"Enseigner les mathématiques est ainsi un drôle de métier qui pourrait paraître assez simple … s’il n’y avait pas les élèves. Car, avec eux, l’objectif devient une véritable gageure."
André Délédicq, il est du genre bourru. Quand mon fils a refusé poliment de partager sa barbe à papa à la violette bio, il s'est fait carrément engueuler. Mais gentiment, en fait. C'est un monsieur qui dit les choses très franchement. Parfois, ça pique. Parfois, ça touche au plus profond, tellement c'est simple et sincère.
Pour ce monsieur, ce qui compte dans le métier d'enseignant, ce n'est pas tellement les notions, le contenu en lui-même. Lui, il aime "savourer ces instants fabuleux où le sourire intérieur d’un être humain s’extériorise et rend perceptible la sensation qu’il a de sa propre intelligence."
Monsieur Délédicq propose "sept fausses pistes pour l’enseignant de mathématiques, sept péchés didactiques, qui ne sont guère que de fausses pistes pour l’enseignant de mathématiques."
- Croire qu’on peut inculquer des connaissances (et il cite Célestin Freinet)
- Croire que le savoir se transmet (Il ne se transmet pas, il se construit chez celui qui est censé l’apprendre)
- Croire que l’incompréhension est due à un manque de connaissance (et il cite Bachelard...)
- Croire qu’il y a quelque chose à comprendre (il considère comme une illusion l'existence de représentations des mathématiques quasi universelles et non contradictoires les unes les autres)
- Croire que les mathématiques disent la « vérité » (les mathématiques ne parlent pas de la vérité. Elles parlent de la cohérence, c'est-à-dire de la non-contradiction)
- Croire qu’il faut découper les difficultés en petits pas
- Croire qu’il faut préparer son cours dans le détail (« le seul enseignement que peut donner un professeur, c’est de penser devant ses élèves » disait Lebesgue)
Bon, pour les têtus, la suite : sept bonnes pistes pour le prof de maths. Que sont lesmathématiques? Comment les présenter pour leur donner vie chez nos élèves ?
- Le langage de l’Univers (Les mathématiques sont plongées dans l’Histoire des faits et des idées, nourries des soucis des hommes et de leurs difficultés ou avancées, aussi bien intellectuelles qu’industrielles ou sociales.)
- Un édifice en l’honneur de l’esprit humain (Modèle de cohérence interne, substituant l’accord intellectuel et réciproque aux vérités assenées, les mathématiques proposent un ensemble de concepts liés entre eux et aux autres domaines de l’activité humaine.)
- Un apprentissage de la curiosité, de la rationalité et du respect (les mathématiques témoignent d’une insatiable curiosité. Elles sont, à la fois, une culture du problème et de l’honnêteté intellectuelle, une ouverture aux opinions, contraintes et techniques des autres champs culturels, dans le respect du savoir de l’autre et des discussions réciproques et partagées. )
- Un art (Faites sentir la puissance de la technique lorsqu’elle est maîtrisée par de bons (petits ou grands) artisans.)
- Les mathématiques s’apprivoisent (Aidez les jeunes à apprivoiser des morceaux de mathématiques.)
- Une culture du plaisir (Chacun connaît le plaisir de réfléchir, de voir s’assembler dans sa tête les pièces d’un jeu de construction, d’apercevoir les prémisses d’une solution, de comprendre le sens et l’organisation d’un morceau de pensée…et, donc, de sentir vivantes les preuves de son intelligence.)
- Une jubilation (Jubiler, c’est se sentir intelligent. Or la seule manière, connue et efficace, pour rester intelligent, c’est de se poser des questions et de chercher à résoudre des problèmes ; c’est de réfléchir en faisant des essais et des expériences, tout en essayant de rester logique et en échangeant des idées avec les autres ou avec soi-même.)
Pour finir, deux citations et la conclusion de son texte :
Les mathématiques sont merveilleuses et il serait bien dommage de ne pas le montrer aux élèves
Si un élève « ne comprend pas », ne cherchez pas à connaître ce qu’il ne sait pas ! Cherchez plutôt ce qu’il sait et qui l’empêche de comprendre.
Voilà pourquoi les mathématiques semblent, plus souvent que d’autres disciplines, essentiellement jubilatoires dans la pratique de leur apprentissage et dans la découverte de leur monde. Eprouvez et faites jouer les ressorts du plaisir intellectuel : le rapprochement inattendu, le dévoilement du caché, l’esthétique de la construction, le sentiment de l’efficacité, la joie de l’heuristique, la clarté de l’évidence qui émerge, la peur du profond et bien d’autres émotions qui nous attendent sur le chemin de la cohérence, de la liberté de penser et de l’imagination. Alors, soyez confiants : s’il est difficile et certainement impossible d’enseigner les mathématiques, l’expérience montre qu’il est vraiment possible de les apprendre...
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