Dans mes missions de formation, ce qui est le plus intéressant, ce sont les échanges avec les collègues auxquels je m'adresse (bon, parfois aussi c'est frustrant, lorsqu'un collègue refuse d'emblée la formation, sort ses copies, soupire et aligne les remarques désobligeantes, quoi qu'on dise... Heureusement c'est une minorité, et de loin. Mais une minorité qui marque). Parfois nous ne sommes pas d'accord, parfois il faut du temps pour parvenir à échanger vraiment, en s'écoutant, mais je crois que je n'ai aucun exemple de journée de formation qui ne m'aurait rien appris, pendant laquelle les collègues stagiaires eux-mêmes ne m'auraient rien enseigné ou apporté.
La semaine dernière, c'est au Havre, avec des professeur des écoles qui venaient recevoir une formation sur la différenciation en mathématiques, que j'ai appris particulièrement plein plein. Un collègue, Jérôme Roméo, qui enseigne à l'école Louise Michel, nous a montré les jeux qu'il a fabriqués pour ses élèves. Son travail est impressionnant, et il nous a présenté tout le dispositif pédagogique, et répondu aux questions. Un enseignant modeste, actif, qui sait pourquoi il est là, qui construit, pour ses élèves. Manifestement, ça marche.
Jérôme Roméo explique que ses jeux visent à travailler des automatismes, des tâches simples qui préparent des tâches complexes. Dans ce but, il a préparé des jeux sur le mode du "pouilleux", mais il l'appelle le "mistigri", qui donne plus envie...
Le principe est de former des paires. On pose les paires devant soi, et quand on ne peut plus poser de paires, on pioche tout à tour, une carte dans la main de son voisin de droite. Et on continue ainsi. A la fin, le perdant est celui à qui reste la seule carte qui n'a aucune correspondance, le "mistigri".
Jérôme en a élaboré des tas. Il nous a aussi transmis sa grille vierge, pensée pour être complétée et découpée facilement.
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Mistigri problèmes |
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Mistigri tables de mutliplication |
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Mistigri conjugaison de aller et vouloir |
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Mistigri fractions, version en lettres |
Et il y en a beaucoup d'autres. Jérôme est d'accord pour les transmettre, et je l'en remercie vivement.
En pratique, Jérôme propose à ses classes des jeux les lundis, mardis, jeudis et vendredis, en dernière partie de journée, après avoir écrit les devoirs. Il y consacre trois quarts d'heure, qu'il catégorise dans le travail des mathématiques ou du français, selon les jeux mobilisés. Il forme des groupes, et les élèves jouent à un jeu une semaine, à un deuxième la semaine suivantes, etc.
Quand on demande à Jérôme ce qu'il aurait à répondre à des collègues qui lui diraient qu'apprendre, c'est sérieux et ça ne se fait pas en jouant, il écarquille les yeux et demande si ils existe vraiment des gens qui disent ça. Car pour lui c'est une évidence, le jeu est un des processus d'apprentissage efficace. Evidemment, il ne procède pas que de cette façon.
Mais il explique aussi ne vouloir à aucun prix abandonner cette méthodologie. Il l'affirme, et on sent que ça vient du coeur : les élèves progressent, ne décrochent pas, deviennent compétents, voire experts ("J'en ai, ça devient des bêtes en conjugaison, et franchement, personne n'aurait cru ça avant"). Même si cela ne porte "que" sur des compétences "simples", c'est déjà énorme, et surtout cela permet d'aller ensuite plus loin, d'emmener les élèves sur des tâches complexes, sans blocage, sans angoisse. Ses élèves sont motivés.
Il propose aussi des jeux de l'oie, comme ceux-ci :
Un premier exemple :
et un autre :
Jérôme utilise aussi des jeux provenant du site
La classe de Mallory, qui est également une mine en la matière. On y trouve des ressources très variées, des
jeux, des
vidéos, bref il y en a pour un moment à examiner tout cela !