre, et toute tentative par l’institution d’en faire la nouvelle clé de voûte du système se heurte à une double difficulté, celle de l’impossibilité de la réplication situationnelle et celle du caractère fondamentalement éphémère de l’innovation.
Du côté du pionnier se mêlent le plaisir souvent solitaire de la nouveauté, la difficulté à s’inscrire dans la démarche rigoureuse d’une expérimentation en bonne et due forme et la frustration d’une reconnaissance limitée du travail mené et des efforts déployés. L’enseignant innovant peut se trouver en porte-à-faux par rapport aux autres membres de la communauté éducative dans son établissement. Il peut aussi avoir le sentiment que la lourdeur administrative d’une intégration institutionnelle est de nature à broyer les meilleures volontés.
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