Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

mercredi 9 novembre 2016

Sondages, arithmétique et élections américaines


Après la "surprise" Trump, les instituts de sondage vont sans doute s'en prendre plein la poire. C'est une erreur, pourtant.

Un sondage est toujours assorti d'une marge d'erreur, principe sur lequel travaillent les élèves de lycée dès la classe de seconde, au travers du thème de la fluctuation d'échantillonnage. Cette marge d'erreur est relativement importante. Mais elle n'est jamais visible dans les présentations de résultats de sondages, dans les médias. C'est vrai que cela compliquerait considérablement la lecture, l'appréhension rapide des données exposées. Il faudrait même réfléchir un peu, ce qui n'est pas très mode. Pourtant, en prenant en compte l'intervalle de fluctuation, les sondages sont souvent exacts. C'était le cas par exemple lors des élections présidentielles françaises, quand le premier tour a donné lieu au face à face Chirac - Le Pen.


En plus, les sondages s'appuient sur de la sociologie. Définir un échantillon représentatif, c'est compliqué. Il faut un effectif total important, et une représentativité de chaque type de tendance qui soit proportionnelle à la population totale. Et enfin, il faut que les personnes interrogées répondent de façon représentative par rapport à leur prise de décision ultérieure : ni mensonge, ni dissimulation, ni changement d'avis. Pas évident.

Huffington Post
Un autre outil mathématique qui est apparu dans la presse ces derniers jours est un savant mélange d'arithmétique et de probabilités : quelles combinaisons (en terme de nombre de grands électeurs par Etats américains) mèneraient à la victoire de l'un ou de l'autre des candidats ? A nouveau, c'est l'utilisation et non l'outil mathématique qui est inadaptée : ces combinaisons n'étaient pas équiprobables, et les comparer de manière égalitaire est une erreur.
Ce ne sont donc évidemment pas les outils mathématiques qu'il faut invalider. Ce qu'il faut interroger, c'est la méthodologie, du point de vue sociologique, des instituts de sondage, et surtout les choix, dans le fond et la forme, de ce qui est transmis dans les médias. On pourrait aussi de demander si les sondages sont utiles et constructifs : le jeu en vaut-il la chandelle ?
Et puis il faudrait arrêter de penser que parce qu'on balance des données quantitatives et de jolis graphiques, on est professionnel et sérieux. Que parce qu'on joue aux maths, on développe des arguments. On peut évidemment faire n'importe quoi avec les mathématiques. Si j'ai envie, j'applique le théorème de Pythagore à un triangle qui n'est pas rectangle ; ce n'est pas parce que je le fais que c'est pertinent et/ou juste. L'utilisation d'un outil mathématique se raisonne, se questionne, se justifie.

Je vous invite à lire un article d'Images des mathématiques, le site du CNRS, très clair sur le sujet, écrit par par Avner Bar-Hen et Jean Chiche, dont je vous livre la conclusion (mais il faut lire le reste, pour comprendre) :
Des progrès sont toujours possibles dans les enquêtes. L’expérimentation dans l’écriture des questionnaire en est un. D’autres progrès sont sans doute possibles, notamment dans le traitement de l’indécision politique : repérer les abstentionnistes potentiels, déceler les choix « clignotants », raisonner non plus en termes de certitudes de choix mais de probabilités d’intentions de vote affectés à tel candidat, faire entrer en ligne de compte le poids de la conjoncture économique telle que la perçoivent les électeurs. Enfin, ni l’enseignement des mathématiques ni l’instruction civique n’inculquent une culture de la présentation de l’incertitude du sondage. La seule présentation du nombre de sondés est une représentation bien trop imparfaite de la qualité d’une enquête et d’autres indicateurs doivent être mis au point. Enfin il n’y a pas de fatalité à voir les enquêtes politiques, même quand elles sont bien faites, démenties par la réalité.

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