Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

samedi 7 janvier 2017

Alors, on en fait quoi, de ce mammouth ?

Un livre est récemment sorti, qui fait un joli buzz : Et si on tuait le mammouth ? Le titre fleure bon la provoc, et l'objectif est atteint, puisqu'il est fort difficile de se le procurer : je ne l'ai pas encore trouvé disponible à la vente. Je vais donc me livrer à un exercice certes commun, mais qui ne l'est pas pour moi : parler d'un livre que je n'ai pas (encore) lu.

Un des auteurs est Bernard Toulemonde. Agrégé de droit en 1976, il a été surveillant d'externat, assistant à la faculté de droit, professeur de droit public, chargé de l'éducation au ministère par Pierre Mauroy, directeur des affaires générales au ministère de l'éducation nationale, recteur de Montpellier puis de Toulouse, membre du cabinet de Jack Lang à l'Education nationale, inspecteur général puis directeur de l'enseignement scolaire.
L'autre auteur, Soazig Le Nevé, est journaliste à la rédaction d'Acteurs publics.

Laissons donc les points de vue, divergents, s'exprimer :

Le Café Pédagogique écrit, sous la plume de François Jarraud :
"C'est bien à un assassinat en règle que nous invitent Bernard Toulemonde et Soazig Le Nevé dans un petit livre qui débite le mammouth avec délectation. (...) Dans le carnage promis par B Toulemonde, le mammouth ne meurt pas seul. Les professeurs et leurs syndicats sont poussés eux aussi dans la tombe, tout comme d'autres catégories, les bacheliers professionnels par exemple. (...)
Le programme que propose B Toulemonde, le voilà. C'est la fragmentation de l'Education nationale livrée à ses cadres locaux dans un objectif de performance y compris financière. Car pour B Toulemonde , il faut baisser les investissements éducatifs. "A quoi servent les moyens supplémentaire que l'on donne sans cesse au système éducatif ? A faire progresser toujours plus les élèves ? Tout démontre qu'ils permettent surtout d'améliorer la situation des personnels sans que les résultats des élèves s'en trouvent favorisés". (...)
Là on passe du coté le plus sombre du livre. La revanche de B Toulemonde c'est sans doute celle des cadres sur les enseignants et les syndicats, deux forces d'opposition insupportable à un encadrement toujours qualifié positivement. (...) Il s'insurge contre les heures supplémentaires non faites (comprenez les HSA), les heures des professeurs d'EPS, les maitres surnuméraires, les agrégés nommées en collège, la liberté pédagogique et les droits syndicaux comme l'heure d'information syndicale. Paradoxalement les enseignants sont perçus comme des ennemis de l'éducation nationale et non comme ses supports. L'ouvrage recommande de les faire travailler 35 heures par semaine, ce qui évidemment résout la question des effectifs et du budget. (...)
En fin d'ouvrage, 17 recommandations résument la pensée de l'auteur. On y trouve le profilage des postes des enseignants, la suppression des grilles d 'avancement remplacées par une évaluation du mérite, la fermeture de la Direction des ressources humaines du ministère, le transfert du professionnel et de l'enseignement agricole aux régions, etc."


Bon, il faut vraiment que je le lise. Je ne suis pas d'accord avec tout, loin de là, mais je ne suis pas non plus en opposition avec tout...

Dans l'obs, autre vision du livre. L'article est surtout une suite de citations :
"Tout ce qui fait débat est mis à plat : la fameuse baisse du niveau ? Elle est avérée. L’égalité entre les enseignants, entre les établissements, entre les filières de formation…? Une fiction. L’action ministérielle ? Une illusion. Le mammouth est difficile à bouger, du fait de syndicats, "ces machines à dire non" qui intimident le pouvoir. En réalité, régie par les règles non dites de l’égoïsme, de la prudence et des intérêts bien compris, l’école sert d’abord les nantis. Et tant pis pour la population scolaire qui aurait vraiment besoin d’être accompagnée. Pourtant, les solutions existent. Il leur faudrait juste rencontrer un peu de courage politique. Il y a peut-être du vrai dans toutes ces raisons, mais elles permettent aussi de se défausser facilement : ce n’est jamais la faute de ceux qui enseignent – et on sait que les enseignants eux-mêmes ne font pas réellement l’objet d’une évaluation de leur travail ! Or il existe bel et bien des profs incompétents, assumons le fait de le dire."

Okééé. J'ai eu plus envie de le lire par l'article négatif du Café Péda, en fait. D'une part parce qu'au moins l'ouvrage est décrit, mais aussi parce que dans l'Obs, la tentation baffe-au-prof est assez peu nuancée.

Il y a aussi Le Mammouthologue, dans un genre encore différent (et avec des échanges de commentaires dynamiques ) :
" Quel que soit son appartenance politique, le futur locataire de la Rue de Grenelle trouvera dans ce livre une peinture crue et sans tabou de l’Education nationale : les renoncements des différents ministres de Lionel Jospin à Najat Vallaud Belkacem et les coulisses peu reluisantes des politiques éducatives, les compromissions avec les syndicats, les assauts des lobbys en tous genre, la gabegie financière au détriment d’une amélioration du niveau des élèves, les incessants effets de yoyo d’une politique sans changement en profondeur des modes de gouvernance du système… pour le plus grand bien de l’enseignement privé. Ainsi déniaisé, le ou la prochaine ministre aura soit à cœur de s’attaquer une bonne fois pour toutes au « mammouth » pour l’intérêt des élèves, ... ou de prendre ses jambes à son cou tant la tâche s’avère difficile.
Le livre se propose en effet non pas de réformer mais de tuer le « mammouth ». A ce titre, il faut alors voir comme un excellent signe les attaques dont l’ouvrage fait l’objet depuis quelques jours sur les réseaux sociaux ou sur le site militant du Café pédagogique ! Car le mammouth tremble. Le livre a en effet de quoi déranger certains syndicalistes quand il relate quelques épisodes bien connus des observateurs de l’école. (...)
Le livre rappelle aussi la politique de privilèges accordée à bas bruit à certaines catégories de personnels. « A Paris, on bat des records de privilèges indus aux frais du contribuable. Les directeurs d’école bénéficient tous d’une décharge totale de service alors que leurs collègues de France et de Navarre n’y ont droit qu’à partir de 14 classes ! De même tous les instituteurs y sont assistés (remplacés ?) par des maîtres rémunérés par la Ville de Paris pendant six heures par semaine, soit le quart de leurs heures de classe ». (...)
L’ouvrage ne se contente pas de décrire les dysfonctionnements du système et d’en analyser les causes, il propose des solutions : l’autonomie des établissements, régionalisation du recrutement des profs, statut des écoles primaires, publication des résultats des établissements scolaires et publication de leurs résultats, définition des heures de service en heures de présence dans les établissements, lancement d’un plan de création de bureaux et salles de travail, transfert aux régions volontaires des formations professionnelles et agricoles, notamment.
Les solutions sont doublées d’une méthode d’action : surtout pas de grande loi mais un cap clairement fixé et « une volonté de fer » pour des « décisions ultrarapides dans les quelques semaines qui suivent les élections », « confiance au terrain mais point trop aux syndicats (la preuve est faite, peu tiennent parole) ».
Outre le caractère extrêmement bien documenté de l’ouvrage, sa force tient à son humour. Les auteurs savent rendre limpides voire amusantes le décryptage des rapports annuels de performances ou les plus arides documents budgétaires. On sent à la fois l’expertise et la technicité de la journaliste Soazig Le Nevé mais aussi la clairvoyance de « vieux renard de l’Education nat » de Bernard Toulemonde (qui me pardonnera cette expression), grand serviteur de l’Etat mais lucide sur toutes les absurdités dont il a été témoin et soucieux de les rendre publiques.
C’est donc et il faut le souligner, un livre courageux qui a le mérite de montrer au grand jour ce que tous ceux qui ont travaillé à l’Education savent et parfois, taisent. Indispensable."

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