Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

vendredi 31 octobre 2014

Pi c'est pas tarte !

Une très chouette vidéo sur le nombre pi :

Point, ligne et plan

Hier soir j'ai assisté à une conférence puis un atelier de Philippe Rekacewicz au local de l'association Echelle Inconnue.
C'était un regard tout à fait intéressant sur l'actualité, la citoyenneté, l'engagement, la cartographie en général, l'utilisation qui en est faite. L'objet de la conférence était une présentation de la cartographie radicale  Il se trouve que c'est en lien avec mes pratiques de classe, puisque je fais régulièrement créer des cartes mentales ou des cartes sensibles à mes élèves, liées aux mathématiques ou à leur vie de collégien. Pour un résumé et des documents relatifs à la conférence et aux travaux de monsieur Rekacewicz, je vous renvoie à cet excellent article.


Monsieur Rekacewicz, entre autre, a expliqué la difficulté de l'exercice cartographique : la carte est forcément subjective, et des contraintes techniques la "faussent" dans son objectivité. Par exemple, représenter une route n'a pas vraiment de sens, de la façon dont on le fait : rien que la largeur du trait correspondrait, une fois l'échelle appliquée, à des voies de circulation d'une largeur très excessive. Pourtant, il faut bien représenter ; autant alors, selon Philippe Rekacewicz, se départir de conventions inutiles et représenter de façon plus sensible, davantage pour se faire comprendre que pour "simplement" représenter (ça n'a rien de simple, en fait, mais je résume).

Cela m'a fait penser à la difficulté de représenter un solide sur une surface plane. Je trouve le parallèle particulièrement bijectif :

- Pour représenter un solide (magnifiques animations de Thérèse Eveillau en lien), on choisit d'abord l'angle de vue. Si je veux représenter une pyramide à base carrée, plusieurs choix s'offrent à moi. Je peux la représenter vue du dessous, mais alors je dessine un carré et ses diagonales en pointillés (ce sont les arêtes cachées, et leur intersection correspond au sommet de la pyramide). Ou bien je peux la représenter vue du dessus (même représentation mais sans pointillés). Ou encore du point de vue d'un observateur qui se tiendrait devant une des faces latérales (alors je représente un triangle isocèle et c'est tout, les arêtes cachées se confondant avec les arêtes visibles). Ou enfin, comme la plupart du temps, en me décalant, pour pouvoir figurer plusieurs faces et ainsi mieux me faire comprendre. Mais dans le fond, je peux manipuler la réalité et jouer avec le ressenti de l'observateur de la même façon qu'avec une carte.















- Les règles, les conventions de la perspective choisie, ensuite, me permettent de transmettre des informations que j'ai sélectionnées, mais me limitent dans ma communication. Dans mon premier point, je me suis cantonnée à la perspective cavalière, souvent utilisée en mathématiques. Mais d'autres choix sont possibles et là aussi, ces choix conditionnent la compréhension de l'observateur. Si je choisis de représenter avec un ou plusieurs points de fuite, leur place déterminera l'allure de ma représentation, par exemple.

 






Les oeuvres d'Escher sont classiques en ce sens.

- Enfin, le parallèle est naturel car dans les deux cas, on cherche à représenter un objet (ou des tas d'objets) initialement en trois dimensions (voire en quatre, dans le cas de la carte, car le temps entre aussi parfois dans la représentation) sur une surface. Le problème est insoluble et pour comprendre un solide, la seule solution complète est de la voir en ayant possibilité de le manipuler. Cela me renvoie à Borges, cité hier par Philippe Rekacewicz (un article en parle ici).

Une remarque de Philippe Rekacewicz m'a interrogée : en réponse à une question, il a expliqué que selon lui, on pouvait presque retirer les éléments "classiques" de la carte (les frontières, les noms des pays, voire les côtes), car la compréhension de l'observateur est intuitivement complétée par habitude et culture des conventions. Par exemple, sur une de ses cartes, les continents étaient remplacés par des rectangles et cela ne se remarquait pas forcément. On perçoit les éléments "purement géographiques" (je sens bien que cette expression doit faire bondir les géographes) sans qu'ils soient forcément représentés, ou précisément représentés. Je me demande s'il en serait de même en géométrie spatiale. Pourrait-on représenter des configurations en en sous-entendant des parties, et être universellement compris ?

Pour finir, et c'est la raison du titre de ce post, Philippe Rekacewicz a cité plusieurs fois Kandinsky, avec Point, ligne, plan en 1923. Là aussi, la correspondance avec les notions mathématiques est frappante, et pourtant dès qu'on lit Kandinsky, on s'aperçoit que nos points, nos lignes et nos plans sont bien différents. Justement je venais aujourd'hui de lire Du point... à la ligne de Denis Guedj, et tout cela résonne. Il faudra que je me penche plus précisément sur ce qu'écrit Kandinsky. Voilà du passionnant en perspective...

C'était un jeu de mots, la conclusion...

Racine carrée

Vu sur le blog Les curiosités de Titam, cette photo intitulée Racine carrée :


jeudi 30 octobre 2014

Ouah c'est chelou comme nom (de blog)

- Madame, j'ai voulu aller sur votre blog et j'ai pas trouvé.
- Ah. Comment as-tu fait ?
- Ben j'ai essayé "base fois hauteur divisé par 2" mais ça marche pas !
- ...
- C'est bien l'aire du triangle, non ?
- Non, c'est celle du disque.
- Ah zut. (silence) C'est quoi déjà l'aire du disque ?
- C'est pi fois diamètre
- Non. Qui m'explique pourquoi pi fois diamètre ne peut pas correspondre à l'aire du disque ?
(silence collectif)
- Le diamètre, tu l'exprimes en quoi ?
- En centimètres ou en mètres, comme on veut.
- En unité de longueur, donc. Et pi, tu l'exprimes en quoi ?
- pi ? Ben en rien, pi c'est pi, c'est tout.
- Oui. Vous vous souvenez pourquoi pi, "c'est pi et c'est tout?"
- Il y a une raison ?
J'explique que pi est le rapport de la circonférence du cercle par son diamètre, animation à l'appui. Du coup je rebondis sur la proposition "pi fois diamètre", et j'enchaîne sur ce que je voulais amener au départ, à savoir que pi fois des centimètres, ça donne des centimètre. Or une aire s'exprime en centimètres au carré ; il y a donc incompatibilité entre cette formule et une aire.
Je reviens enfin sur le choix du symbole pi.
Ouf.
- Ah ouais d'accord. Mais donc c'est quoi la formule pour l'aire du cercle ?
- C'est pi fois rayon fois rayon, et ça marche parce qu'on fait centimètres fois centimètres et ça fait centimètres carrés.
- Des centimètres carrés c'est des centimètres fois des centimètres ?
- Ben tu croyais que c'était quoi ? Des centimètres en forme de carré ?
- Beeen euuh chais pas, moi, c'est bon, je peux poser des questions aussi quand même.
- Been oui tu peux, et en plus tu as raison : "au carré", c'est, même sur une unité, lié à la forme du carré, en deux dimensions. De même que "au cube", c'est lié à l'objet géométrique en trois dimensions qu'est le cube. (Et je ressors du placard mon carré en fil de fer et mon cube en carton, et j'explique).
- Ah oui tiens je n'avais pas vu ça comme ça. C'est rigolo.
- J'avais raison.
- Mais alors avec un petit 4 en haut ça donne quoi ?
- Rien de représentable ainsi dans l'espace, je le crains.
  Bon, on a des exercices à corriger, je crois ! Qui va corriger le premier, le deuxième ?
- Mais madame, alors votre site c'est pi fois rayon fois rayon ?
- C'est "Pierre carrée", comme une pierre qui serait carrée, mais c'est un jeu de mots avec pi (sous-entendu fois) R (pour rayon au) carré. Tu vois ?
- Ah oui.
Silence collectif à nouveau.
- Un jeu de mots, d'accord. Pierre carrée. C'est drôle, c'est ça ?
- Ouah c'est chelou comme nom...

Gros moment de solitude.
Et en plus ça va être chaud pour juste corriger les exos...

mercredi 29 octobre 2014

Attention, ce post est plein de graphiques (particulièrement) démoralisants

Un article d'Eduveille propose une analyse et des liens vers Talis 2 (teaching and learning international survey), une enquête sur les enseignants au niveau du primaire et du collège réalisée en 2013, auprès de 200 établissements par pays, 20 enseignants et un chef d’établissement par établissement. 34 pays ont participé, dont la France pour la première fois.
 C'est une étude très complète, et les éléments que je livre ici sont forcément choisis de façon subjective. Au départ, mon attention a porté sur la satisfaction professionnelle et sur l'évaluation. Mais en fait tout vaut le coup d'être lu, pour prendre la température de la France, ce dont parle la suite de mon post, mais aussi pour avoir une vision plus internationalement globale et pour tous les exemples précis de ce qui se fait ailleurs, du Mexique à la Suède, en passant par la Thaïlande et l'Australie.

La satisfaction professionnelle dépend de la relation de l'enseignant aux élèves, de l'importance du travail d'équipe, bref de la communication. L'enseignant est un être essentiellement communiquant, tout malheureux lorsque l'ambiance au boulot est pourrie (comme tout le monde, du reste), lorsqu'il faut brailler comme un âne pour être écouté de son jeune public, lorsque rien de nouveau ne se passe. Plus l'enseignant participe à des formations, plus il s'épanouit. (Ben oui. C'est pour ça que j'aime participer et animer des formations avec des collègues. Ca donne la pêche, de l'envie, ça ouvre des horizons. Parfois ça permet de franchir un pas, d'oser.) Les enseignants réclament aussi de pouvoir prendre part aux décisions, et l'efficacité globale du système éducatif influe sur leur moral (ce qui est plutôt rassurant : ils ont envie  de s'inscrire dans un système efficace).
En attendant, le tableau dressé est tristounet :
et la France est (presque) tout en bas :


Peu d'enseignants estiment leur profession valorisée dans la société, mais beaucoup sont satisfaits de leur emploi. L'étude annonce qu' "il existe une relation positive entre la perception qu'ont les enseignants de la valorisation de leur métier et la proportion d'élèves très performants en mathématiques". Pour (re)valoriser les filières non S, ce n'est décidément pas gagné.
La France se situe dans une région particulière de ce graphique : la proportion d'élèves "très performants en mathématiques" n'est pas ridicule, mais la société française donne aux profs une grosse sensation de désamour. A creuser...

Toujours côté déprime, il y a ça :
Nous, professeurs français, ne sommes pas au top. Il serait intéressant de savoir pourquoi aussi peu de collègues pratiquent le travail en groupes, utilisent les TIC ou se lancent dans des projets à moyen ou long terme. Ne se permettent-ils pas (par peur de ne pas gérer la classe, par impression de manquer de temps) ? Pensent-ils ne pas en avoir besoin ? 

Ci-dessous, pas de grosse surprise, excepté sur les appréciations portées sur les copies. A mon sens, une note chiffrée sans commentaire est une hérésie.

Le graphique ci-contre a retenu mon attention en raison de son échelle, en abscisse. Il donne l'impression que très peu d'enseignants sont d'accord avec les deux dernière affirmations, alors qu'il y a foule pour les deux premières. Or la différence est de 10%. Une autre origine de l'axe aurait donné un ressenti beaucoup plus positif. Voilà un graphique que je vais utiliser en classe.
Au passage, l'item "les processus de réflexion et de raisonnement sont plus importants que le contenu spécifique des cours" me rappelle une conférence récente. Le conférencier, en début de séance, nous a demandé de nous lever en fonction de notre accord avec diverses affirmations. A "la discipline que j'enseigne est la plus importante" (ou peut-être "très importante", j'avoue ne plus être certaine), beaucoup de collègues se sont levés. Je ne sais toujours pas si c'était de l'humour, en fait. Peut-on vraiment penser que nos contenus disciplinaires, au niveau secondaire, sont importants en eux-mêmes ?

La section qui concerne la direction des établissements est intéressante elle aussi. Ce graphique-ci est assez instructif,

mais le suivant m'a plu particulièrement car j'ai eu un choc : au premier regard, on a l'impression qu'être chef d'établissement est un choix regretté par une majorité écrasante de chefs, de façon internationale. En fait, les petites lignes sous le graphique indiquent que les réponses à "je regrette ma décision d'être devenu chef d'établissement" correspondent à "pas tout à fait / du tout d'accord".
Il demeure que la France est en queue de peloton quant à la satisfaction de ses chefs d'établissement, ce qui s'accorde avec celle des enseignants d'ailleurs.
Un dernier graphique pour la route, sélectionné dans la section sur l'évaluation des enseignants :
Ouch. Ca pique. Après lecture de tout ceci, et comme mon esprit français a tendance à retenir davantage le négatif que le reste, j'ai la forte impression que personne ne se comprend dans notre système. Parents-profs, profs-chefs, profs-inspection... J'espère que ça va mieux pour les élèves, parce qu'au final, c'est juste pour eux que nous oeuvrons, tous.
Pfiou, j'ai un coup de vague à l'âme, moi.

Au secours, c'est les vacances

Un élève m'a écrit un mail, pour "prendre des nouvelles" (la démarche est sympa, et ça va bien oui merci), et me demander si je ne "m'ennuie pas trop du collège", parce que cet élève, lui, s'"ennuie à mort".

C'est amusant comme les sentiments de beaucoup élèves face aux vacances sont ambivalents. En même temps ils se réjouissent que les vacances approchent, et ils les redoutent. Quand je leur demande pourquoi, les réponses que j'obtiens le plus souvent sont :

- parce que je ne vais plus voir les copains/copines
- parce que je ne sais pas quoi faire
- parce que je vais être tout le temps avec ma famille
- parce qu'il va falloir aller voir Mamie/Tata/etc.
- parce qu'on va faire des trucs tout le temps
- parce que je ne vais plus avoir foot/judo/théâtre/etc.

 Pour ces vacances-ci, la réplique ultime, c'est : "D'accord, mais il y a la foire Saint Romain !". Je n'ai qu'un seul élève qui dont le regard ne s'est pas allumé sur ces magiques paroles. Lui, il m'a répondu un morose "J'aime pas le foire.". Ah, zut, toi tu n'as pas de chance.

Je ne me souviens plus de la façon dont j'envisageais les vacances lorsque j'étais élève. Mais maintenant, je les envisage plutôt bien. Et non, je ne m'ennuie pas. D'abord, je ne suis pas équipée pour m'ennuyer. C'est un sentiment que j'ignore. Ensuite, j'aurais du mal, vu le nombre de choses que j'ai à préparer si je veux survivre une fois les cours repris. Outre les copies, la préparation des cours (je refais tout cette année, pour tous les niveaux. (je crois que je dis ça tous les ans)), la correction des copies, de travaux facultatifs (tout ça ???), la mise à jour des compétences, le total d'XP à calculer, les projets à avancer, les nouveaux projets à développer, le blog à mettre à jour, le boulot pour l'ESPE, le bilan des stages animés, les réponses à tous les mails en retard, j'ai aussi des aspirations non professionnelles (et oui, ça paraît dingue, mais je ne suis pas QUE prof) : passer plus de temps avec ceux que j'aime, aller au ciné, regarder l'automne arriver, faire des gâteaux et de bons petits plats, entretenir la maison, aller au musée, jouer avec mon chien, ranger mes placards, chiner dans les foires à tout, jouer sur l'ordi de mon fils, lire des livres qui ne parlent ni de maths ni d'école, me balader, écouter de la musique, regarder des épisodes de mes séries préférées, m'occuper du jardin, dormir jusqu'à me sentir reposée...

Alors tu vois, cher élève, deux semaines, ce n'est pas assez pour que je m'ennuie.


PS : tu veux des fiches de maths ? J'ai trouvé de nouveaux problèmes très chouettes !

mardi 28 octobre 2014

Peut mieux faire ?

En explorant le blog de Guillaume Caron (là, à aller lire absolument, j'en ai parlé ici), je suis arrivée sur celui de Laurent Fillion. Lui aussi, il faut aller le lire tout de suite. 

En ce moment, à l'affiche :
- un article intitulé "pourquoi les notes posent problème", que je trouve très pertinent et complet. Tout y est dit, alors je me tais. 
- un réquisitoire amusant sur les fiches de renseignements (je suis bien d'accord, d'ailleurs j'ai abandonné cet exercice imposé et inutile)
On trouvera sur ce blog beaucoup d'articles s'interrogeant sur la note, sur les compétences, quelques billets d'humeur amusants, des ressources tournées vers l'histoire géo et l'éducation civique, toujours avec l'idée d'évaluer autrement.


C'est beau, un prof d'histoire géo qui rêve

C'est rigolo et c'est ici.

M'dame, le portable c'est interdit en classe !

Voilà une phrase que j'entends quelques fois en début d'année : j'utilise mon portable en classe. Hééé oui. Mais pas tour taper la discut' avec mes ami(e)s ou prendre des nouvelles de mes parents, non non non. Je l'utilise pour photographier : le tableau, des élèves en projet, une chouette réalisation, un cahier décoré de façon particulière, une solution organe à un exercice. Je l'utilisais aussi pour enregistrer des débats ou des discussions de recherche, jusqu'à ce que mon établissement m'équipe de MP3.
Quand des élèves refont cette remarque, c'est toujours avec un grand sourire : ils n'ont manifestement aucun doute quant à l'usage professionnel du téléphone. Ils sont déjà filmés parfois, connaissent le blog vous lisez en ce moment même. Ils savent aussi d'ailleurs que je ne vais pas me formaliser de façon excessive d'un portable qui sonne une fois dans l'année. Certes, ce n'est pas bien, mais oublier de l'éteindre après la récré n'est pas un drame non plus. Je note l'incident, de façon à pouvoir ajuster ma réaction en cas de récidive, je rappelle qu'un téléphone, ça s'éteint en classe, et voilà. Deux comportements liés au téléphone portable m'agacent, en fait : les élèves qui filment autrui sans leur autorisation et ceux qui passent la moitié de l'heure la tête dans leur sac puis prétendent qu'ils cherchaient (sans fouiller, naturellement) leur rapporteur.

Autrement dit, le téléphone portable n'est pas un problème particulier dans mon établissement.
Et voilà qu'à ce sujet sort un article sur un blog du Monde, FocusCampus, le 25 octobre dernier.


Le titre:

Le « fléau » du portable en classe touche aussi les enseignants

(brrr, ça fait peur, de quel nouveau mal suis-je donc atteinte ?)

Jean-Claude Lewandowski écrit, avec bon sens et de façon assez nuancée :
Les élèves ne cessent d'échanger des messages (et des photos), de consulter leur appareil, de guetter l'arrivée de la réponse à leurs envois... Résultat, une baisse spectaculaire du niveau général de l'attention et de la concentration en classe. (...)
Là où les choses prennent une tournure assez cocasse, c'est que les enseignants et pédagogues ne sont pas eux-mêmes épargnés par ce fléau qu'ils dénoncent. Il suffit pour s'en convaincre d'observer leur comportement lorsqu'ils participent à une réunion - conseil de classe ou d'établissement, colloque, conférence, réunion de travail, etc.
(...)
Quels enseignements tirer de cette observation ? D'abord, que la "dépendance" à l'égard des objets numériques, qui façonne notre esprit et notre faculté d'attention, est loin d'être l'apanage des jeunes générations (...).
Deuxième leçon : il n'est sans doute pas possible pour les enseignants de lutter de façon frontale contre un tel tsunami. Plutôt que de faire barrage, mieux vaut sans doute tenter d'en limiter les excès, mais aussi essayer d'utiliser ces outils numériques au bénéfice de l'enseignement. (...) Dans ce domaine, beaucoup reste sans doute à inventer. Pour autant, il convient de se garder de tout enthousiasme béat, et de conserver une certaine "distance critique". Certains acteurs, par exemple, ont l'impression d'avoir permis un grand bond en avant de l'apprentissage par le seul fait d'avoir mis entre les mains des jeunes une tablette ou un ordinateur... Or si le numérique peut apporter beaucoup à l'enseignement, les bénéfices que l'on peut en attendre ne sont peut-être pas toujours aussi importants ni aussi rapides qu'on le dit. (...)


En effet, des anecdotes de profs qui composent des textos ou même répondent au téléphone, même classe, circulent. Vraies ou non, je n'en sais rien et peu m'importe. Mais cela ne paraît pas absurde, car la dépendance au portable-fil à la patte est réelle, comme le dit l'auteur de l'article, quel que soit l'âge du sujet... 
Certains établissements envisagent de s'équiper de brouilleurs. Si cela ne pose pas de problème à la vie scolaire et à l'administration pour communiquer au sein de l'établissement, pourquoi pas ? Mon appareil photo fonctionnera toujours, lui...

Le blog de Guillaume Caron

J'ai découvert hier le blog de Guillaume Caron, et je ne saurais trop vous recommander d'aller y faire un tour : il me semble tout à fait remarquable.


Parmi les articles qui ont retenu mon attention, celui-ci et celui-là sur un projet de "sixième coopérative", qui exposent clairement et concrètement un travail mené en équipe (au moins tançais-maths). Il y a aussi la tâche complexe sur le périmètre du cercle, en sixième, que je trouve très chouette et que vais certainement utiliser. Quant au plaidoyer pour les IDD, tout est dit (dans mon établissement ils sont passés à la trappe cette année, snif.).
Et puis il y a le projet Geometwitt, mais là j'y consacrerai un article entier.

samedi 25 octobre 2014

Photomath, l'application inutile qui fait le buzz

Un ami m'a envoyé un lien qui m'a fait découvrir " photomaths, l'application qui savait résoudre les équations". J'ai tout de suite trouvé ça rigolo, et j'ai commencé à chercher comment l'utiliser en classe, avec les élèves. Bon, ça n'apporte rien du tout par rapport à une calculatrice formelle, qui est autorisée au bac et donc en classe, mais le support du téléphone peut à coup sûr capter l'attention de certains élèves.
Faire le buzz, c'est réussi pour cette appli. Je ne vais pas pousser davantage mes recherches d'ailleurs, car entre "l'appli pour tricher" (cf. la remarque sur les calculatrices autorisées, elles, et aux performances bien meilleures) et autres titres accrocheurs idiots, on sent bien en parcourant les en-têtes des articles que ce sont des spécialistes qui les ont rédigés.
Sur le site dédié à l'appli, ça semble assez chouette, au premier abord. Simple, dépouillé, efficace.


J'ai quand même lu avant, dans l'article envoyé par mon ami, que "le cheminement menant à la résolution est quelque peu alambiqué, mais le résultat se révèle bien souvent juste, pour peu que le moteur de reconnaissance ait correctement analysé l'équation proposée. Histoire de limiter la casse, le fonctionnement n'est garanti qu'avec des caractères d'imprimerie : inutile de lui soumettre vos pattes de mouche.". Ah, c'est pas top ça. OK, je télécharge et je vais chercher un manuel.
J'apprends aussi que "Photomath ne sera toutefois pas vraiment la panacée pour les lycéens allergiques aux maths : elle ne gère en effet que les équations du premier degré, avec les quatre opérations de base. L'application s'accommode relativement bien des fractions, mais elle peine en revanche lorsque des parenthèses entrent dans la danse.". Ah, ben alors ce n'est la panacée pour personne... En gros, dès qu'on apprend à résoudre une équation, on a besoin de parenthèses ! A quoi sert de faire reconnaître les racines cubiques si on ne peut pas utiliser les parenthèses ?

Pour voir tout de même, j'ai commencé par ça, au niveau 3ème : 


Cela m'a donné ceci, fidèle à l'énoncé, malgré les parenthèses. Le développement est peu pertinent vu le joli produit de facteurs nul, mais c'est juste :

Puis ceci, où l'on voit bien que les étapes sont très détaillées. Pour ne pas comprendre le passage d'une ligne à l'autre, c'est vrai qu'il faut le faire exprès.

Je passe la suite, sinon ça va être long. Voici le résultat que me fournit l'appli :

Là, ça coince. Normal : c'est du second degré et PhotoMath ne sait pas le traiter. En fait, je m'attendais à ce qu'au départ l'appli reconnaisse deux équations du premier degré. Mais non.

J'ai eu beau chercher dans le manuel de 3ème, pas moyen de trouver une équation sans parenthèses ou autre signe non reconnu. Alors je suis allée dans le manuel de quatrième.

Deuxième essai donc. Il m'a fallu quatre essais avant que soit bien reconnue ma proposition d'équation :




Pas mal, jusqu'à 9,7y = 4. Mais pour une application qui prétend résoudre des équations, donner une valeur approchée en écrivant "=" devant, c'est embêtant. Et faux, surtout. Sur une calculatrice de type collège, en tapant 4/9,7 on obtient une fraction irréductible. Donc bof.

Au final, cette appli ne sert à rien. Ou alors en CM2 et en 6ème, si un élève n'a pas envie de résoudre ses opérations à trou et comprend par lui-même le recours à la lettre. Auquel cas on peut parier qu'il n'aura pas du tout besoin d'aide pour trouver la solution. Mais sinon, vu les résultats et le temps perdu à scanner plusieurs fois l'énoncé, c'est peu probant.

Je laisse le mot de la fin au journaliste (...) qui a écrit l'article de clubic.com au sujet de cette appli :
"En attendant, le corps enseignant va certainement devoir se préparer à bannir smartphones et autres lunettes connectées des salles de classe pendant les devoirs sur table...".

Ah ben oui, on n'y avait pas pensé !

Le TBI, tableau blanc interactif

Un article du Figaro.fr du 23 octobre expose une expérience pédagogique du TBI. Le TBI (ou TNI, comme on veut) n'est pas une nouveauté. Mais en ce moment, on en parle.


Il y a au moins dix ans, dans le lycée dans lequel j'enseignais, il y avait déjà plusieurs TBI. Mais presque aucun n'était utilisable, car des personnels avaient écrit dessus au marqueur, pensant qu'il s'agissait d'un tableau blanc "normal". Aujourd'hui, je n'ai pas de TBI dans ma salle, mais un ebeam, calé sur la coin du tableau, qui le transforme en TBI quand j'en ai besoin. C'est moins précis (utiliser geogebra avec le stylo interactif demande une précision inhumaine et une patience que même moi je n'ai pas, c'est dire...), mais c'est drôlement pratique. Surtout, cela me permet, lorsque je projette la leçon que les élèves ont en version papier devant eux, de souligner, d'annoter, puis de sauvegarder en l'état. On peut aussi enregistrer les éléments ajoutés par les élèves sur la figure ou le document projeté. Seul inconvénient, en dehors du manque de précision : la consommation en piles, relativement gargantuesque.

Au sujet du TBI, eduscol explique que "le TNI permet avant tout une souplesse dans la présentation des éléments présentés aux élèves pendant le cours. Il s'agit en effet d'un support pour le multimédia (texte, image, son) permettant l'affichage de documents numériques, la modification de ces documents ou, par exemple, l'enregistrement d'une séance de cours.
Il facilite également l'activité des élèves au tableau grâce à la manipulation simple de fonctionnalités intégrées jusqu'alors externes au tableau classique : feutres multicolores, déplacement d'objets, instruments géométriques...
Le TNI est toujours associé à un logiciel qui offre la possibilité de création, de personnalisation et de modification de documents multimédia grâce aux différentes fonctionnalités proposées.
Même s'il est, avec l'ordinateur, l'un des outils TICE les plus connus on remarque en France des disparités.
"

L'expérience relatée dans l'article du Figaro s'appuie de façon intensive sur le TBI. La collègue qui l'utilise semble n'utiliser que lui. Son système de buzzer m'a l'air sympa et utile. J'avais cherché un moyen de faire ce genre de choses, mais sans trouver de solution. Pour certains types d'exercices, pour réveiller tout le monde tôt le matin, pour rendre ludiques ce qui ne l'est pas forcément, cela me semble une bonne idée. Et puis cela permet d'évaluer en continu, sans dramatiser l'idée d'évaluer. Malheureusement, l'article ne rentre pas dans le détail, ce qui est bien dommage.
Il me semble en revanche allouer des avantages excessifs au TBI : "Grâce au logiciel, elle peut préparer ses cours en amont, à la maison: elle n'aura plus qu'à cliquer pour que la leçon s'affiche à l'écran." Là, pas besoin de TBI, un vidéo projecteur suffit. Et préparer ses cours avant d'être face aux élèves est assez peu novateur. De même, l'article dit que les sacs sont moins lourds pour les élèves. Ils ont pourtant un cahier devant eux, et utiliser le TBI ne change rien, manuel numérique ou pas.

"Fini les règles en bois qui se cassent ou se volent, l'équerre à partager entre trois classes et la panne de craies au milieu du cours. Les outils numériques sont précieux, surtout en mathématiques: en trois clics, voilà un compas qui s'affiche sur l'écran et permet de tracer un cercle avec un doigt, ou un rapporteur qui mesure l'angle au dizième de degré près.". Là, je ne suis pas tout à fait d'accord. Même si j'utilise avec bonheur des applications qui permettent de mesurer précisément et facilement, l'enseignant a aussi besoin de manipuler devant les élèves, les mêmes outils qu'eux, et de les faire manipuler au tableau pour les corriger et leur permettre de se comprendre entre eux. Et la combinaison ordinateur - vidéo projecteur remplit cette fonction. Sans doute moins facilement, puisqu'on manipule à partir de l'ordinateur. Quant aux règles en bois et aux craies, c'est une vision rétrograde de la classe... De même, nous sommes bien équipés en matériel et les élèves brûlant d'envie de chaparder une équerre de 70 cm de long sont assez rares.

 Au final, le TBI est un outils, pratique et simple, mais il n'apporte pas tant de choses que voudrait nous faire croire cet article. Son gros inconvénient est qu'il prend de la place, et qu'il faut donc réduire le tableau blanc "classique" pour lui adjoindre un TBI. Question de choix personnel, donc.
La solution du tableau interactif à volonté, avec mon bidule dans le coin, me convient définitivement bien. En revanche, j'aimerais bien en savoir plus sur le système de boîtier pour répondre, qui m'a l'air vraiment intéressant.

Josette, le retour

Il m'a plu, le cahier de Josette. Alors mon historien m'a procuré le premier. Le mien, c'était le tome 2. Maintenant, j'ai aussi le début. Je compte me plonger dans les programmes de 1938 et tenter des comparaisons, mais pas tout de suite. Alors voici juste quelques remarques, ce qui m'a sauté aux yeux :
C'est fou comme le calcul algébrique est présenté de façon systématique. C'est vraiment aux antipodes de l'esprit des programmes d'aujourd'hui, de ce point de vue : le cahier d'algèbre de Josette est une succession de pages et de pages de calculs décontextualisés, répétitifs jusqu'à plus soif (ou jusqu'à l'écoeurement, cela dépend des gens je suppose). Le travail de Josette est toujours aussi impeccablement présenté, de façon simple mais efficace.

"Résoudre en employant la formule". Voilà une consigne qui me heurte, forcément. Je lutte contre les "formules", les recettes magiques qu'on en comprend pas. Certes, identifier une forme de référence pour savoir de quel arsenal de méthodes on dispose, c'est nécessaire. Mais le risque est toujours de chercher à utiliser des "formules" à tort, ou mal à propos, comme les élèves qui écrivent ce genre de chose :

Une élève m'a récemment expliqué, en PPRE, pourquoi elle pensait pouvoir ainsi simplifier :
- le prof a dit que quand on a le même chiffre en haut et en bas, on les barre. C'est mieux, ça fait moins de chiffres.
- D'accord ; et pourquoi tu les barres ?
- Je ne sais pas. On fait comme ça. J'ai le droit. Enfin je crois... J'ai pas le droit ?

Voilà. "On fait comme ça." Sauf que pour pouvoir démonter la représentation de cette élève, il a fallu revenir loin, loin. A des choses que son professeur lui avait forcément dites, d'ailleurs. Mais qu'elle n'avait pas entendues, voulu entendre ou comprises à ce moment-là. Lui montrer que 7/5 et 5/3 ne sont pas égales n'a pas suffit. Même avec des exemples qui "tombaient justes", elles n'était pas convaincue. Alors nous avons dépilé les problèmes un par un, mais c'est une autre histoire.
Forcément, c'est plus facile de se dire "j'ai le droit de barrer parce que c'est pareil en haut et en bas" que "Tiens, ici mon calcul revient à 2:2, et ça donne 1", ou "Vu les priorités de calculs, dans ce cas-ci je peux simplifier, mais dans celui-ci non". Mais c'est souvent faux.



Et surtout, je ne me sens (et je ne me veux) pas prof de méthode ou de technique. Pour ça, il y a les bouquins, internet, etc. Je ne veux pas juste être un prof qui transmet des notions. Je veux être un prof qui apprend à comprendre, à se questionner, à trouver des ressources pour répondre. Comme quand on élève un enfant : on ne doit pas lui apprendre à être comme ci ou comme ça (même si des références morales et culturelles sont indispensables), mais chercher à le rendre autonome, à savoir mobiliser les bonnes connaissances, les bonnes références au bon moment, à être créatif, à réfléchir.
Je ne dis pas que madame Valentin s'en fichait de faire comprendre des choses à Josette, attention. Disons que c'était une autre époque, et manifestement un public différent. Aujourd'hui, un cahier d'élève (et un bon élève, en plus), c'est ça :


Et on n'attend pas d'un élève qu'il écrive bien, même si on l'apprécie. Quant aux gribouillis dans un cahiers d'exercices, c'est plutôt un signe de santé : on réfléchit, on se trompe, on gribouille joyeusement, on recommence, on corrige. Bref, on s'amuse.

Une autre remarque, car cela m'a frappée : madameValentin écrit Ex pour exact ou Fx pour faux, dans la marge, et c'est tout. Rien n'est corrigé ensuite. C'est très intrigant : n'y avait-il aucun moment dévolu à la correction ? Comment remédiait-on aux difficultés ?





Enfin, un chapitre est toujours organisé de la même façon, et ce n'est plus du tout notre façon de procéder maintenant. Là aussi, c'est très aride :
d'abord, la leçon :



Ensuite, à quoi ça sert :


Et enfin, la liste des exercices :


 

Voilà. Simple, et sans doute efficace, vu les résolutions de Josette, qui forcent l'admiration, même si de temps en temps elle se trompe joliment.
On est loin des activités de découverte, des éléments d'histoire des maths pour redessiner le cheminement logique jusqu'à une notion, des manipulations d'aujourd'hui.
Et moi, je préfère être aujourd'hui. Même si à l'époque de Josette et de madame Valentin, enseigner devait être plus simple.