Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

vendredi 25 juillet 2014

Dans mon cartable, savez-vous quoi qui n'y a ?

Un jeune professeur de mathématiques m'a demandé récemment : "Quels sont les outils indispensables dans un cartable de prof de mathématiques ?". En voilà une bonne question ! Je ne peux pas y répondre, car je suppose que chacun a un indispensable différent des autres, mais je peux ouvrir le mien, de cartable, et regarder dedans.

Qu'est-ce que j'y vois ?

  • tout le matériel de géométrie (vous noterez que j'ai égaré mon équerre);
  • de quoi écrire, stylos, feutres et papier ;
  • des marqueurs ou des craies de secours ;
  • un carnet de bord ;
  • mon cahier de texte (ça fait doublon avec la version numérique, mais dans le bus par exemple, c'est plus pratique. Et puis dans notre cahier de textes à nous, on formule les choses plus librement, mais parfois aussi plus clairement d'un point de vue professionnel) ;
  • ma calculatrice.

Ca, c'était vraiment l'important. Passons au reste.

  • des pansements. (Je me coupe, un gamin se fait un bobo, hop, un pansement) ; 
  • du papier millimétré ;
  • du papier calque ;
  • mon agenda ;
  • mon carnet de trucs à penser (un carnet de listes. Au fur et à mesure qu'une idée me vient ou qu'un élève pose une question sur quelque chose et que je ne sais pas répondre tout se suite, hop, je note) ;
  • une chemise à paperasses, avec toujours dedans des enveloppes, des timbres, un justificatif de domicile, un RIB. L'éducation Nationale passe son temps à demande des trucs comme ça) ;
  • une chemise par classe, pour les copies et tout ça ; 
  • mon ordi, mon disque dur, le câble d'alim, tout ce qui permet qu'il fonctionne comme il faut. 

Voilà.

Maintenant, lorsqu'on a, comme moi, la chance d'avoir une salle à soi, on peut aussi y laisser des choses. Mon placard est un joyeux capharnaüm (très organisé cependant). Ca va des tablettes de chocolat (alors ça, c'est vraiment indispensable mais ce n'est pas pour les élèves !), des sachets de thé, deux tasses, des petits gâteaux pour consoler les gros chagrins d'enfants, du désinfectant, une paire de collants de rechange (faire cours avec un collant filé, mais vous n'y pensez pas ! ;-) ), de la ficelle, du scotch, de la super colle, une agrafeuse et plein d'agrafes, des trombones, des punaises, des attaches parisiennes, des élastiques, des magnets pour tenir les trucs au tableau, des bouchons et des dés (pour les probas), les manuels, du matériel de géométrie et des calculatrices à prêter aux étourdis, des tas d'activités pour les plus rapides et tous les curieux, mes deux gros classeurs qui contiennent tout ce qu'on fait dans l'année, des trieurs pour ranger les documents à distribuer à chaque classe, des sacs poubelles, une bombe de parfum d'intérieur (relativement indispensable aussi, surtout quand on a des fenêtres qui s'ouvrent à peine).
Tout ça, c'est de mémoire. Peut-être que j'en oublie...

mardi 22 juillet 2014

Quand Grand Corps Malade parle de l'école

Je voulais mettre sur mon blog des chansons de Grand Corps Malade, mais Monsieur Auger m'a précédée... ;-) Alors vous pouvez les écouter !

Femmes et mathématiques : merci l'Europe !!!

Dans cet article d'un blog du Monde, l'Avventura, vous trouverez un point assez complet de la situation des femmes par rapport aux maths. J'en avais parlé ici, et aussi déjà, et l'article ne propose aucune nouveauté en la matière, mais a l'avantage de présenter un bilan exposé de façon fort sympathique.

Je ne connaissais pas, en revanche, le clip réalisé par l'Europe... Les liens proposés par l'auteur de l'article l'Aventura m'y ont amenée, et franchement, il faut que je partage cette douloureuse découverte. 


Tant qu'à plonger dans le cliché, je suis allée sur le site MadmoiZell.com, au titre un peu effrayant. Mais voilà ce que j'y ai lu :
" Évidemment, sur le principe, l’objectif est louable. (...)
Quand est-ce que les fabricants de contenu comprendront enfin que l’égalité hommes / femmes ne passent pas par une exaltation poussive des genres ? Lutter pour la parité en crééant des passerelles féminisées aux secteurs dits masculins n’est pas une solution durable. En revanche, travailler à rendre « neutre » (autrement dit, ni masculin, ni féminin) ces secteurs, oui. Ce que ne fait malheureusement pas ce spot, en tablant sur ce sombre concept qu’est « le girly ».
Ce qui m’amène à la question suivante : quel genre d’équipe de communicants imagine ce type de campagne ? N’y avait t-il aucune personne autour de leur table de brainstorming habilitée à cerner que de tels raccourcis feraient forcément un tollé ?
"

On est d'accord, MadmoiZell et moi. Chouette. Une autre analyse est proposée ici, avec des liens pour approfondir. Et cette fois, on y apprend que les adolescentes ont massivement aimé la vidéo. Je crois que je vais pleurer.

Ici, la réaction de l'astronome Meghan Grey. C'est en anglais, malheureusement pour mes jeunes élèves, car voilà une interview qui donne envie d'être une femme scientifique, avec la passion des sciences et de l'intelligence dedans :



Evidemment, l'envie de parodie a été forte... Toujours doués dans ce domaine, voici la production de scientifiques britanniques :



Bon, pour finir, deux dessins de l'Aventura qui trouveront leur place dans ma classe à la rentrée :


samedi 19 juillet 2014

Maths et jeu de rôles, deuxième partie

Penchons-nous cette fois sur la mise en oeuvre, dans ma classe, de l'année à venir.

Chaque élève recevra, en début d'année, plusieurs documents qui lui permettront (j'espère !) de comprendre comment l'année se déroulera, comment nous travaillerons et comment il sera évalué.

La progression, d'abord. Voici un exemple avec la progression de cinquième :


La feuille de personnage ensuite. Toujours en cinquième :






Ces deux documents seront collés au début du cahier. Je complèterai la feuille de perso au fur et à mesure de l'année.

Enfin, voici deux extrait d'une fiche d'évaluation prof (que les élèves n'auront pas) :

 
                                                                                 évaluation sur un thème


                       bilan d'évaluation en cours d'année


Comment allons-nous travailler ?  C'est simple : efficacement et avec plaisir. Je détaille ?

D'accord. Mettons les choses au point tout de suite, sur un point qui va retenir l'attention (alors qu'à mon sens ce n'est pas le plus important) : il n'y aura plus de note (c'est à nuancer en troisième, j'y reviendrai dans un prochain article). Plus de /20, de /10, de longues réflexions pour attribuer ou pas un demi-point. A la place, l'élève gagne des XP (des points d'expérience) et acquiert des compétences, reportées sur sa feuille de perso mathématique.

Ce choix des XP relève d'une double volonté de ma part :
- valoriser tout travail, même incomplet, même maladroit. On n'est pas sanctionné par un 3/20 ; on ne peut que gagner des points. Et comme les élèves n'auront pas la feuille-prof d'évaluation et que chaque thème rapporte un nombre de XP différent, ils ne pourront pas, même en étant des champions de la proportionnalité, se ramener à une note "classique".
- permettre aux élèves en réussite d'aller toujours plus loin : on n'est pas limité dans le nombre de XP gagnés. On peut crever le plafond.
Lorsqu'on a suffisamment d'XP, on passe de niveau. Pour chaque classe, j'ai un objectif global en terme de niveau atteint. Mais ce n'est pas si simple, car le plus important réside dans l'acquisition des compétences. Les niveaux sont là pour montrer à l'élève qu'il progresse. Le nombre d'XP nécessaire pour passer de niveau n'est ni constant, ni linéaire, ni exponentiel. Il est lié à des considérations pédagogiques, au thème étudié.

Imaginons que nous commencions un thème, là, en classe. D'abord, comme d'habitude, nous le découvrons au travers d'activités, de débats, de manipulations, de vidéos. Nous commençons déjà, une fois les bases posées ainsi, à réfléchir et résoudre des exercices. De là se dégagent des notions, des méthodes, qu'une fiche (à compléter ou déjà complétée) va venir résumer dans le cahier. Puis nous continuons à approfondir, chacun à son rythme, sur des travaux individuels, en binôme ou en groupe, dans le cahier, sur feuille à rendre ou sur ordi, juste au brouillon ou finalisés, ça dépend des nécessités et des objectifs du jour.
Les élèves gagnent des points, tout le temps, mais plus ou moins : par les travaux faits à la maison, par ceux effectués en classe, au travers d'interros orales de début de séance, en participant. Ceux qui le veulent peuvent, à raison d'une par thème, se lancer dans une "réalisation", qu'ils me rendent ou présentent à la classe, au choix. Ce peut être une poésie, un panneau sur le thème en cours, un objet fabriqué, un exposé sur un point d'actualité ou historique, etc. Des travaux facultatifs (mes "piles culture" et "mes piles approfondissement") sont proposés aux volontaires, qui gagnent encore des XP, pendant que ceux qui ont encore besoin d'entraînement sur les notions exigibles y reviennent. Un élève peut élaborer une fiche de lecture sur un des livres mis à disposition en classe, faire un dessin qui décore la salle de cours, proposer la critique d'un jeu mathématique.
En parallèle, les élèves accomplissent des quêtes, de diverses nature. Par exemple, ils affrontent des boss (les devoirs surveillés), se lancent à l'assaut de donjons (des problèmes ouverts) avec leur guilde (les groupes).

En même temps qu'ils gagnent des points, les élèves progressent dans leurs compétences. Pour eux, cela se traduit par des cases à cocher (sur la feuille de perso). Pour moi aussi, mais chaque case correspond à un point précis de la compétence. Par exemple :


Cela me permettra de savoir précisément ce qui est acquis ou pas chez chacun, pour proposer des remédiations ou de pouvoir faire un bilan précis auprès de l'élève et de sa famille.

Ainsi, tout effort, tout investissement est valorisé. Il n'y a plus de référentiel ni de moyen de comparer. Plus non plus de "ça va, j'ai la moyenne" ou de "Oh non, j'ai que 14 !". Plus non plus de ce 12/20 qui cache que la partie calcul est loupée mais compensée par des acquis remarquables en géométrie, ni de ce 6/20 qui fait oublier à l'élève et à ses parents que le prof a bien vu son talent pour élaborer une démarche de résolution de problème ou la faculté de prendre des initiatives.

Du coup, pas de note dans le bulletin en maths. A la place, je pense que je proposerai un bilan des compétences du trimestre, avec une appréciation détaillée et des conseils pour progresser.

Maths et jeu de rôles, première partie

J'avais déjà parlé ici de mon projet pour l'année prochaine. Il s'est étoffé et est déjà bien avancé. Dans cet article, j'explique sa genèse.

J’enseigne au collège depuis trois ans, après avoir longtemps enseigné en lycée. Dans le lycée où je suis restée plus de dix ans, j’avais participé à plusieurs expérimentations ou projets pédagogiques. Cette année, j’ai eu envie de me lancer dans de nouvelles pratiques. Et au final, le bilan est si positif que je vais essayer d’aller plus loin.

Cette année :
- on change la classe :
Au début du troisième trimestre, j’ai organisé ma salle en îlots de quatre places. Je voulais privilégier le travail de groupe, proposer aux élèves une disposition qui change et casse l’aspect formel des rangs. Je vérifie mieux le travail de chacun, car je peux me placer derrière chaque élève. Les élèves apprécient et sont dans un état d’esprit différent. Ils communiquent davantage, pour papoter (un peu ; c’est le bémol de cette organisation) et pour s’entraider (beaucoup, ça c’est bien). Ils ne sont plus forcément face au tableau, qui n’est plus le point de convergence de la salle.

Bilan : très positif, je garde. J’ai commandé par mon établissement des lecteurs MP3 pour enregistrer les phases de recherche par groupe, de façon à m’appuyer plus encore sur ces échanges, les évaluer, les réutiliser avec les élèves, et aussi vérifier que tout le monde bosse. On verra plus tard pour des tablettes.

- on change les évaluations :
Lors des évaluations, les élèves n’avaient pas tous le même travail à faire. Cela dépendait du niveau observé, de leurs difficultés sur les thèmes évalués. Certains élèves avaient même des contenus de cours différents, allégés ou adaptés à des handicaps (avec l’accord des familles et de mon administration). De ce fait, une même note pour deux élèves ne signifiait évidemment pas la même chose. Cela n’a posé aucun problème auprès des élèves ou de leurs parents, et j’étais en mesure d’expliquer à chacun où en était précisément l’enfant dans ses acquisitions en maths.
Les objectifs ici étaient de conserver de la motivation chez les élèves en difficulté et d’encourager les élèves en réussite à aller plus loin. De différencier, tout « simplement ».

Bilan : le dispositif est gérable : le surcroît de travail est important au début, puis s’atténue. Pour les élèves, c’est très positif. Je pense avoir « récupéré » plusieurs élèves qui auraient décroché en maths. Je garde donc, mais en allant plus loin.

- on change les heures de cours :
Les élèves écrivaient déjà de moins en moins de leçon, mais cette année, ils en ont écrit encore beaucoup moins. La trace écrite est souvent sur la base d’une fiche à compléter ensemble. Nous cherchons toujours beaucoup d’exercices en classe, je donne toujours des exercices à faire à la maison d’une séance sur l’autre, mais surtout, nous manipulons : les équations avec une balance de Roberval, les relatifs avec de grandes règles en bois et des marqueurs, les parallélogrammes avec de vrais parallélogrammes dans les mains, qui bougent et tout, etc. Alors oui, nous avons parfois passé une heure à manipuler, à chercher, à discuter de tel ou tel objet mathématique, mais au final c’est vraiment très efficace.

       





Bilan : très bien, je garde !

- on prévoit de gérer l’imprévu…
J’avais dans ma musette, les années précédentes, quelques exercices ou travaux à donner aux élèves qui allaient plus vite que les autres, ou en grande difficulté. Cette année, j’ai décidé d’aller plus loin : dans mon placard, j’ai une « pile culture » et une « pile aller plus loin ». La première aborde des notions de maths sous l’angle historique, sociologique, technologique. L’autre propose des approfondissements et des prolongements. Les deux sont en libre service, à partir du moment où l’élève a terminé le travail demandé et l’a accompli correctement, et à condition que l’élève me rende son travail. J’ai aussi six classeurs d’activités adaptées à différents types de difficultés, pour les élèves qui coincent, ou pour les élèves dyspraxiques, dyslexiques, autistes, etc. Au fil de l’année, j’ai ramené des romans mathématiques, des BD mathématiques, des magazines scientifiques, des manuels du 19ème siècle. Un seul mot d’ordre : dans ma classe, on apprend. Mais on peut apprendre de plein de façons possibles.

Bilan : encore très positif. J’ai demandé une grande étagère pour stocker mes piles d’activités, mes livres et mes jeux. Je garde et je développe.

- on s’inspire des bonnes idées
J’ai beaucoup lu d’ouvrages, d’articles, de pages internet. Sur les maths, leur enseignement, leur actualité, la didactique, la pédagogie, l’adolescence, le cognitif. J’ai empilé des tas d’informations. J’ai aussi animé beaucoup de formations, ce qui m’a permis de rencontrer des collègues très enrichissants. Et surtout, j’ai un atout : mon mari. Il est prof (pas du tout de maths), curieux, ose des expérimentations et se renouvelle sans cesse. Forcément, ça donne envie de se lancer aussi. En plus, il maintient une veille pédagogique sur internet très, très efficace. Et il repère aussi tout ce qui peut m’intéresser. Et là, sur mes projets pour l’année à venir, nous avons travaillé tous les deux des heures chaque jour… Ce qui pour moi est encourageant et dynamisant. Il m’a aussi donné l’envie de tenir ce blog, ce qui m’apporte beaucoup, en terme de culture, d’énergie.

Bilan : évidemment positif ! Elaborer des projets c’est bien, mais en discuter est indispensable. J’ai juste dû m’acheter une relieuse et ranger ma cave pour pouvoir rationnaliser et stocker toute la littérature qui m’intéresse.

lundi 7 juillet 2014

De la difficulté de faire des projets dans l'EducNat

Avant-dernier jour de classe, 8 heures, mon chef d'établissement m'apprend que la nouvelle collègue mutée dans mon établissement n'est pas en mesure d'effectuer le complément de service dans le collège d'à-côté, et qu'il me revient donc. Je ferai 10 heures dans mon établissement, 5 heures dans le collège voisin et 4 heures à l'ESPE.

Avant-dernier-jour de classe, 9 heures, 10 heures, 11 heures, ça doit déjà fait trois collègues qui me répètent " alors tu vois, on se fout de toi, là, c'est une honte, j'espère que tu vas laisser tomber tes projets du coup, hein, tu ne vas pas les faire ? " ou bien " Tu vas laisser tomber tes clubs, au moins ?", ou encore "Ca t'apprendra à en faire autant, tu vois, tu devrais faire comme moi, ça fait bien longtemps qu'ils m'ont dégoûté.". Je craque, j'explose, boum. Mes copines me consolent, me remontent le moral et me secouent. Ok, merci les filles, ça va mieux, je repars.

Avant-dernier jour de classe, 14 heures, j'appelle le rectorat pour en savoir plus et râler. Je n'obtiens aucune réponse, ni même un interlocuteur au courant de quoi que ce soit. En revanche, une fort aimable dame compatit et me demande si je souhaite les coordonnées de la cellule de soutien psychologique. Non merci madame, ça va aller. Même si la surprise n'est pas agréable, un complément de service, ce n'est pas la fin du monde.

Dernier jour de classe, midi, mon chef d'établissement m'annonce que le collège d'à-côté, ça ne va pas être possible, car ils demandent plus d'heures que prévu. Bon. Je vais où alors ? Aucune idée. Là-bas s'ils reviennent sur la quotité horaire, ou dans un autre collège, ou dans un lycée, ou bien je reste dans mon établissement si le rectorat accepte de revenir sur la décision de complément de service. Car nous avons plus d'heures supplémentaire à nous répartir que d'heures à faire à l'extérieur. Mais ça, tout le monde le savait au moment de la décision de nous donner un complément de service... En attendant, je saurai peut-être en août où je vais, ou sinon ... à la prérentrée.
Dernier jour de classe, 15h30. Je remplis l'ascenseur de tout le bazar que je ramène chez moi pour l'été. L'ambiance est étrange : beaucoup d'élèves sont en larmes, parce qu'ils se séparent de leurs amis. Moi, je me demande ce que septembre me réserve. Et puis je repense à la fleur en poterie, à tous les chocolats, toutes les fleurs, tous les dessins, les petits mots et les coeurs découpés que mes élèves m'ont donnés ces derniers jours, à leurs "merci madame pour cette année !", aux paroles de parents qui m'ont émue.

Du plaisir à enseigner, évidemment que j'en trouverai, ici ou ailleurs, même si je préfèrerais que ce soit ici, parce que c'est un établissement que j'aime bien, avec des tas d'élèves que j'aime bien, et que ce serait plus pratique. Mais on verra bien, et pas question de me gâcher du temps. En attendant, je vais me consacrer à ma famille, faire des confitures, me promener, profiter, et ... préparer mes projets !

mardi 1 juillet 2014

Jean-Eudes aussi a une carte scolaire

A lire ici, l'actualité de Jean-Eudes.

J'espère que tu continueras ton blog, Jean-Eudes, même si effectivement ton quotidien va changer ...

bac, brevet et frustrations

Je reviens de la correction du brevet. J'ai moult fois corrigé le bac, mais le brevet, c'était une première pour moi. Je n'en dirai rien, car ce qui se passe dans les jurys est confidentiel. Mais ce qui m'a frappée aujourd'hui est le professionnalisme des collègues et comme il était simple et agréable de travailler avec eux. En tout cas, je suis rincée. Corriger une épreuve telle que le brevet ou le bac, c'est épuisant. On réfléchit, on confronte les points de vue, on compare pour s'assurer qu'on a été juste, on compte en ligne, en colonne, et plusieurs fois, pour être sûr de ne pas s'être trompé.
Le titre de mon article ne fait donc pas référence à moi. Je ne suis pas frustrée du tout par ma journée de travail, intense mais productive et intéressante. Je parle de la frustration "des gens" à l'issue des épreuves de mathématiques de bac et de brevet.

Quelques extraits lus dans les médias :

Sur le site de RTL :
L'article est assorti de témoignages hautement constructifs :
"On va (encore) se prendre cher", a pour sa part pronostiqué Sacha Nowak ;
"Toute l'année t'as des cubes et la au bac ils te mettent un tétraèdre régulier isocèle rectangle en A coupé par un plan!" nous explique @Niglo
@Daarrky prétend que "sur ton CV tu dis que t'as eu ton bac S session 2014 t'as le job direct"

C'est vrai, se moquer est un peu facile. Les journalistes de RTL auraient alors pu chercher des commentaires plus élaborés et mieux argumentés. 

Car entendons-nous bien, je comprends que tous ces jeunes gens s'inquiètent. Et lorsqu'on a l'impression de ne pas avoir réussi une épreuve, le plus simple est de la critiquer et de se rebeller. Ainsi, on garde la tête haute et ce n'est pas "de sa faute", notion chère à nos adolescents. Avec internet, la "rébellion" prend évidemment de l'ampleur rapidement.

Sur Le Monde.fr :

Sur avaaz.org

Là, on plonge dans le poujadisme avec allégresse : attention mesdames et messieurs, les résultats du bac S vont passer de 92,5% à moins de 50%. Brrrrrr...

Sur le Point.fr :

Pour le brevet, quelques réactions similaires. Sur le site de TF1 :

Alors qu'en est-il ?
Pour le brevet, tant que les résultats académiques et nationaux ne sont pas tombés, et vu que je fais partie des correcteurs, je me tais. J'y reviendrai en temps et en heure. 

Pour le bac, difficile de juger vraiment pour moi qui enseigne au collège depuis trois ans maintenant, même si j'ai aidé quelques élèves de TS cette année. Le sujet était probablement déroutant, en effet. J'ai bien conscience qu'en étant ni enseignante en S, ni maman d'un candidat, je réfléchis différemment. Mais que veut-on au juste ? Eduquer des jeunes à réfléchir par eux-mêmes, s'adapter à des situations nouvelles (mais dans le cadre des programmes officiels). On se plaint sans cesse que le niveau baisse. Et quand on propose une réelle réflexion, quand une épreuve ne relève pas de la répétition et du réflexe, on se fâche.
A mon sens, l'épreuve de maths de bac S est plus difficile que lorsque je l'ai passée, en 1991. Nous savions assez précisément sur quoi nous "tomberions". Si nous avions bien bachoté, nous réussissions, même sans talent particulier pour l'exercice des mathématiques. Aujourd'hui, non. On demande aux candidats bien plus d'autonomie, de créativité, de capacités d'analyse. Est-ce un mal ? D'ailleurs, faut-il forcément réussir l'épreuve de maths en S pour avoir son bac ? Non. Mieux vaut ne pas complètement la louper, bien entendu. Mais le bac ne s'obtient pas que sur les maths. Un exercice (qui parle de tétraèdre, par exemple) ne va donc pas mettre en péril le bac d'un candidat.

Jean-Paul Brighelli livre un point de vue qui a le mérite de se distinguer, dans Le Point.fr (je ne le cite pas dans son intégralité). C'est un chouillat provocateur et violent, mais ...

Le bac S est passé par 176 730 élèves cette année. Les protestataires représentent, en gros, un peu moins du tiers de ce total. C'est dire que près de 50 000 élèves de terminale S n'avaient rien à faire dans une filière censée ouvrir sur des études scientifiques. (... ) Le bac S est la solution par défaut. Et "défaut", cette fois, est bien le terme.

"Le sujet est tout à fait conforme au programme", affirme Pierre Fleury, professeur de mathématiques dans l'académie d'Amiens et membre du Snalc. Il reconnaît "quelques éléments qui ont pu surprendre les élèves", mais ne juge pas le sujet particulièrement "traître". "C'est un niveau de terminale S, pas d'entrée en sixième !", ajoute l'enseignant. Un point de vue confirmé par l'association des professeurs de mathématiques, qui juge le sujet "équilibré".

J'ai demandé son avis à un prof de maths au lycée Thiers de Marseille. Je recopie textuellement sa réponse :
"
Franchement, je ne vois là que du standard et absolument rien de tordu. À force d'infantiliser les gens en leur donnant des sujets prédigérés pour lesquels ils n'ont plus du tout besoin de réfléchir, les sujets ordinaires finissent par paraître difficiles. Il suffit alors que quelques-uns se mettent à lancer la polémique et surtout que nos chers médias s'en mêlent, et en avant la musique. Ce qui me navre le plus, c'est que cette dégringolade, parce qu'elle a été entamée depuis plusieurs années (plus d'une vingtaine), est un phénomène bourré d'inertie. Autrement dit, je parie que la dégringolade est loin d'être finie."

(...) Il faut, à mon avis, supprimer ce grand mensonge qu'est devenu l'examen terminal du système secondaire - à condition de laisser toutes les formations du supérieur libres de choisir sur dossier leurs étudiants. Des années que l'on ment aux élèves, à leurs parents, aux médias, à tout le monde. Droite et gauche confondues.

Rassurons les 40 000 feignasses protestataires et leurs parents : vous aurez le bac, on vous le donnera, quitte à survaloriser les questions les plus faciles, ou à noter sur 26, comme on l'a fait il y a deux ans. Et vous vous engouffrerez dans un système universitaire exsangue, dans lequel vous pourrez tout à loisir étaler votre incompétence. Pas longtemps, à vrai dire : en fac de sciences, comme en médecine, vous serez liquidés dans l'année. Alors seulement vous vous demanderez si les enseignants un peu exigeants (il en reste) que vous critiquiez si fort n'avaient pas raison de vous pousser à travailler davantage, alors même que vous veniez au lycée comme on va faire ses emplettes.