Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

mardi 28 juillet 2015

Mathématiques, pour papa aussi

J'ai reçu il y a quelques jours Mathématiques pour papa, dans la même série que Mathématiques pour maman. Alors, qu'en dire ?

Tout d'abord, je me posais la question de savoir si Mathématiques pour papa serait aussi condescendant que Mathématiques pour maman. La réponse est oui. On se prend en pleine face le sexisme, c'est vrai, mais correspondant à l'époque, en gros. Je reste agacée par la différence de niveaux couverts par l'un et l'autre des ouvrages, et par le choix des exemples, hyper sexués, mais papa en prend aussi pour son grade dans le genre cliché ambulant.

La vision des maths dites modernes est amusantes : "Pour faciliter aux esprits préalablement "déformés" par les mathématiques classiques l'approche des notions modernes, ...". Je pense que pour beaucoup d'ex-élèves, la "déformation" n'est pas due aux maths classiques, mais aux maths modernes.

Le début du livre s'intitule "à bas Euclide!" et cherche à relativiser la modernité des maths modernes. Ce passage explique que les enseignants, en exposant les maths d'Euclide, sont comparables à des gardiens de musée. C'est exactement ce que je ressens aujourd'hui lorsque je transmets la géométrie de Pythagore et de Thalès, à l'heure de la géométrie sphérique. J'aurais bien aimé que ce préambule soit développé, et cela me fait réfléchir à mon voeu de voir le programme de géométrie à enseigner changer. Je n'ai pas tellement réfléchi à la violence d'une telle mutation.

Toujours des petits dessins rigolos...
Ensuite, le bouquin ressemble à son homologue féminin, si ce n'est qu'il va plus vite et plus loin. Les exemples portent sur Bardot, Lollobrigida, Louis XIV, XIII, XV, etc., les états des Etats-Unis, le bridge, la chasse et la pêche. Il n'y a pas de couleurs, alors que dans l'autre tome si. Il y est moins question de comprendre pour le plaisir de comprendre, et davantage pour "ne pas perdre la face" devant sa progéniture. Là où la femme s'instruit par altruisme, l'homme s'instruit par vanité. Le dénombrement y est abordé, ainsi que les nombres complexes, la notion de corps, d'anneaux, de calcul matriciel et de produit vectoriel. Dernière différence : il n'y a pas de mot de la fin, pas d'au revoir comme dans Mathématiques pour maman.

lundi 27 juillet 2015

Aristote vs Pythagore, il fallait e-penser

Un des derniers e-penser est un épisode un peu spécial : Bruce Benamran nous présente "Aristote clashe Pythagore" très attendu, au vu de son aversion réjouissante pour Aristote. Il fait comme s'il réhabilitait exceptionnellement Aristote, ce qui n'est pas tout à fait vrai : il lui reconnaît la paternité d'une démonstration (par l'absurde, dont le principe est expliqué de façon simple et efficace) élégante, mais il porte surtout à son crédit d'avoir enquiquiné les pythagoriciens.


La vidéo est attrayante, comme toujours sur e-penser, mais il y a un mais, tout de même : Bruce Benamran assène bon nombre d'affirmations sur Pythagore tout à fait incertaines, comme à peu près tout ce qui concerne Pythagore d'ailleurs. La première fois que j'ai regardé la vidéo, j'ai eu l'impression que Pythagore lui-même avait été incommodé par Aristote, ce qui est impossible car au moment de la naissance d'Aristote, Pythagore était mort depuis un bon bout de temps. mais en fait rien dans la vidéo ne prétend cela : on y parle des pythagoriciens mais pas de Pythagore lui-même, au moment de la démonstration d'Aristote. En revanche, plusieurs bémols de taille :
- on ne dispose d'aucune preuve qui montrerait que Pythagore a démontré ce que nous appelons le théorème de Pythagore ;
- ce sont peut-être les pythagoriciens eux-même qui démontrèrent l'irrationalité de √2 : "Cette découverte serait due à Hippase de Métaponte"(ici) ;
- même en considérant le "sacrifice de vierges" comme une franche blague, les suicides collectifs me laissent sceptique ; j'avais lu pas mal de bouquins sur ce qu'on sait ou ce que l'on peut raisonnablement supposer au sujet de Pythagore et ses copains, mais là, d'où vient cette affirmation-là ?
- les disciples de Pythagore n'ont sans doute pas vu leur école s'effondrer à cause d'Aristote. Ca a dû être un sale coup, et franchement violent, cette histoire d'irrationnels, car cela bouleversait leur vision du monde, leur philosophie, leur doctrine. Mais l'école Pythagoricienne a surtout subi des ravages suite à des émeutes populaires. Et l'existence de nombres irrationnels avait été au moins pressentie bien avant.

Alors bon, cela n'ôte rien à la qualité du travail réalisé par monsieur e-penser dans sa somme de chouettes vidéos, mais je suis surprise. J'attends de voir s'il présente des sources qui fassent passer ses affirmations de péremptoires à envisageables. J'aimerais bien.

dimanche 26 juillet 2015

Je pense, et pourtant c'est dimanche

Sur Images de mathématiques, Jean Valles re-publie un article de 2013 qui n'a rien perdu de sa saveur. L'article s'intitule "Penser, c'est oublier". Ce titre m'a attirée car je lis en ce moment Piaget, qui parle beaucoup de la naissance et du développement de la pensée, ce qui m'amène à réfléchir sur comment définir la pensée. En plus, on croise Borges au fil de la lecture de l'article de Jean Valles.

Selon Jean Valles, "les mathématiques formalisent aussi des actes inconscients". Il fait référence à la capacité de classification des gens, et par exemple des enfants : si on dessine un triangle à un petit enfant, en le lui présentant comme "triangle", et qu'ensuite on lui dessine un autre triangle, de forme différente, il va, selon Jean Valles, le reconnaitre encore comme triangle. Là encore, c'est amusant comme cela résonne avec ma lecture de ces jours-ci de Piaget, qui explique que l'enfant série puis classifie au cours de son développement.

Ca, c'est Piaget, avec de la pensée et des invariants dedans.
Jean Valles aborde cette question sous l'angle d'"invariant": qu'est-ce qui fait qu'on range tel ou tel objet dans telle ou telle classe ? "Comment s’effectue instinctivement cette reconnaissance de ce qui caractérise l’objet ou l’événement observé ?" Par la reconnaissance d'invariants, pas forcément explicitement définis. Et cela amène monsieur Valles à l'idée d'oubli :

"Finalement un invariant est un nom pour la multitude, une étiquette pour chaque paquet. On peut donc certainement dire que la détermination des invariants repose sur une aptitude primordiale : celle qui permet d’oublier les détails superflus."

Là, je cesse d'être d'accord. Il me semble que ce très bel article, qui m'a attirée par son titre doucement provocateur, ne parle en fait pas d'oubli et de pensée, mais plutôt de l'inconscient ou de l'instinct que peut contenir la démarche mathématique. Car en effet l'oubli, à mon sens, est définitif, sans réactivation extérieure. Or ici il s'agit davantage d'un oubli temporaire et maîtrisé, qui consiste à critérier pour ne se concentrer que sur ces critères. Définir des invariants n'est pas oublier, mais choisir une entrée, de façon raisonnée.

Ensuite, dans son article, Jean Valles cite Borges et sa nouvelle intitulée Funes ou la mémoire. Après un accident, Irénée Funes a en mémoire de la même façon tous ses souvenirs, de l'insignifiant au fondamental, de l'immédiat au très ancien. Selon Jean Valles, cela l'empêche de percevoir les invariants, et Borges écrit que Funes "n’était pas capable de penser. Penser c’est oublier des différences, c’est généraliser, abstraire. Dans le monde surchargé de Funes il n’y avait que des détails, presque immédiats."

Borges ose donc une définition franche de ce qu'est penser. C'est ce qui me manque chez Piaget, qui en parle mais chez qui je n'ai pas rencontré de définition (mais je ne lis que deux de ses bouquins).
Je ne parviens pas à définir si je suis d'accord avec la définition de Borges. Je ne suis pas d'accord avec celle du Larousse, en tout cas :
Dans cette définition-là, il n'y a pas mon "penser" à moi. Il y en a des bouts, vers la fin, avec "comprendre, déduire", et "concevoir", mais c'est trop froid. Mon "penser" est plus vivant, plus mouvant, profondément personnel, avec du rationnel et du subjectif.
Je préfère le début de la définition de l'Académie Française de 1932 :
"Exercer l'activité de l'esprit, accomplir quelque opération de l'intelligence, concevoir, imaginer, réfléchir".
Evidemment, c'est un peu facile car ce "penser" renvoie à l'"esprit" et l'"intelligence", qu'il faudrait à leur tour définir... Rhalala c'est bien compliqué tout ça. Et c'est encore pire après le déjeuner partagé avec mes parents et une longue et passionnante discussion contradictoire : selon les uns penser doit être volontaire, car cela suppose d'orienter sa réflexion dans une direction. Selon les autres (dont mon papa et moi), pas forcément. J'ai enfin compris pourquoi mon mari me dit parfois ne penser à rien, et lui a dû comprendre pourquoi je lui réponds que c'est impossible : selon moi, penser c'est faire fonctionner son cerveau, donc je pense tout le temps. Mon mari, lui, estime que penser c'est faire fonctionner son cerveau dans un but précis, ce qui exclut la rêverie, par exemple, et tourner son activité intellectuelle ou mentale vers l'extérieur (contrairement à réfléchir, qui implique pour lui de tourner son activité vers l'intérieur de soi, de son expérience, faire appel à se souvenirs, etc.). Nous avons de ce fait dérivé ensuite vers les différences et les points communs entre penser et réfléchir, et nous n'étions pas encore d'accord, et puis finalement un peu, mais là ce serait trop long à consigner ici.

En tout cas, merci monsieur Valles : en plus d'avoir pris du plaisir à lire votre article, j'ai l'occasion d'approfondir ma réflexion sur ce qu'est penser, et maintenant j'ai envie de lire Funes ou la mémoire. Mon mari me l'a déniché dans la bibliothèque, chouette ! Et puis il vient de me signaler un bouquin qui lie Borges et les mathématiques... Mais il est en anglais, et il va falloir que j'évalue si le degré de langue est trop difficile pour moi. J'espère qu'il sera à ma portée !

vendredi 24 juillet 2015

Plaisir mathématique ... partagé

Sur Images des mathématiques, vous pourrez aller lire (ici) un post de Patrick Popescu-Pampu, qui tente de communiquer le plaisir des maths lors d'une discussion, en soirée, entre chips et guacamole. Je trouve sa démarche simple et juste, et, surtout, tranquille, sereine.

Comme je cherchais une illustration, je suis tombée sur une site intitulé "plaisir maths". Des soutiens aux clubs maths sont proposés, ainsi que des interventions en établissement. J'ai tout de suite écrit pour avoir davantage de renseignements...

samedi 18 juillet 2015

Retournée comme une chaussette, comme la sphère


Ici, sur Image des mathématiques, un article remarquable de Marie Lhuissier a retenu mon attention, dans le fond et la forme. Quelques extraits pour donner envie, mais allez le lire en entier !

C'est le thème de l'intervention

La forme est vraiment sympa et synthétique

d'où le titre de mon post

jeudi 16 juillet 2015

L'innovation vue par un des monsieur Dudu

Le dernier article du blog Enseignant des maths, écrit par Arnaud Durand, a attiré mon attention : il s'agit de son point de vue sur l'innovation.

Arnaud Durand est enseignant en collège. Il est le président de l'association "Scolatix.org, membre de l'équipe du Rallye Mathématique de Sarthe, contributeur du Planet-Éducalibre, bref, c'est un monsieur qui a de l'énergie et le métier dans la peau. D'ailleurs, je cite régulièrement ici et je ne saurais trop vous conseiller si vous ne le connaissez pas déjà son excellent site, et ses extraordinaires vidéos (les problèmes dudu, dont le dernier est ici, la mythique vidéo de la hauteur issue d'un sommet dans un triangle, ou la guerre des relatifs, ...).

Alors, que dit ce monsieur Dudu de l'innovation ?
D'abord, il fait un point d'étape car il se sent un peu bloqué (bon, chez quelqu'un comme lui, cela doit être très relatif, mais je comprends bien ce qu'il peut ressentir) : il se demande pourquoi il n'a pas récemment mis en place de nouveaux projets (ou presque, cf. ci-dessus). Alors il réfléchit aux obstacles auxquels peut se heurter le prof qui innove.

I. Savoir lâcher des projets pour en créer d'autres.
Continuer à faire tourner des projets qui ont fait leurs preuves "prend du temps, laisse peu de place à la nouveauté." Et puis c'est plus "simple de faire des projets que l'on maîtrise, c'est un confort indéniable mais cela n'aide pas à aller de l'avant."

II. Un travail d'équipe
"Parler d'innovation alors qu'on est tout seul à "innover", c'est une lubie ; ça ne sert à rien si on ne partage pas. Comment avoir un regard réflexif si on est tout seul? Bien entendu, cela ne veut pas dire que l'on doit être soutenu par l'intégralité des enseignants."

Ah, voilà le point qui m'a le plus intéressée. Jusqu'ici, j'étais seule, dans mon établissement, à m'impliquer dans mes projets maths et jeux de rôles, évaluation sans notes, tout ça. D'autres collègues dans mon collège développent des tas de projets vraiment extra, mais c'est chacun de son côté. Parfois d'ailleurs la raison en est toute simple : le projet n'appelle pas l'implication de toute ou partie de l'équipe péda. 
Je ne pense pas qu'innover tout seul soit une "lubie", et d'ailleurs je ne comprends pas vraiment cette phrase. On innove jamais tout seul, puisqu'on le fait avant tout avec ses élèves, avec leurs parents. D'ailleurs j'ai collaboré avec des collègues, mais pas de mon établissement dans un premier temps. Parce que je ne veux pas faire de prosélytisme, parce que je ne veux forcer personne, parce que mener un projet seul permet une liberté de mouvements idéale, et aussi parce que les baffes ça pique longtemps. Mais le regard réflexif, les débats, les discussions, j'en ai eu.
Et puis cette année les choses ont changé. En plusieurs étapes :

- aux journées de l'innovation dans mon académie, madame Blanchard, inspectrice vie scolaire, et François Müller, ont discuté avec mon mari et moi de cette idée d'équipe. L'un comme l'autre, nous nous sommes pris tellement de violents ramponneaux par le passé que nous sommes refroidis quant au travail en équipe. Il me semblait plus créateur de freins que facilitateur. Et puis, en rentrant le soir, en continuant de discuter avec mon mari, j'ai senti que j'étais peut-être prête à m'engager un peu plus, ou à réessayer de la pointe de pieds.

- au fur et à mesure, des réactions sont apparues dans mon établissement. Une collègue (et amie) est entrée dans le jeu du sans note. Puis nous avons eu droit à des attaques en règle, des tentatives de déstabilisation d'une partie du projet. Mais nous avons fait face et par des discussions franches et les yeux dans les yeux, le soufflé s'est dégonflé. Cela a été rendu plus simple par mon respect affiché depuis toujours des pratiques péda de chacun, et le fait que je suis inoffensive et affichée comme telle.
Au final, plusieurs collègues semblent intéressés pour réfléchir et peut-être mettre en oeuvre certains pans du projet, à leur façon, en prenant le temps, ce que je trouve très bien. Nous verrons bien ce que cela donne.

- j'ai fini par me lancer dans davantage d'échanges : participer à l'histoire des arts et donc bosser en binôme, élaborer des projets trans- et inter-disciplinaires pour l'année prochaine (maths et français, maths et allemand, maths et arts plastiques) avec des collègues vraiment super.

C'est pas une belle évolution, ça ?

Ben si.

III. Le soutien de l'administration
Incontournable en effet.

IV. Ne pas avoir peur des grands projets!

V. Le soutien de l'institution 
Innover demande du temps et les décharges ne sont pas faciles à obtenir. En ce qui me concerne, j'en ai deux, mais l'une au titre de mes interventions en ESPE, et l'autre pour la mission REP+, qui est directement liée à l'innovation d'ailleurs.

Je vous conseille d'aller lire tout l'article, en lien au début de ce post. Mais c'est décidément dommage qu'il soit si difficile de mettre en oeuvre des projets dont on a envie, dont on pense qu'ils vont aider les élèves et nous épanouir en tant qu'enseignants. Ce n'est même pas forcément de l'innovation, pour autant que ce mot ait un sens aujourd'hui. Je l'ai déjà écrit : je ne me sens pas innovante. Je pioche des idées partout, je lis, je discute, je transforme, mais la question n'est même pas de savoir si on innove ou pas.

La seule question, c'est celle de l'efficacité, tournée vers nos élèves. Et peut-être devrait-on bannir le mot innovation dans le domaine pédagogique. Lorsque monsieur Dudu s'éclate dans ses projets, il ne se dit pas "Allez, aujourd'hui, j'innove". Il s'éclate, et il bosse.

L'amour serait mathématique ?

Le petit roman de Davide Cali , intitulé L'amour ? C'est mathématique ! m'a évidemment attirée à cause de son titre. je prépare un projet maths-français pour l'année prochaine et il me faut des livres qui parlent de maths. Celui-ci est vraiment très sympa, et il fera partie de mon projet, et va aussi aller prendre une place méritée dans ma bibliothèque de classe, comme livre susceptible d'être emprunté et commenté par mes élèves. L'amour ? C'est mathématique ! s'adresse à de jeunes collégiens. C'est très facile à lire et très court. Le livre a été publié chez Sarbacane en 2013.

Davide 
Davide Cali est un auteur italien, né en 1972 en Suisse. Il a travaillé sur des bandes dessinées et en littérature jeunesse, avec succès. Sur sa page officielle, il propose des rencontres dans des établissements scolaires... C'est trop beau, alors j'ai écrit tout de suite. Ce serait vraiment extra de pouvoir en plus donner vie à notre projet maths-français avec des auteurs.

Revenons à notre amour mathématique. Ou plutôt pas, en fait. Le livre s'ouvre sur une question de probabilités : un jeune homme, qui déteste les mathématiques da façon fort naturelle, se demande quelle est la probabilité qu'au moins un des trois jolies jeunes filles qui font s'accélère son petit coeur, accepte un rendez-vous galant. Il présuppose que leurs réponses respectives sont indépendantes les unes des autres, et ne dépendent que du hasard.
Au fil de l'histoire, il n'y a plus trois jeunes filles disponibles, mais de moins en moins... Comment ses chances évoluent-elles alors ?

En fait, ce qui est sympa dans ce petit roman, c'est que les maths y jouent le rôle d'un figurant innocent. On peut y parler hasard, prise de décision, fluctuation, probabilités élémentaires et conditionnelles, et même philosophie... Même si au final, l'amour n'est pas du tout mathématique, dans ce cas. Mais cette tentative juvénile de rationalisation est bien présentée et le tout est gai et rythmé.


mardi 14 juillet 2015

Mathématiques pour maman

Hier, nous sommes allés à Quevreville la Poterie. J'avais achevé de mettre en pot des litres et des litres de confiture, lavé une grande partie des draps, couettes et oreillers de la maison, nous avions tout bien nettoyé et rangé. Alors nous sommes partis fouiner dans cette IMMENSE bouquinerie.

J'en ai trouvé, des choses. Pour la fille d'amis, pour mon papa, pour mes élèves de l'année prochaine, pour mon mari, pour moi. J'ai même trouvé les trois bouquins de Piaget que je cherchais depuis si longtemps, et deux de Baruk. Et à vingt centimes, en plus. Mais ma pépite, la voilà :


Au départ, quand je suis tombée sur ce bouquin, j'ai été intriguée. Je suis maman, j'aime les maths, il s'adressait donc sans doute à quelqu'un comme moi, il y a quelques dizaines d'années. Impression corroborée par le feuilletage rapide du livre : il y est question de théorie des ensembles, de "maths modernes". Allez hop, me suis-je dit, 1€ pour un bouquin qui m'appelle, c'est une aubaine.

Rentrée à la maison, je feuillette l'introduction. Là, je me suis dit une bonne dizaine de fois que l'époque n'est pas la même, mais tout de même. 1969, c'est tout récent. Et n'aurait été le regard amusé de mon mari attendant que je pique une crise de féminisme aigü, je me serais bien laissée aller...

Je cite (et je commente. Faut que ça sorte) :
"Nous aurons pu réaliser à votre intention, madame, un abrégé de "Mathématiques pour Papa" à grand renfort de ciseaux et de colle."
En effet, les auteurs ont tout d'abord écrit un Mathématiques pour Papa, que j'ai commandé et que j'attends avec hâte. Le ton en sera-t-il aussi condescendant ? Ca part mal : mathématiques pour Papa couvre des petits classes à la terminale, quand Mathématiques pour Maman s'arrête en troisième. Faut quand même pas en demander trop à Maman, après elle va oublier de surveiller le rôti sinon.          "Nous avons préféré vous écrire quelque chose d'entièrement différent, mieux adapté au climat intellectuel de ces heures bénies où, tout à la fois, votre fils de onze ans vous demande la différence entre une injection et une bijection, votre fille de neuf ans souffre sur une addition en système binaire et confond dangereusement ses études avec l'ensemble vide, votre petit dernier hurle dans le berceau pour vous obliger à le prendre dans vos bras, le téléphone sonne et, dans votre four, un gâteau d'anniversaire hésite doucement entre le Tanezrouft et le carbonifère..."
 Le "climat intellectuel de ces heures bénies" ??? Ils décrivent l'enfer, ces gars-là, et ils parlent de climat intellectuel et d'heures bénies ??? Cela mis à part, on reste songeur sur l'étude des injections, surjections de bijections à en sixième et sur le calcul en base deux en CM1. Et puis enfin, le parallèle entre le gâteau qui brûle avec le Tanzrouft (un désert situé à cheval sur l'Algérie et le Mali) et le carbonifère me semble relever d'un humour assez peu scientifique de par l'hétérogénéité des parallèles.

"Autant vous avouer tout de suite notre hypothèse de départ : nous vous avons supposée furieusement littéraire, déclarant à tous échos n'avoir jamais rien compris aux mathématiques, donc vous avez, d'ailleurs, scrupuleusement presque tout oublié."

Serge, René, si vous m'autorisez cette familiarité, autant vous le dire tout net : vous auriez mieux fait de ne rien avouer du tout. Vous multipliez les erreurs et les maladresses, quand bien même vous êtes pétris de bonnes intentions.
D'abord, pouquoi madame Godiche est-elle forcément "furieusement littéraire" ? Pourquoi "furieusement", pourquoi "littéraire" ? Pourquoi aussi est-ce en opposition, d'être scientifique et littéraire ?
Ensuite, pourquoi madame Godiche au gâteau carbonisé doit-elle être activement contre les maths ? Elle pourrait simplement ne pas s'y intéresser, ou ne pas avoir compris, sans fureur déclarative. Elle peut aussi n'avoir pas retenu toutes ces notions abstraites, parce qu'elles ne lui servent à rien dans son quotidien aussi rempli que solitaire. Elle a peut-être non pas scrupuleusement, mais simplement oublié.
C'est vrai cependant, pas mal de gens revendiquent leur désamour des maths, affirment leur incompétence avec force. C'est bizarre. Je suis, pour ma part, une quiche en gymnastique, mais cela ne me rend pas fière.

Ca m'a rappelé ce qui disait Villani dans Comment j'ai détesté les maths, à partir de la trentième seconde de la bande annonce :


Bon. Une fois cette délicieuse introduction passée, force est de constater que l'ouvrage est plutôt bien fait. Assez pédagogique, s'appuyant sur des cas concrets (le plus souvent relatifs aux enfants, car madame est surtout Maman, et épouse, mais il reste fort peu de place à autre chose). C'est dommage que tout soit sous-tendu par cette incroyable condescendance.

L'icône signifie "fondamental"

Celle-ci signifie "A vous de jouer !"



Là, j'ai du mal. Avec Papa et Maman.

Ils s'énervent, là, Serge et René, non ? 
La fin du livre m'a surprise : on y emmène madame (oh pardon, Maman) vers l'ensemble des nombres complexes, les matrices et les graphes. De façon sommaires, le tout résumé en trois pages, mais cela révèle une certaine ambition.

La conclusion, fort galante :




mardi 7 juillet 2015

Les étudiants en France

Le Monde.fr publie aujourd'hui un article-bilan sur les étudiants en France en 2013, à partir du rapport annuel du gouvernement sur l'état du système français d’enseignement supérieur et de recherche. Le rapport complet est .


Qu'en retenir ?
  •  Les "jeunes en âge d'étudier" sont un peu moins nombreux qu'auparavant, mais pourtant le nombre d'étudiants bat des records : 12% des étudiants en France sont étrangers, ce qui regonfle les effectifs, et puis la part de bacheliers chez ces "jeunes en âge d'étudier" augmente, d'où des équilibres différents.
  • 55 % des étudiants sont des étudiantes. La proportion de femmes est de 70% en lettres et en sciences humaines, 84 % dans les formations paramédicales ou sociales mais seulement 27% dans l’ensemble des filières scientifiques et dans les écoles d’ingénieurs (ce qui marque tout de même une progression de 5 points en quinze ans).
  • L'accès aux études supérieures est toujours influencé par le milieu social : "quand les enfants de cadres ou de professions intermédiaires sont 79 % à avoir effectué des études supérieures, cette proportion chute à 46 % pour les enfants d’ouvriers ou d’employés. Le contraste est particulièrement flagrant dans les formations élitistes : 30 % des enfants de cadres sortent diplômés d'une grande école ou de l'université à un niveau bac + 5 ou supérieur, contre seulement 7 % des enfants d'ouvriers." Quand on voit ce que cela coûte pour ne serait-ce que passer les oraux aux écoles de commerce une fois admissible, on n'est que modérément surpris.

  • Avoir des diplômes protège du chômage. Quand je dis ça à mes élèves, immanquablement plusieurs m'opposent "Mais moi j'ai un frère/cousin/voisin qui a fait plein d'étude et ben il aurait pas dû en faire autant parce que maintenant il ne trouva jamais de travail". Oui oui oui. Il y a aussi des gens qui fument des pompiers toute heur vie et meurent vieillards : corrélation n'empêche pas exceptions. Mais il demeure que "13 % des diplômés sont chômeurs, contre 25 % parmi les non-diplômés. Les jeunes ingénieurs et diplômés du secteur de la santé connaissent même le (presque) plein emploi, avec respectivement, seulement 3 % et 2 % de chômeurs. Cet effet protecteur du diplôme sur le marché de l’emploi explique pourquoi un tiers des jeunes sortant sans diplôme reprennent les études dans les trois ans suivant leur formation initiale."
  • On dépense de plus en plus : "Un étudiant coûtait, en 2012, 11 540 euros, soit 40 % de plus qu’en 1980. Une somme variable selon la filière, de 10 850 euros pour un étudiant d’université publique et jusqu’à 14 850 euros pour un élève de classe préparatoire aux grandes écoles". Cette augmentation est imputable à l'augmentation des effectifs des personnels des établissements universitaires, mais les aides allouées aux étudiants ont elles aussi augmenté de façon très significative. Et malgré cette augmentation, les dépenses consacrées à l'enseignement supérieur sont inférieures à beaucoup d'autres pays (par rapport au PIB).
  • "L’effort de recherche est principalement dû aux entreprises. Le secteur privé exécute 65 % des travaux en recherche et développement sur le territoire national et les finance à hauteur de 59 %. Quant à la part du financement de la recherche par le secteur public, elle se repose à 55 % sur les organismes de recherche et à 40 % sur les établissements d’enseignement supérieur."
J'aimerais bien en savoir plus, en particulier sur le devenir des étudiants en fonction de leur choix d'études et du temps : j'ai l'impression de voir pas mal d'anciens élèves s'engager dans des études qu'ils abandonnent.

Les tables de multiplications comme vous ne les avez jamais vues

L'excellent Mickaël Launay a mis en ligne une vidéo qui présente les tables de multiplication de façon géométrico-artistique. C'est assez fascinant :


"Ce qu'il a de dingue, ce n'est pas seulement la complexité des figures obtenues, mais le rapport entre cette complexité et la simplicité absolument enfantine de la règle qui le génère", dit Mickaël Launay.
Il précise plus tôt qu'il ne pourra pas tout expliquer, et c'est bien dommage (et tout autant compréhensible). Mais il propose des explications partielles à la fin de la vidéo, très bien expliquées. D'ailleurs, Victor, nous avons parlé de congruences à Tours, alors regarde et écoute bien jusqu'à la fin.
En revanche, je n'ai pas trouvé le lien vers l'appui dont parle Mickaël Launay, snif.

dimanche 5 juillet 2015

Eclectique

La première édition de la Nuit de Maths, c'était hier, à Tours. Nous y étions, mon fils et moi, et c'était vraiment un très bon moment. J'écrirai un article pour chaque animation ou conférence que nous avons suivie, mais en attendant, résumons.

Le mot qui me vient d'abord, c'est celui du titre : "éclectique".
Ensuite, ce serait "joyeux" ou "généreux".
Les deux, sans doute.

Pour nous, la Nuit des Maths, ça a été d'abord des rencontres : le mathématicien Pierre Pansu nous a accueillis en nous proposant une part de pastèque, André Deledicq a partagé sa barbe à papa avec nous, Dominique Souder et Jean-Christophe Deledicq nous ont dédicacé des bouquins, Federico Benuzzi m'a demandé quelque chose que je n'ai pas compris du tout, car je ne parle pas un mot d'italien.
Ensuite, la Nuit a été ponctuée de découvertes variées : mon fils a assisté pour la première fois à une conférence de Villani, nous avons été bluffés par la magie mathématique, surpris par l'Ile logique et ses remarquables spectacles, hilares devant la surprise mathématique qui a clôt la journée.
La Nuit des Maths, ça aura été aussi un sac plein de bouquins pour enrichir la bibliothèque de travail ma classe, et puis les deux calculatrices HP que nous ramenons, puisque nous en avons chacun gagné une.
Les trois principaux organisateurs et Cédric Villani
J'ai entendu des spectateurs déplorer une organisation insuffisante ; je ne partage pas du tout cet avis : cet événement était à la hauteur de ses promesses, les interventions prévues ont eu lieu et étaient toutes de qualités, il y avait des stands sympas pour se restaurer et des bouteilles d'eau en pagaille et à des

La calculatrice que mon fils a gagné,
avec une agrafeuse sans agrafes...
Et celle que j'ai gagnée.

prix raisonnables, et je trouve cette critique infondée. Ce n'était pas un événement institutionnel, mais pour le plaisir ("à la bonne franquette", a résumé mon fils ce matin). Et c'est bien ce qui était transmis : de l'énergie, l'amour des maths et des gens, l'envie de communiquer, et puis une force vitale, une énergie revigorantes. Dans toutes les interventions, même celle de Villani, la plus pointue, il a été question de "sensible", d'émotions, de bonheur.
L'année prochaine, nous espérons bien y retourner. Mais cette fois nous proposerons peut-être nos services côté staff, histoire de vivre l'aventure encore différemment.

vendredi 3 juillet 2015

Le langage des mains, avec beaucoup de coeur

Pour la fin de l'année, l'animatrice du club Langue des signes au collège, la talentueuse Gwendoline, a proposé un spectacle. Il était particulièrement réussi : vivant, gai, drôle.
Quelques photos des stars du jour :

Des chansons :
Toute la troupe traduit une chanson en temps réel, en langue des signes.
Gwendoline veille, souffleuse silencieuse au fond de la salle.
Certains élèves participants ont appris les signes le jour même !
Ils chantent en silence, et c'est très beau. 

Des jeux pour faire participer tout le monde :

Des jeux sont proposés : ici, monsieur Marie, le principal du collège,
tente de se faire comprendre. Sans mots mais avec énergie.
Comprendre aussi, c'est difficile. Surtout devant l'aisance
de cet élève manipulant la langue des signes...
Monsieur Knasko, principal adjoint, perplexe.
Un surveillant se prend la tête : comment faire deviner sa phrase
 à ce professeur de français ?
Téléphone arabe en langue des signes. Pas très concluant, quand
on n'y est pas formé...
Pardon ? Qu'est-ce que tu dis ?
Tentative désespérée de faire deviner "Moi, moche et méchant"
Eux, ils se comprennent.

Et le final, qui fut en musique et bien rythmé :

La star du jour, tout seul pour traduire Philippe Catherine,
avec un peps et un naturel bluffants.
Nos vieux troisièmes, toujours là, ont dignement participé...
On remarquera notre CPE, qui a superbement joué le jeu.
Le final. Ils étaient joyeusement déchaînés.
 J'ai les photos sur ma clef et aussi trois films, mais je ne les mettrai sur le blog que lorsque j'aurai toutes les autorisations, donc en septembre. Les enfants qui ont participé peuvent me demander de leur en envoyer (des photos) par mail, et venir à la rentrée pour que je leur transmette les films.

En tout cas, bravo à tous, car c'était un très bon moment et un travail remarquable.