Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

lundi 9 mai 2016

Maths et jeu de rôles, questions-réponses

J'ai récemment reçu des questions de plusieurs collègues sur mon fonctionnement. Alors voici les questions, et mes réponses.

Comment vous est venue l'idée de créer un jeu de rôle? 

J'ai plusieurs réponses, en fait :

  • Je suis rôliste depuis longtemps et je connais assez bien le milieu du jeu de rôles. J'ai joué à pas mal de choses, et été maître du jeu plus souvent encore. C'est donc pour moi un univers "naturel".
  • Les mécanismes de jeu de rôle sont assez... mathématiques ! Il y a beaucoup de rigueur, là-dedans, des implications de cause vers conséquence, tout ça; Je trouve ça très bien adapté aux maths.
  • J'aime l'aspect visiblement évolutif des personnages de jeu de rôles. En jdr, on progresse, on gagne des niveaux, de l'expérience. Même si parfois on fait un gros fumble...
  • J'aime aussi le côté coopératif : on a besoin d'être ensemble et de reconnaître les talents de chacun pour réussir mieux, pour parvenir à accomplir ce qui aurait été un exploit, voire impossible seul. Or je voulais en même temps installer ce projet, passer en ilots et généraliser le travail de groupes.
  • Je ne voulais plus de notes, mais un quantificateur purement sommatif, sans moyenne. Le système d'XP permet de se situer, mais de façon globale, jamais ponctuelle. On se situe grâce au total d'XP sur l'année, et de ce fait une performance décevante n'est pas stigmatisante, ni spécialement invalidante. Le niveau résume encore davantage cette idée.
  • J'avais envie d'un mécanisme qui parle aux enfants, et d'abord à eux. Lorsque je reçois des parents, je constate qu'ils suivent les progrès de leurs enfants, mais par Sacoche, du point de vue des compétences. Les XP, le niveau, ils nous les laissent, en général. J'aime bien ça : c'est entre eux et moi, même si c'est tout à fait public.
  • J'avais envie de changer mes pratiques, de me rapprocher de ce que je suis, de comment je sens les choses. Et de fantaisie, d'humour, d'une iconographie qui change dans les cahiers.

J'ai mis du temps à sauter le pas. Mais le bouquin "Mutliplayer classroom" m'a définitivement donné envie de mettre en place un système du même genre. Et puis mon éminence grise personnelle m'a poussée à me lancer (après m'avoir déniché le bouquin, d'ailleurs).


Allez-vous continuer ?

Oui. Ca marche, ça me plaît. Je me demande si je vais plus loin ou pas, en revanche. Pour ça il me faut les outils numériques qui suivent, pour que cela ne se transforme ni en galère, ni en usine à gaz. Mais mes étudiants en M2 Meef à l'espe ont de tas d'idées très chouettes, qui me font envie. Par exemple, c'est une stagiaire qui m'a donné l'idée du manuel du joueur, l'année dernière. Et quelle idée ! Ca a changé pleine choses, en mieux !
En plus, il ne faudrait pas que je m'encroute dans des habitudes. Il faut donc que je fasse évoluer tout ça.


Les élèves font ils les donjons/quêtes/boss par choix?

Je ne suis pas sûre de comprendre la question.
Les élèves choisissent de faire des quêtes par choix, de façon facultative. D'autres sont obligatoires. Les donjons correspondent plus aux problèmes ouverts, et les boss aux évaluations. Parfois il y a des degrés de liberté dans les consignes, ou un choix entre plusieurs, et parfois pas.
En revanche, ils me proposent des thèmes : nous avons fait une quête Harry Potter la semaine dernière, et je travaille sur une quête One Piece pour bientôt.


Avancent-ils tous au même rythme dans la progression?

Non. Nous avons un objectif commun, avec des points d'étape où tout le monde rassemble ses connaissances, ses compétences, ses expériences. Mais certains vont plus loin que d'autres, et plus vite, tout en restant dans les mêmes champs. Comme mes activités mobilisent des thèmes variés, je peux toujours choisir d'engager les plus rapides ou ceux qui ont déjà compris vers des prolongements qui restent attachés à ce que fait l'ensemble de la classe.


Les élèves prennent-ils les cours quand même au sérieux ?

Oui : nous bossons très dur, mais avec un maximum de plaisir. Sans note, j'évalue tout, tout le temps. En enregistrant, en filmant, en écoutant, en ramassant les brouillons, au tableau, sur feuille... Cela a comme effet qu'ils soient tout le temps impliqués. Un élève m'a dit l'année dernière : "en fait c'est perfide vot'truc madame : on a l'impression que c'est agréable, qu'on s'amuse, on ne s'ennuie pas. Mais en fait moi je bosse carrément plus !" C'est ce que je cherche, même si je ne suis pas perfide, en vrai.


Les élèves apprennent-ils leurs leçons sans copier le cours écrit au tableau ?

Il y en a qui ne l'apprennent pas, évidemment. Mais entre les vidéos (souvent rigolotes, donc qui captent l'attention), les retours permanents que permet la progression spiralée, les reformulations systématiques, le fait que ne pas copier permet de faire deux fois plus d'exos, les XP à gagner quand on fait des exos en plus, les inters plickers fondées sur les automatismes, etc., c'est difficile de ne pas savoir tout un tas de choses. Je permets aussi aux élèves de refaire des évals lorsqu'ils ne sont pas contents d'eux. Ils révisent, du coup, pour préparer la suivante. Et progressent. Et prennent différemment l'erreur.


Que gagnent-ils à avoir beaucoup d'XP ?

Des pouvoirs, utilisables chacun une fois d'ans l'année : écouter de la musique dans les écouteurs pendant une séance d'exercices, avoir droit à un coup de pouce en évaluation, ne pas avoir de croix pour matériel oublié... Des petits bonus qui les ravissent et ne sont pas lourds de conséquences, excepté dans la respiration que leur donne cette latitude : utiliser un pouvoir qui fait plaisir, quand on veut. Décider, un peu.


Vous dites quoi aux gens qui vous disent que ce n'est pas sérieux ?

Rien, car en général "les gens" ne me disent pas cela. Ceux qui sont concernés directement ou indirectement voient bien le travail, les progrès, l'efficacité. Les autres, ils peuvent venir me voir, si ils veulent ! Ma porte est ouverte... Au propre comme au figuré.

3 commentaires:

  1. Ah, on peut vraiment venir te voir? ^^

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  2. Bien sûr ! Mes élèves sont habitués : des stagiaires viennent régulièrement observer, mais aussi des collègues, second et premier degré. C'est toujours enrichissant pour moi d'avoir un regard extérieur, de pouvoir discuter.
    Quand tu veux ! :-)

    Sinon aujourd'hui je suis à Schumann-Perret... J'ai mes cahiers avec moi, si tu en as le temps et l'envie !

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  3. Ha zut de zut. j'avais le temps et l'envie, mais pas l'info... je ne suis pas très connecté on va dire.

    Je retiens l'invitation, il faudrait voir quand c'est possible après.

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