Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

jeudi 4 février 2016

Cinémathématique

J'ai trouvé un appel à contribution pour "Géométrie des formes filmiques. Mathématiques et matières du cinéma", par l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée, sur Fabula. C'est assez extraordinaire, et je vous en livre des extraits (en fait il y a presque tout. C'est difficile de couper une phrase : le dernier paragraphe n'en forme qu'en seule) :

Les mathématiques peuvent imprégner les procédures de création et d’administrations filmiques – prise de vue réelle ou animation – à plus d’un titre, depuis le script (contexte narratif : l’intrigue met en scène des mathématiciens, par exemple) jusqu’à la plus récente algorithmicité des images numériques générées par ordinateur. (...) Le spectre est donc très large, et d’intérêt variable, depuis les mathématiques comme prétexte scénaristique jusqu’à leur actionmodélisante (que d’autres arts connaissent bien depuis plus longtemps : la composition musicale).

La présente journée d’études, pour sa part, veut examiner plus spécifiquement une autre question : celle, représentative, appliquée aux formes filmiques à partir des objets et des motifs mathématiques : figures (cercles, spirales, rectangles, mais aussi échiquiers…), courbures, plis, fibrés, topologies. La géométrie dont il est question est, on comprend aisément pourquoi, la géométrie euclidienne, celle de notre espace environnant (analogique), mais aussi, et non seulement grâce aux derniers développements technologiques, peut relever de géométries contre-intuitives encore représentationnelles (il faut pouvoir les faire voir avec les moyens d’appareils euclidiens et à un œil d’éducation euclidienne), c’est-à-dire évoluant dans un monde borné par les trois dimensions classiques – les géométries non euclidiennes différentielles, entre-dimensionnelles, où les formes difféomorphiques évoluent entre deux variétés euclidiennes par recollement ou trame métrique : surface de Riemann, objets fractals de Mandelbrot, tore de Klein, triangle de Penrose, ruban de Möbius, surface de Boy ; déjà la cartographie. Les figures non euclidiennes, détachant le mode de production du film de la stricte obédience référentielle et photographique (reproductionnelle), et le rapprochant ceteris paribusde la représentation picturale, non analogique, in abstentia, permettraient ainsi au cinéma d’intégrer dans ses régimes de figuration des géométries dont la littérature (Lovecraft, Calvino, Borges, Ballard) ou les arts visuels (Duchamp, Metzinger, LeWitt) se sont également emparés.

Si l’on s’en tient à une simple logique d’auteur, on doit d’abord faire deux constats pessimistes quant à la présence des formes géométriques dans l’image : 1/ celui de l’affaiblissement – c’est sous des formes extrêmement vulgarisées que les figures géométriques les plus complexes et les théories qui les pensent sont instrumentalisées dans les arts visuels (les peintres ou les cinéastes ne sont pas des mathématiciens de formation, et ils doivent négocier avec des contraintes matérielles qu’ignorent les géomètres) ; 2/ celui de l’aliénation – si l’on suit une intention délibérée d’avoir recours à telle ou telle figure géométrique dans un film, c’est souvent uniquement pour illustrer une autre modulation théorique (rêves, science-fiction, etc.) (...)

Le but de cette journée d’études est autre : non seulement n’interroger que les formes filmiques géométriques, à l’intérieur de l’ensemble des champs d’intervention des mathématiques au cinéma – présupposé d’objet – mais également ne tenter de les interroger que de l’intérieur des formes elles-mêmes – présupposé de méthode –, de ne s’attacher qu’au développement de ces formes dans leur milieu fabulé (interactions, effets) et dans les instructions figuratives, de questionner les modalités à la fois formelles et matériologiques (la matière, par exemple, courbe l’espace) par lesquelles les formes géométriques ne sont pas seulement filmées mais aussi filmantes et font retour sur les images dans lesquelles elles s’inscrivent par des vectorisations d’invention figurative et des formules de métamorphoses, projectives ou non, des textures spatiales et des tissus spatialisés.

J'aimerais beaucoup lire les contributions, ou mieux, les entendre. En même temps, je ne suis pas sûre de pouvoir tenir très longtemps si c'est ce champ lexical qui est utilisé en permanence...

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