Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

samedi 25 octobre 2014

Josette, le retour

Il m'a plu, le cahier de Josette. Alors mon historien m'a procuré le premier. Le mien, c'était le tome 2. Maintenant, j'ai aussi le début. Je compte me plonger dans les programmes de 1938 et tenter des comparaisons, mais pas tout de suite. Alors voici juste quelques remarques, ce qui m'a sauté aux yeux :
C'est fou comme le calcul algébrique est présenté de façon systématique. C'est vraiment aux antipodes de l'esprit des programmes d'aujourd'hui, de ce point de vue : le cahier d'algèbre de Josette est une succession de pages et de pages de calculs décontextualisés, répétitifs jusqu'à plus soif (ou jusqu'à l'écoeurement, cela dépend des gens je suppose). Le travail de Josette est toujours aussi impeccablement présenté, de façon simple mais efficace.

"Résoudre en employant la formule". Voilà une consigne qui me heurte, forcément. Je lutte contre les "formules", les recettes magiques qu'on en comprend pas. Certes, identifier une forme de référence pour savoir de quel arsenal de méthodes on dispose, c'est nécessaire. Mais le risque est toujours de chercher à utiliser des "formules" à tort, ou mal à propos, comme les élèves qui écrivent ce genre de chose :

Une élève m'a récemment expliqué, en PPRE, pourquoi elle pensait pouvoir ainsi simplifier :
- le prof a dit que quand on a le même chiffre en haut et en bas, on les barre. C'est mieux, ça fait moins de chiffres.
- D'accord ; et pourquoi tu les barres ?
- Je ne sais pas. On fait comme ça. J'ai le droit. Enfin je crois... J'ai pas le droit ?

Voilà. "On fait comme ça." Sauf que pour pouvoir démonter la représentation de cette élève, il a fallu revenir loin, loin. A des choses que son professeur lui avait forcément dites, d'ailleurs. Mais qu'elle n'avait pas entendues, voulu entendre ou comprises à ce moment-là. Lui montrer que 7/5 et 5/3 ne sont pas égales n'a pas suffit. Même avec des exemples qui "tombaient justes", elles n'était pas convaincue. Alors nous avons dépilé les problèmes un par un, mais c'est une autre histoire.
Forcément, c'est plus facile de se dire "j'ai le droit de barrer parce que c'est pareil en haut et en bas" que "Tiens, ici mon calcul revient à 2:2, et ça donne 1", ou "Vu les priorités de calculs, dans ce cas-ci je peux simplifier, mais dans celui-ci non". Mais c'est souvent faux.



Et surtout, je ne me sens (et je ne me veux) pas prof de méthode ou de technique. Pour ça, il y a les bouquins, internet, etc. Je ne veux pas juste être un prof qui transmet des notions. Je veux être un prof qui apprend à comprendre, à se questionner, à trouver des ressources pour répondre. Comme quand on élève un enfant : on ne doit pas lui apprendre à être comme ci ou comme ça (même si des références morales et culturelles sont indispensables), mais chercher à le rendre autonome, à savoir mobiliser les bonnes connaissances, les bonnes références au bon moment, à être créatif, à réfléchir.
Je ne dis pas que madame Valentin s'en fichait de faire comprendre des choses à Josette, attention. Disons que c'était une autre époque, et manifestement un public différent. Aujourd'hui, un cahier d'élève (et un bon élève, en plus), c'est ça :


Et on n'attend pas d'un élève qu'il écrive bien, même si on l'apprécie. Quant aux gribouillis dans un cahiers d'exercices, c'est plutôt un signe de santé : on réfléchit, on se trompe, on gribouille joyeusement, on recommence, on corrige. Bref, on s'amuse.

Une autre remarque, car cela m'a frappée : madameValentin écrit Ex pour exact ou Fx pour faux, dans la marge, et c'est tout. Rien n'est corrigé ensuite. C'est très intrigant : n'y avait-il aucun moment dévolu à la correction ? Comment remédiait-on aux difficultés ?





Enfin, un chapitre est toujours organisé de la même façon, et ce n'est plus du tout notre façon de procéder maintenant. Là aussi, c'est très aride :
d'abord, la leçon :



Ensuite, à quoi ça sert :


Et enfin, la liste des exercices :


 

Voilà. Simple, et sans doute efficace, vu les résolutions de Josette, qui forcent l'admiration, même si de temps en temps elle se trompe joliment.
On est loin des activités de découverte, des éléments d'histoire des maths pour redessiner le cheminement logique jusqu'à une notion, des manipulations d'aujourd'hui.
Et moi, je préfère être aujourd'hui. Même si à l'époque de Josette et de madame Valentin, enseigner devait être plus simple.

5 commentaires:

  1. "Quand aux gribouillis dans un cahiers d'exercices, c'est plutôt un signe de santé : on réfléchit, on se trompe, on gribouille joyeusement, on recommence, on corrige. Bref, on s'amuse." Pareil quelques années après dans les lettres de motivation ou les CV. Bof, pas grave.

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    1. Je n'ai pas dit cela : dans un cahier de maths, on cherche. Sur une copie, on rédige et on présente un travail abouti. Comme sur un CV ou une lettre de motivation, qui se doivent évidemment d'être impeccables.

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  2. "Quand aux gribouillis" --> "Quant aux gribouillis" :-)

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  3. Je ne suis désormais plus anonyme. Merci pour votre article !

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