Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

dimanche 22 janvier 2017

Ca déménage !

Allez hop, mon blog prend ses cliques et ses claques et il s'en va. Vous le retrouverez dorénavant ici, à cette adresse : https://clairelommeblog.wordpress.com
Migrer va m'offrir quelques nouvelles possibilités, et un dépoussiérage. Alors en route !


vendredi 20 janvier 2017

Qu'est-ce qu'être compétent aujourd'hui en mathématiques ?

Aujourd'hui, six compétences majeures définissent nos priorités dans l'enseignement des mathématiques. Mais en discutant aujourd'hui avec un collègue, je me suis aperçue comme ces "étiquettes" peuvent être difficiles à appréhender dans toute leur complexité et dans leurs subtilités.

Quelles sont ces six compétences, tout d'abord ?

La mise en œuvre des programmes à chaque niveau doit permettre, dans la continuité des cycles précédents, d’assurer la poursuite du développement de ces six compétences. Chacune des six compétences est associée à un ou plusieurs domaines du socle.

Voici une nouvelle version de ma vision de ces six compétences. J'essaie d'alléger toujours plus, de synthétiser pour plus de clarté (même si en ce qui me concerne, j'aime bien l'exhaustivité). Ma contrainte : pas plus de quatre lignes par compétence.
  • Chercher
Chercher, c'est d'abord se lancer dans l'activité mathématique : s’engager dans une démarche, observer, questionner, manipuler, expérimenter, émettre des hypothèses, tester. Cela suppose donc aussi de  relever et d'organiser (à sa façon) les informations nécessaires à réalisation de la tâche, quel que soit le support (lu, vu, entendu).

  • Modéliser
Modéliser, c'est reconnaître les mathématiques quand on les croise : comparer une situation à un modèle connu, valider ou invalider un modèle. Par exemple, identifier qu'une situation relève de la proportionnalité, choisir la bonne opération pour résoudre un problème, comprendre une simulation, faire appel à des propriétés (numériques, géométriques) adaptées.

  • Représenter 
Représenter, c'est donner une image, une forme adaptée à des objets mathématiques, à des situations, et maitriser cette forme. Cela renvoie à l'élaboration et l'interprétation de dessins, figures, courbes de niveaux, séries statistiques, diagrammes et compagnie, mais aussi à l'usage des parenthèses, de la fraction et du nombre décimal, des codages, aux changements de registres et de cadres.

  • Raisonner 
Raisonner, c'est mettre en marche sa machine penser de façon structurée et focalisée : résoudre des problèmes, argumenter, démontrer, justifier, analyser et exploiter ses erreurs, et le tout seul et collectivement. L'exercice de la logique en fait donc partie.

  • Calculer 
Calculer est une compétence aussi riche et diverse que les autres : calculer se fait mentalement, en ligne ou en posant, de façon instrumentée, avec tous types de nombres et en langage algébrique. Calculer comprend aussi la manipulation des valeurs approchées, des ordres de grandeur, la vérification de la vraisemblance des résultats, les comparaisons, les encadrements.
  • Communiquer 
Communiquer, c'est s'expliquer de façon intelligible, précise, en ayant assimilé les spécificités du langage mathématique par rapport à la langue française. On communique de multiples façons : à l'écrit, à l'oral, en s'appuyant sur le vocabulaire, les notations adéquates, avec l'appui d'algorithmes, de tableaux, etc.  C'est aussi échanger : s'expliquer, comprendre autrui, argumenter.


lundi 16 janvier 2017

Navadra, encore plus haut, encore plus loin !

Navadra continue de se développer, et c'est en particulier en direction des enseignants : en étant identifié en tant qu'enseignant, vous pouvez aller consulter les performances de vos élèves et leur évolution. J'ai demandé à Michel si il était possible de joindre à ces information le niveau des élèves : j'aimerais pouvoir allouer des XP aux élèves en fonction demeure niveau, en tant qu'activité facultative. Et comme d'habitude, Michel m'a dit qu'il allait s'en occuper. (il est trop fort)


Autre nouveauté : la possibilité d'obtenir un code qui permet, dans un temps donné, de faire jouer les élèves en débloquant éventuellement des monstres plus longtemps. C'est donc parfaitement calibré pour mon club maths, et je vais donc m'organiser ça pour dans pas longtemps. Je pense que je vais devoir prendre les inscriptions, sans quoi cela va poser problème. J'imagine les enfants avalant leur déjeuner pour être sûrs d'avoir de la place au club, s'élançant dans les couloirs à fond de train... Aïe aïe aïe !

La suite des tonneaux : il n'y a pas que les anciens qui sont sages

J'écrivais hier que j'allais montrer à mes élèves de 6ème et de 5ème la vidéo de la petite histoire de France sur les petits tonneaux qui ne boivent pas d'eau (ici). C'est chose faite. L'activité aura duré en tout un quart d'heure.

D'abord, j'ai donné les consignes : vous allez voir une vidéo, elle est issue d'une série humoristique et il va falloir vous concentrer sur le contenu. A l'issue de la vidéo, j'aurai plusieurs question : quel problème rencontre le tavernier, que proposent les personnages, qu'en pensez-vous et quel est le lien avec les mathématiques ? Et les élèves ont regardé la vidéo.

Premier constat : mes élèves commencent à être féru de l'exercice. Ils savent se concentrer, ne pas se laisser (trop) disperser par l'aspect drôle ou fantaisiste. Dans les deux classes, les élèves m'ont expliqué ce qu'ils ont vu. C'est là que déjà, c'est intéressant. 
J'ai eu surtout des propositions justes. Mais pas seulement. par exemple, j'ai entendu :
" Le monsieur, il cherche son tonneau " ;
" Le monsieur, il remplit des verres à partir de son tonneau ".
Les élèves qui m'ont proposé cela ne sont pas bêtes du tout. Ils sont tout aussi intelligents que leurs camarades. Mais ils ont sans doute des difficultés à focaliser leur attention, à se concentrer ou, plus probablement encore, des difficultés de lexique et de compréhension orale, dans un cadre où l'action est rapide. Ces difficultés les empêchent d'appréhender de façon juste une situation complexe. Alors, comme ils veulent bien faire, ils s'accrochent à un mot, une image qui a du sens pour eux. Ici, le tonneau mot qui revient un grand nombre de fois dans la vidéo.
Pour remédier, j'ai demandé "Qu'est-ce qu'un tonneau ?" puis "As-tu vu un tonneau, dans la vidéo ?", et enfin "Mais tu as raison, il est question de tonneau... A quel moment, en fait ?".

Ca, pour moi, c'était la partie accompagnement perso : nous avons travaillé le geste d'attention, de concentration, et la compétence "extraire l'information utile".

Ensuite, une fois tout le monde d'accord sur la description, j'ai demandé aux élèves ce qu'ils pensaient de la méthode du tavernier. Les points de vue ont été partagés :
- Il n'est pas précis, mais c'est quand même une méthode qui s'explique ;
- C'est n'importe quoi, parce que même si il parle à la même vitesse, il ne doit pas pencher la bouteille de la même façon / C'est n'importe quoi, parce que même si il parle à la même vitesse, la bouteille n'est pas remplie de la même façon et donc le débit est différent ;
- Ca dépend de la taille de son tonneau, et on ne le voit pas, alors on ne peut pas savoir.

J'étais bien contente de ces réponses : les élèves ont échangé rapidement et se sont mis d'accord. Il ont reformulé encore une fois la méthode du tavernier à ceux de la troisième catégorie, et hop, on était tous d'accord. Mais comme quoi, ce n'était pas si évident.

Ensuite, j'ai posé la question de la méthode de l'épouse du tavernier. Là, tout le monde était d'emblée d'accord, pour expliquer sa démarche et son erreur, puisque nous en avions parlé juste avant. Personne ne s'est moqué d'elle, et cela m'a plu. Mes élèves sont restés dans l'analyse et l'explication.

Enfin, j'ai demandé ce que tout cela avait à voir avec les maths. Mes élèves ont percuté très rapidement, et sans mon aide, sur la proportionnalité, et ont exprimé ce qui était proportionnel à quoi dans l'esprit du tavernier. Et puis nous avons réhabilité ce pauvre garçon qui se fait "casser" alors que sa méthode est sans doute plus "rationnelle" (au passage, nous avons discuté de la signification de cet ignoble fourre-tout qu'est le mot "rigoureux"). Mais comme l'ont fait remarquer mes élèves, encore faut-il qu'il décide jusqu'où remplir le verre doseur, et "s'il le remplit à ras-bord, ça ne va pas être pratique pour renverser". Mes sixièmes ont du coup réfléchi à des tas de conseils à donner au tavernier : dessiner un trait "repère" sur les verres, placer un verre de référence, plus bas, derrière les verres à remplir, pour s'arrêter par transparence, ... Ils en ont, des idées !

dimanche 15 janvier 2017

Plan de séquence

lego et ag reduc

Mathémapizza

Un ami m'a envoyée voir une vidéo sur le site Intersting Engineering. Il s'agit d'une méthode qui permet de couper une pizza en un nombre de parts variables (tout se ramène à 12, ce qui peut permettre de servir deux, trois, quatre, six ou douze personnes) avec la contrainte suivante : les parts ne se rejoignent pas au centre de la pizza, et sont de même surface.


L'idée est rigolote, le découpage joli (à la fin on peut visualiser comment faire de belles formes avec ses bouts de pizza...). Il y a là de la symétrie axiale, au moins, et permettrait de parler d'hexagone régulier, même si ce n'est plus en vogue. Cela doit pouvoir être exploité en classe ; je vais réfléchir.

La sagesse des anciens, ça se mesure en tonneaux

Demain, nous allons, en sixième et peut-être en cinquième, regarder cette vidéo :


Je ne dis rien de plus pour l'instant, car un nombre assez important de mes élèves vient se promener ici régulièrement. Alors chut sur mes objectifs pour le moment, même si c'est assez clair...
Et je reviens demain avec un petit bilan !

mercredi 11 janvier 2017

Le Monde orthographe

Ma maman m'a signalé l'existence du Monde orthographe. Il s'agit d'une sorte de petit programme qui vise à améliorer son expression écrite (conjugaison, orthographe, grammaire, syntaxe et expression écrite). Chaque jour on reçoit un mail qui renvoie à des exercices simples, qui s'appuient sur des supports fantaisistes assez sympas. Pour le moment il s'agit d'une version bêta et l'essai gratuit ne dure qu'une semaine ; je me suis inscrite et je ferai un point d'ici sept jours.




Premières impressions : c'est rigolo, mais j'ai trouvé que les mots ou expressions à écrire étaient parfois trop dans le champ du piège : au temps pour moi ou étant donné, par exemple. En revanche j'ai trouvé bien calibrée la partie conjugaison, avec l'insistance sur infinitif, impératif et participe passé qui fait si cruellement défaut à beaucoup de jeunes (et de moins jeunes ?). Le principe de sessions courtes, de supports variés et de réactivation est évidemment une bonne chose.

En tout cas, je continue demain : c'est rapide et attractif. Et je vais le conseiller à un de mes étudiants, qui souffre dans le domaine de l'écrit.

Des journalistes (?) et un mammouth (?)

Sur Mediapart, Amélie Hart-Hutasse et Christophe Cailloux ont publié un article, au départ fondé sur la polémique autour du livre "Et si on tuait le mammouth ?" (j'en ai parlé ici), mais qui va plus loin, et qui pourrait s'appliquer à bien d'autres domaines qu'à l'éducation d'ailleurs.

Le propos de ce billet n'est pas de commenter le livre en lui-même mais plutôt l’impressionnante machine de communication éditoriale accompagnant sa sortie. Il faut certes saluer la critique virulente et nécessaire de François Jarraud pour Le Café Pédagogique. Cependant, ce site spécialisé est largement méconnu du grand public. Si l’on parcourt les principaux quotidiens d’information, l'accueil réservé aux tueurs de mammouths balance ostensiblement entre bienveillance enthousiaste et publicité critique. "
(...) 
L'usage des citations plus ou moins longues voire de « bonnes feuilles »
dans tous ces compte-rendus enthousiastes est peut-être ce qui interroge le plus les enseignant.e.s d'histoire formés à méthode critique que nous sommes. Excepté dans l’article du Café Pédagogique, jamais les supposés constats des auteurs, ni leurs propositions ne sont questionnés par les journalistes qui les lisent ou les interviewent. Jamais les propos ne sont soumis à une critique chiffrée, sourcée. L’adhésion quasi unanime des médias majoritaires aux propos violents et profondément idéologiques d’un pamphlet manquant si profondément d’honnêteté et de rigueur, ne peut que troubler. 

Les politiques éducatives et scolaires, les débats pédagogiques, l'avenir des services publics (dont l’Éducation nationale), sont des sujets sérieux, passionnants, qui intéressent directement ou indirectement tous.tes les citoyen.ne.s. Ces enjeux méritent qu'on leur applique les méthodes journalistiques qui font la presse de qualité : enquête, vérification des faits, des chiffres, investigation, rencontre avec des acteurs.trices de terrain, etc. Il faudrait pour cela davantage de ressources humaines (y compris à Mediapart !) et une véritable indépendance financière et idéologique. "

Quantitalitatif, et secret, en plus.

Entendu aujourd'hui :
  • Le caractère de la série statistique, il est quantitalitatif.
  • Là, le caractère est quantitatif, et secret.
  • La transformation qui transforme B en D, c'est une transaction.
  • MDFB, c'est un coléoptère particulier !
  • La trigonométrie, ça me donne mal au coeur.
  • En fait un vecteur c'est comme une espèce de demi-droite, mais des deux côtés, et avec une pointe. Vous auriez dû me dire ça dès le début, j'aurais compris !
Et la dernière, parce que voir la tête des élèves était vraiment très très drôle :
{C'est l'époque des réunions parents profs ; j'ai donc rencontré des mamans et des papas}
Mon père, il a dit que vous êtes vraiment bonne, madame. {les élèves présents autour de l'auteur du compliment se figent ; mon petit élève, lui, est tout content, avec le regard parfaitement limpide. Il s'aperçoit que quelque chose est bizarre...}
Ben quoi ? je suis d'accord, moi. Vous êtes trop bonne prof.
{Soulagement collectif et simultané, tout le monde se remet à respirer}

lundi 9 janvier 2017

Moi, des nouvelles stars, j'en ai 53 !

Aujourd'hui, Canopé est venu nous filmer en classe, dans le cadre d'une assez vaste opération de collectes de pratiques diverses et variées, à l'échelle de l'académie. En résulteront des "granules" (de toutes petites vidéos) qui seront mises en ligne pour les enseignants, avec de mini-interviews d'IA-IPR et des enseignants concernés.
Hé ben c'était une sacrée expérience... Les collègues de Canopé sont vraiment extra, très adaptables et à l'écoute, et aussi très professionnels. Les élèves ont été très bien, dans l'ensemble : mention très très bien aux sixième, aussi efficaces qu'enthousiastes (après un début laborieux, le temps de se dégeler), et mention très bien pour la majorité des élèves de cinquième (mais les trois ou quatre qui ont profité du plan de classe modifié et d'un travail en autonomie pour se comporter de façon vraiment décevante, sur la fin de la séance, vont m'entendre).

Alors cette expérience appelle plusieurs remarques : 

  • Je prépare mes contenus, je réfléchis à ce que je vais dire, mais au final c'est surtout sur la parole de l'élève que je me fonde. Alors j'ai beau prévoir, je suis le sens du vent, à condition qu'il m'emmène vers une direction constructive pour ma discipline ; du coup, c'est compliqué quand on a un déroulé prévu, minuté. Evidemment, j'ai essayé de lutter et puis le naturel a repris le dessus et j'ai laissé les élèves construire la séance. Les grandes étapes ont été respectées, quand même. Mais je m'aperçois que leur parole a pris une importance considérable, primordiale dans mon enseignement. C'est mon carburant, mon garde-fou et ma matière première ;
  • J'ai ressenti aujourd'hui très fort comme j'enseigne en y mettant tout de moi : souvent, il a fallu s'interrompre pour que la caméra se déplace, pour que le micro-perche suive. Et il fallait recommencer. Alors ça, c'était terriblement difficile : d'abord, j'avais du mal à répéter ce que je venais de dire. C'était bien plus de l'instinct que du construit a priori. Ensuite, je sentais physiquement comme une perte de vitesse, un élan qui disparaissait. Je ne sais pas si je suis très claire, mais ça a été une impression surprenante ;
  • Les élèves ont incroyablement bien compris pourquoi et comment je travaille. Dans les interviews, ils sont d'une justesse, d'une lucidité et d'une profondeur qui m'a laissée pantoise. Ils sont trop forts...
J'ai enchaîné ma journée de collège sur un nouveau cours à l'université, alors je suis totalement HS, façon lessivée. C'est presque amusant de me sentir éprouvée ainsi. Je me souviens de cette impression, lorsque j'était plus jeune... Comme quoi, l'expérience, ça permet de moins se fatiguer, en osant davantage !

dimanche 8 janvier 2017

Construire un patrimoine culturel commun dans la classe

Un (excellent) collègue m'a conseillé de regarder la vidéo de la conférence « Des pratiques et des postures professionnelles qui favorisent l’accrochage scolaire » qui a eu lieu en 2014, lors d'une journée académique de formation sur le décrochage dans l'académie de Versailles. Serge Boimare, psychologue clinicien, psychopédagogue, avait, pour sa part, changé le titre en "Pourquoi le collège va-t-il faire de Kevin un décrocheur", ou, pour ceux qui préfèrent, "comment le collège pourrait-il faire pour éviter de faire de Kevin un décrocheur ?"

Serge Boimare part du cas d’un élève, Kévin, qu’il suit en tant que psychologue et psychopédagogue. 

Première partie : le constat 
Kévin est en sixième. Il pose des problèmes en classe, qui consistent en une fuite du temps suspensif de la réflexion. Il sabote lui-même le temps d’élaboration de sa réflexion, pour ne pas risquer de rencontrer les contraintes de l’apprentissage. Ces contraintes le déstabilisent. Face à elles, il a plusieurs stratégies : 
  • des troubles du comportement (Kévin a été identifié médicalement comme hyperactif, mais est-ce si sûr ?). Evidemment, ses frasques fatiguent les enseignants et perturbent plus ou moins les camarades de Kévin ; 
  • l’auto-dévalorisation : de toute façon je suis nul, je ne comprendrai jamais rien, etc. 
  • Les idées de persécution, souvent exacerbées par l’adolescence. Cette persécution peut s’exprimer à l’encontre du cadre (l’école), de l’exercice (c’est bidon, c’est nul), du prof (il est ennuyeux, il est méchant, il ne m’aime pas) 
Les enseignants peuvent détecter d’autres indices de repérage, qui s’amplifieront si rien n’est mis en place de façon efficace : 
  • En cas de déception ou de conflit, le relai est trop vite passé au corps ; 
  • Le langage de Kévin n’atteint pas le stade de l’argumentaire. Or on sait depuis longtemps déjà que la corrélation entre stade du langage argumentaire et maîtrise des savoirs fondamentaux est de 90% ; 
  • La curiosité de Kévin est bien existante, mais ne décolle pas des préoccupations primaires, personnelles et infantiles. Il n’est pas concerné par la règle et l’universel. Seuls ses centres d’intérêts actuels parviennent à l’accrocher ; 
La capacité d’apprendre de Kévin est insuffisante, car elle fonctionne en association immédiate, ce qui empêche l’accès au symbolique. 

Kévin est aussi intelligent que ses camarades. Et finalement, il n’est pas forcément besoin d’aller chercher la neurologie ou la génétique pour comprendre Kévin. 

Deuxième partie : pourquoi ? 
Quelle que soit la pédagogie de l’enseignant, il va falloir passer par des temps d’apprentissage. Kévin, comme tous ses camarades, va se trouver confronté à quatre obligations pour pouvoir maîtriser les savoirs, à commencer par les savoirs fondamentaux : 
  • Accepter ses propres manques et les reconnaître 
  • Savoir attendre 
  • Etre capable de respecter les règles 
  • Etre capable de supporter un peu de solitude 
Ces quatre manques, incontournables dans l’apprentissage, correspondent pratiquement à l’inverse de ce à quoi Kévin a été préparé en famille. D’où un choc de cultures, des émotions excessives, des sentiments parasites, des peurs qui perturbent le fonctionnement intellectuel et empêchent de penser. 

Troisième partie : que faire ? 

La première idée peut être de proposer à Kévin un soutien de type PPRE. Mais c’est une fausse bonne idée, malgré l’individualisation : Kévin risque de cultiver sa résistance aux contraintes de l’apprentissage et de renforcer ses stratégies d’empêchement de penser. 
A la place, il faut chercher avant tout à créer une cohésion de groupe, avec toute la classe, en donnant un projet commun qui mobilisera tous les élèves, y compris les plus faibles. La voilà, la construction d’un patrimoine culturel connu, qui donnera du sens aux savoirs, créera des liens entre disciplines et ne marginalisera pas les plus faibles. Cerise sur le gâteau : non, cela ne ralentira pas l’avancée des programmes, et non, cela ne freinera pas les élèves en réussite, car les besoins visés sont aussi des besoins des meilleurs. Et il n’y a pas non plus là de perte d’autorité ou d’abaissement des exigences, comme ont tendance à le répéter les nostalgiques de l’école d’autrefois. 
Il faut donc remettre en route la machine à penser. Pour cela, ne nous laissons ni faire, ni influencer par les politiques qui nous parlent de pédagogie sans savoir. Proposer de la méthodo ne suffira pas. Il faut s’attaquer au problème de fond, en répondant à trois besoins essentiels : 
  • Apprendre à écouter : Kévin ne sait pas faire d’images avec les mots qu’il entend ou qu’il lit. Il se jette sur le premier mot qu’il comprend et résume tout à ce mot là. Il faut l’entrainer à faire de l’image dans sa tête ; 
  • Apprendre à parler : enchainer des arguments, s’appuyer sur la parole de l’autre, questionner, produire des exemples, etc. La pensée se construit et se structure avec le langage ; on doit donc entraîner Kévin et ses camarades à communiquer et argumenter. 
  • Pouvoir occuper une position active et participative dans la classe, ce qui va permettre de s’intégrer à un groupe qui apprend. 
En terme de méthodologie, il nous faut, à nous enseignants, utiliser ces deux outils formidables que sont le langage et la culture. En utilisant les textes qui sont liés ou préconisés par les programmes (et cela peut se faire dans toutes les disciplines), commençons par lire à haute voix des textes aux élèves. C’est un tremplin pour entrainer à l’écoute puis à l’argumentation : suit un débat à l’oral, puis une argumentation à l’écrit, en partant d’un sujet de débat amené par le texte lu. Serge Boimare propose de s’appuyer sur le français et l’histoire-géo, mais je pense que tout le monde peut participer à ce projet, éventuellement en fractionnant. L’objectif est de consacrer une heure par jour à la lecture-débat-argumentation. On enrichit ainsi les représentations, on les sécurise et on rend les élèves disponibles pour les apprentissages, en donnant du sens et de l’intérêt. 
Les élèves seront interpellés dans leurs croyances et leurs préjugés ; or Kévin en a beaucoup, des croyances et des préjugés. Il va s’équiper de mots, pour exprimer ses sentiments, ses peurs. 

Les enseignants aussi y gagneront ; communiquer ensemble, avec le groupe classe, est indispensable, sans la rencontre avec les empêchés de penser qui est terrible et présente un risque réel de contagion. Par ailleurs, simplifier et appauvrir en permanence ses contenus et son langage, tout en se faisant contester, est impossible à vivre correctement… D’où la nécessité d’une réflexion pédagogique collective régulière, comme en REP+ actuellement. 

Il y aurait là matière à une chouette expérimentation en équipe… 

Les Dudu, remarquables comme les polygones.

Les Dudu ont mis en ligne un nouveau petit outil de leur invention, qui tombe pile poil bien pour mes élèves de sixième... Il s'agit d'une appli qui fait chercher des polygones particuliers sur un quadrillage. Il s’agit de relier les points pour trouver la figure demandée, sachant qu'il n’y a qu’une solution possible. Certains puzzles sont simples d’autres un peu plus complexes. Les figures travaillées sont : le parallélogramme, le losange, le rectangle, le carré, le trapèze, le triangle rectangle, le triangle isocèle, le triangle rectangle et isocèle.Comme d'habitude, c'est nickel. Simple, efficace, gradué. 

Alors messages à mes élèves de sixième : allez donc voir ici. Vous allez réviser agréablement, et cela préparera très bien notre travail de demain. Et ceux qui seront allés voir et auront testé, venez m'en parler : vous aurez un petit bonus d'XP.

samedi 7 janvier 2017

Alors, on en fait quoi, de ce mammouth ?

Un livre est récemment sorti, qui fait un joli buzz : Et si on tuait le mammouth ? Le titre fleure bon la provoc, et l'objectif est atteint, puisqu'il est fort difficile de se le procurer : je ne l'ai pas encore trouvé disponible à la vente. Je vais donc me livrer à un exercice certes commun, mais qui ne l'est pas pour moi : parler d'un livre que je n'ai pas (encore) lu.

Un des auteurs est Bernard Toulemonde. Agrégé de droit en 1976, il a été surveillant d'externat, assistant à la faculté de droit, professeur de droit public, chargé de l'éducation au ministère par Pierre Mauroy, directeur des affaires générales au ministère de l'éducation nationale, recteur de Montpellier puis de Toulouse, membre du cabinet de Jack Lang à l'Education nationale, inspecteur général puis directeur de l'enseignement scolaire.
L'autre auteur, Soazig Le Nevé, est journaliste à la rédaction d'Acteurs publics.

Laissons donc les points de vue, divergents, s'exprimer :

Le Café Pédagogique écrit, sous la plume de François Jarraud :
"C'est bien à un assassinat en règle que nous invitent Bernard Toulemonde et Soazig Le Nevé dans un petit livre qui débite le mammouth avec délectation. (...) Dans le carnage promis par B Toulemonde, le mammouth ne meurt pas seul. Les professeurs et leurs syndicats sont poussés eux aussi dans la tombe, tout comme d'autres catégories, les bacheliers professionnels par exemple. (...)
Le programme que propose B Toulemonde, le voilà. C'est la fragmentation de l'Education nationale livrée à ses cadres locaux dans un objectif de performance y compris financière. Car pour B Toulemonde , il faut baisser les investissements éducatifs. "A quoi servent les moyens supplémentaire que l'on donne sans cesse au système éducatif ? A faire progresser toujours plus les élèves ? Tout démontre qu'ils permettent surtout d'améliorer la situation des personnels sans que les résultats des élèves s'en trouvent favorisés". (...)
Là on passe du coté le plus sombre du livre. La revanche de B Toulemonde c'est sans doute celle des cadres sur les enseignants et les syndicats, deux forces d'opposition insupportable à un encadrement toujours qualifié positivement. (...) Il s'insurge contre les heures supplémentaires non faites (comprenez les HSA), les heures des professeurs d'EPS, les maitres surnuméraires, les agrégés nommées en collège, la liberté pédagogique et les droits syndicaux comme l'heure d'information syndicale. Paradoxalement les enseignants sont perçus comme des ennemis de l'éducation nationale et non comme ses supports. L'ouvrage recommande de les faire travailler 35 heures par semaine, ce qui évidemment résout la question des effectifs et du budget. (...)
En fin d'ouvrage, 17 recommandations résument la pensée de l'auteur. On y trouve le profilage des postes des enseignants, la suppression des grilles d 'avancement remplacées par une évaluation du mérite, la fermeture de la Direction des ressources humaines du ministère, le transfert du professionnel et de l'enseignement agricole aux régions, etc."


Bon, il faut vraiment que je le lise. Je ne suis pas d'accord avec tout, loin de là, mais je ne suis pas non plus en opposition avec tout...

Dans l'obs, autre vision du livre. L'article est surtout une suite de citations :
"Tout ce qui fait débat est mis à plat : la fameuse baisse du niveau ? Elle est avérée. L’égalité entre les enseignants, entre les établissements, entre les filières de formation…? Une fiction. L’action ministérielle ? Une illusion. Le mammouth est difficile à bouger, du fait de syndicats, "ces machines à dire non" qui intimident le pouvoir. En réalité, régie par les règles non dites de l’égoïsme, de la prudence et des intérêts bien compris, l’école sert d’abord les nantis. Et tant pis pour la population scolaire qui aurait vraiment besoin d’être accompagnée. Pourtant, les solutions existent. Il leur faudrait juste rencontrer un peu de courage politique. Il y a peut-être du vrai dans toutes ces raisons, mais elles permettent aussi de se défausser facilement : ce n’est jamais la faute de ceux qui enseignent – et on sait que les enseignants eux-mêmes ne font pas réellement l’objet d’une évaluation de leur travail ! Or il existe bel et bien des profs incompétents, assumons le fait de le dire."

Okééé. J'ai eu plus envie de le lire par l'article négatif du Café Péda, en fait. D'une part parce qu'au moins l'ouvrage est décrit, mais aussi parce que dans l'Obs, la tentation baffe-au-prof est assez peu nuancée.

Il y a aussi Le Mammouthologue, dans un genre encore différent (et avec des échanges de commentaires dynamiques ) :
" Quel que soit son appartenance politique, le futur locataire de la Rue de Grenelle trouvera dans ce livre une peinture crue et sans tabou de l’Education nationale : les renoncements des différents ministres de Lionel Jospin à Najat Vallaud Belkacem et les coulisses peu reluisantes des politiques éducatives, les compromissions avec les syndicats, les assauts des lobbys en tous genre, la gabegie financière au détriment d’une amélioration du niveau des élèves, les incessants effets de yoyo d’une politique sans changement en profondeur des modes de gouvernance du système… pour le plus grand bien de l’enseignement privé. Ainsi déniaisé, le ou la prochaine ministre aura soit à cœur de s’attaquer une bonne fois pour toutes au « mammouth » pour l’intérêt des élèves, ... ou de prendre ses jambes à son cou tant la tâche s’avère difficile.
Le livre se propose en effet non pas de réformer mais de tuer le « mammouth ». A ce titre, il faut alors voir comme un excellent signe les attaques dont l’ouvrage fait l’objet depuis quelques jours sur les réseaux sociaux ou sur le site militant du Café pédagogique ! Car le mammouth tremble. Le livre a en effet de quoi déranger certains syndicalistes quand il relate quelques épisodes bien connus des observateurs de l’école. (...)
Le livre rappelle aussi la politique de privilèges accordée à bas bruit à certaines catégories de personnels. « A Paris, on bat des records de privilèges indus aux frais du contribuable. Les directeurs d’école bénéficient tous d’une décharge totale de service alors que leurs collègues de France et de Navarre n’y ont droit qu’à partir de 14 classes ! De même tous les instituteurs y sont assistés (remplacés ?) par des maîtres rémunérés par la Ville de Paris pendant six heures par semaine, soit le quart de leurs heures de classe ». (...)
L’ouvrage ne se contente pas de décrire les dysfonctionnements du système et d’en analyser les causes, il propose des solutions : l’autonomie des établissements, régionalisation du recrutement des profs, statut des écoles primaires, publication des résultats des établissements scolaires et publication de leurs résultats, définition des heures de service en heures de présence dans les établissements, lancement d’un plan de création de bureaux et salles de travail, transfert aux régions volontaires des formations professionnelles et agricoles, notamment.
Les solutions sont doublées d’une méthode d’action : surtout pas de grande loi mais un cap clairement fixé et « une volonté de fer » pour des « décisions ultrarapides dans les quelques semaines qui suivent les élections », « confiance au terrain mais point trop aux syndicats (la preuve est faite, peu tiennent parole) ».
Outre le caractère extrêmement bien documenté de l’ouvrage, sa force tient à son humour. Les auteurs savent rendre limpides voire amusantes le décryptage des rapports annuels de performances ou les plus arides documents budgétaires. On sent à la fois l’expertise et la technicité de la journaliste Soazig Le Nevé mais aussi la clairvoyance de « vieux renard de l’Education nat » de Bernard Toulemonde (qui me pardonnera cette expression), grand serviteur de l’Etat mais lucide sur toutes les absurdités dont il a été témoin et soucieux de les rendre publiques.
C’est donc et il faut le souligner, un livre courageux qui a le mérite de montrer au grand jour ce que tous ceux qui ont travaillé à l’Education savent et parfois, taisent. Indispensable."

BHL à Nanarland, avec des maths dedans...

Mon mari a attiré mon attention sur cette affiche de film :


Ce film, datant de 2009, est ainsi décrit sur Allociné : professeur de mathématiques, Régis Deloux a un jour le pouvoir de voyager dans les films où il rencontrera enfin la femme de ses rêves.


Quelqu'un l'a vu ? Parce qu'après avoir lu la critique sur Nanarland, ça ne va pas être possible. Même sous un angle sociologique. 

Alors ça, ce sont des élèves. 
Cinéma a été un échec, semble-t-il très médiatisé. Le flop a été tel que Cinéman a plongé son réalisateur dans la dépression, après qu'il a essayé de "sauver" son film en enchaînant erreur sur erreur. Par exemple (et on s'en aperçoit même dans la bande annonce), il a modifié après coup les dialogues, en post-synchronisation.


Il y eut tout de même quelques critiques positives : l'hebdomadaire Marianne (« un formidable sacrilège que ce film, qui malaxe les grands titres de cinéma et rend hommage à l'illusion ») et le Figaro (« rien ne ressemble à cette comédie d'amour déjantée, divertissante et réjouissante »), deux journaux dans lesquels a écrit Yann Moix, le réalisateur. Le film bénéficiera également d'une pleine page d'éloges dans Le Point, sous la plume de Bernard-Henri Lévy (« le spectacle le plus impressionnant qui nous soit donné de voir ces jours-ci » et même « un film qui fera date », convoquant Auguste Comte et Hegel pour appuyer son analyse) ; Yann Moix avait en fait demandé à BHL de lui écrire une bonne critique, après lui-même avoir écrit un bon article sur son film Le Jour et la Nuit, massacré par la presse.

Le film a été primé deux fois sur trois nominations lors des Gérard du cinéma 2010 : Franck Dubosc pour le Gérard du désespoir masculin et le film lui-même pour le Gérard du plus mauvais film.

vendredi 6 janvier 2017

Jolies cocottes


Aujourd'hui, nous avons travaillé, en cinquième, sur les transformations. J'ai a-do-ré. C'est vraiment une nouveauté des programmes qui me réjouit... Et je crois que nous allons pouvoir en faire des trucs très chouettes, en terme de démonstrations... Et puis là, cette activité, avec mes pajaritas préférées, s'inscrit dans un EPI.

Nous continuons lundi, et je vais utiliser l'idée d'une super-stagiaire pour induire là-dedans un peu de kinesthésie... Et puis nous ferons un Comment ça va ?, ce qui a eu l'air de réjouir les élèves. C'est vraiment une méthodologie qu'ils aiment.




jeudi 5 janvier 2017

Et un boulot de crotte, aussi

J'enseigne en collège, j'enseigne à l'ESPE, mais je suis aussi formatrice REP+, et formatrice académique.
Dans ce cadre, aujourd'hui, j'ai animé une formation sur le climat scolaire, au Havre. J'ai été mauvaise, mais bien, bien mauvaise. Je n'ai pas géré l'espace et son organisation, je n'ai pas maitrisé le temps, j'ai été en-dehors, pas assez réactive, pas assez rentre-dedans, pas assez adaptable. Probablement ne m'étais-je pas non plus assez emparée du dispositif, de ses modalités. 
J'ai loupé, et ce n'est la faute de personne d'autre.


Alors que faire de cela maintenant?
Hé bien assumer, déjà. Ensuite, relativiser. Et puis agir. J'y retourne dès que je peux, et je leur dis : j'ai loupé la fois dernière, alors là, je vais vous montrer que je peux faire mieux que ça. Je ne vais pas non plus annoncer un feu d'artifice, hein. Mais je vais faire en sorte que les enseignants auxquels je m'adresse sentent que je ne m'en fiche pas, que ma mission m'intéresse, me motive, et qu'eux aussi, ils m'intéressent et me motivent.

Vous voyez, les jeunes (élèves et étudiants) : on se plante à tout âge, avec toute ancienneté. Et on peut rebondir, la plupart du temps. C'est une question d'humilité (ben oui, je me plante, et je ne suis pas toujours compétente), de fierté (Je ne vais pas en rester là, non mais sans blague !) et d'énergie (On y retourne, taïaut !).

Un beau boulot !

Vous trouverez ici un document ressource pour l'évaluation en cycle 4. J'ai participé, au sein d'une équipe de super collègues, à son élaboration. Même si ma participation est fort modeste, je suis très fière de ce travail collectif, et de voir les productions de mes élèves sur Eduscol, et le carrelage de chez moi exposé sur Eduscol... Nous avons énormément travaillé, ensemble, pour aboutir à ce document. C'était une belle expérience, avec des débats passionnés, des moments de découragement, des échanges véritablement enrichissant, et c'est agréable de la voir menée à son terme.

Le Café pédagogique en parle ici.

Vous reprendrez bien un peu de cliché ?

Sur le site de Marianne, j'ai lu ce matin un article qui m'a fait bondir. Véronique Marchais, professeur de français et co-auteur du manuel scolaire Terre des lettres, fait sa fête à la formation intiale des enseignants, à l'ESPE. Tout en nuance, l'article explique que le "lent naufrage de l’école française" est la faute des ESPE, qui propose une "formation initiale aujourd’hui réduite à un embrigadement", infantilisante, "imposant une démarche unique", espèce d'éteignoir de la liberté pédagogique et de l'esprit critique. L'ESPE apparaît d'ailleurs comme rangée dans la catégorie "institution", quel qu'en soit le sens.
J'invite cette dame à venir nous rendre visite, dans notre ESPE, quand elle veut. Elle aura un contre-exemple de ce qu'elle prétend. Elle écrit : "Qu’on se le dise : le professeur qui réfléchit est une espèce en voie de disparition, menacée par les réformes en cours." C'est une honte, d'écrire ça. Ce que nous faisons dans mon ESPE, c'est justement donner l'envie, les moyens, la conscience de la nécessité de réfléchir par soi-même, pour être le plus efficace possible, tout en prenant du plaisir à enseigner.

La suite est l'avenant : c'était mieux avant, doxa, dogme, pédagogues (on a échappé aux pédagogos, merci madame), idéologie, refus de la réalité... Tout est en miroir, en fait, et c'est une charge-défouloir qui n'est en rien constructive, et qui est mensongère. Dommage : il serait intéressant de discuter vraiment. Car non, l'enseignement descendant et magistral n'a pas réussi. C'est bien pour cela que les professionnels ont cherché des solutions. Solutions imaginées, construites et testées grâce à leur liberté pédagogique, la même que l'auteur de l'article imagine niée. Au contraire, la réforme, justement, l'affirme comme jamais, et la permet concrètement davantage qu'auparavant. Et puis les enseignants gardent ce qui fonctionne : il n'est pas question de changer juste pour changer. Chaque enseignant est libre de décider de ses pratiques, et le fait en réfléchissant aux meilleurs façons de faire réussir les élèves. Car c'est cela qui doit nous guider : ni des querelles de clocher, ni des positions de principe, ni la recherche d'un pouvoir qui n'existe pas. Notre seul moteur, c'est de faire réussir les élèves, c'est-à-dire de les préparer à leur vie d'adulte, d'humain, de citoyen.

"Il faut réaffirmer la liberté pédagogique ; C’est cela, et cela seul qui pourrait “inverser la courbe” du lent naufrage de l’école française."  Merci madame, d'avoir trouvé la solution. 
Je retourne donc exercer "vulgairement" mon métier, avec l'impression de réfléchir par moi-même, alors que je ne suis qu'une exécutante manipulée qui pense de travers. 

mercredi 4 janvier 2017

Tracer, construire, et puis représenter, tant qu'on y est

Hier, en discutant avec un de mes inspecteurs, j'ai pris conscience de la différence de sens entre les deux verbes "tracer" et "construire", que je n'avais jamais perçue. C'est d'autant plus curieux que ce matin au petit déjeuner, en en parlant avec mon mari et les enfants, tous l'avaient bien perçue. Comme l'a résumé mon grand, tracer c'est wopwopwopbloupbloup, et que construire c'est hoooop et hoooop et attention lààà chtac. Même chose pour les élèves à qui j'ai demandé quelle perception ils avaient de ces deux termes, sans les onomatopées.

Alors pourquoi pas moi ?

J'ai d'abord regardé sur internet, chez les collègues. J'ai trouvé :

Construire une figure géométrique , c'est réaliser des tracers en s'appuyant sur ses propriétés ; 
Si j'interprète, construire c'est tracer en raisonnant. Mais est-ce en raisonnant explicitement ? tracer, est-ce construire de façon intuitive ? Pas de mention d'utilisation d'instruments, ici, en tout cas.

Construire, c'est réaliser un objet qui n’est pas présent et dont on dispose seulement d’une représentation ou d’une description ; et représenter exige d'utiliser des procédés conventionnels qui peuvent amener à négliger des propriétés.
Je comprends l'idée de construire, qui rejoins la précédente, encore que disposer "seulement" d'une description ou d'une représentation me paraît une idée étrange. Je ne comprends pas l'idée de ce représenter-là, ensuite. Ou alors on parle d'automatismes : lorsqu'on fait glisser l'équerre le long de la règle pour représenter-tracer-construire une parallèle à une droite, peut-être fait-on appel à un "procédé conventionnel" qui néglige des propriétés au sens où l'élève ne les envisage pas forcément de façon explicite ?

Tracer : on peut penser que sous le verbe « tracer », il y a le verbe « construire ». Il s’agit alors de connaître les propriétés de certaines figures et la manière dont elles se traduisent à travers le recours à tel ou tel support et tel ou tel instrument.
L'idée que construire est lié aux propriétés géométrique se confirme.

J'ai aussi demandé à mon ami dico. Je me doutais que cela ne satisferait pas, car le dictionnaire se place dans de grands champs lexicaux, et mon attente est sur le secteur de la géométrie.

Représenter

Tracer

Construire

En fait, ces définitions m'ont aidée à continuer de construire ma représentation (ahahaha) mentale : représenter, vise à communiquer, à faire comprendre. Tracer fait référence au sensible, à des "traits". Et construire se rapproche davantage de la tâche complexe. Mais cependant l'exemple du dico, pour tracer, appelle le compas, qui n'a rien d'une construction à main levée ou sans propriétés géométriques...

Bon, je n'avais pas tellement avancé.

Je suis allée voir les programmes. tracer apparaît très peu :

On trace bien des cercles. Parce qu'ils sont des objets élémentaires, en une ligne ?
Ici, on trace en appelant des propriétés.
Ah oui tiens, il y a aussi reproduire.
En revanche, construire et représenter apparaissent beaucoup plus souvent :
Là, construire est bien adapté : il y a assemblage
Reproduire, représenter et construire sont affirmées comme des tâches différentes. Comme là :








En fait, le coeur de mon problème n'est pas sur "tracer" et "construire", mais sur "construire" et représenter", je crois. "Tracer" me semble finalement presque accessoire. Et je comprends mieux la distinction entre "représenter" et "construire" : "représenter" relève de la communication, de la mise en valeurs d'informations, y compris en ayant recours à des dessins à main levée avec codages. Construire est un acte plus complexe, plus normé, qui en effet s'appuie sur l'utilisation de propriétés.

Pour finir et essayer de trouver mes repères, j'ai lu les derniers sujets de DNB et de bac S.

Dans les sujets de DNB de 2016, voici ce que j'ai trouvé :
  • Pour représenter :



  • Pour tracer :

  • On trouve aussi le mot "dessin" : 



  • Et pour construire :


On dirait bien que représenter figure une situation concrète, comme dans le dico, que construire relève en effe de l'assemblage, et que tracer et dessiner caractérise l'action scolaire de l'élève.

Et au bac S ?
  • Pour représenter (40 occurrences, mais souvent dans d'autres champs que la géométrie : les candidats doivent expliquer ce que représente une valeur, et cela se rapproche de l'interprétation dans ce cas) :

Représenter est très souvent associé au concept de fonction







  • Pour tracer :

Seule (double) apparition de "tracer" au bac, mais explicitement sans justification.

  •  Pour dessin, ou dessiner : aucune occurence
  • Pour construire :







Cette fois, à  ce niveau, il est clair que construire relève d'un acte mental raisonné et justifié, par opposition à tracer, qui ne nécessite aucune justification, même si elle exige quand même une démarche mentale, qui cependant peut être intuitive. Je retrouve là ce que m'expliquait mon inspecteur hier. Ainsi, l'emploi de ces mots varie d'un niveau de classe à l'autre. Entre l'élémentaire, le collège et le lycée, un glissement s'effectue, abandonnant l'usage de mots au profit d'autres. Et j'ai eu du mal, mais je me suis construit une compréhension, je crois. Finalement, tracer, construire, représenter, aucun n'est accessoire. Et même si ce n'est pas forcément très important pour les élèves, ça l'est plus pour les enseignants. Puisque nous disposons de mots variés, autant les utiliser à bon escient et de façon précise...