Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

mardi 2 décembre 2014

La culture des notes en France

Des amis m'ont signalé cette émission sur France Culture. Pierre Merle, sociologue et enseignant à l'ESPE et à l'université, présenté comme spécialiste de l'évaluation, était invité à l'occasion de la conférence nationale sur l'évaluation des élèves.

Cette émission a le mérite de proposer aux auditeurs une réflexion que j'ai trouvée mesurée et apaisée sur les notes.
La question de l'évaluation sommative ou par compétences agite beaucoup trop violemment les esprits, des parents parfois, mais surtout des enseignants. Les réactions sont vives lorsqu'il s'agit de s'opposer à la mise en place en établissement de classes sans notes et de travail par compétences (l'évaluation sans note n'a pas de sens si l'on ne travaille pas entièrement pas compétences, y compris dans la construction des séquences. Sinon c'est une usine à gaz épuisante et moins productive à mon avis). Comme souvent, les collègues qui se lancent dans l'aventure sont questionnés, parfois contestés par leurs pairs, qui désapprouvent, alors que la liberté de poursuivre avec leur système habituel leur est laissée. C'est toujours la même problématique : ceux qui changent inquiètent les autres. Avec en filigrane l'éternelle ritournelle du "oui mais si tu t'engages individuellement dans cette voie, un jour on me demandera de le faire aussi et je n'ai pas envie". J'ai la grande chance de ne pas vivre cela dans mon propre établissement (en tout cas de façon explicite), mais en deux jours j'ai reçu trois témoignages de collègues d'autres collèges qui se heurtent à l'hostilité plus ou moins franche de leurs collègues. Pour certains c'est désagréables, pour d'autres c'est déstabilisant. Dans tous les cas c'est anormal et infantile.
La liberté pédagogique s'applique dans les deux sens : respectons-nous, simplement, et lâchons-nous mutuellement les baskets.

Pour en revenir à l'émission, Pierre Merle rappelle l'importance de la perception de soi de l'élève en tant qu'élément d'apprentissage, l'interprétation biaisée et incomplète de la note par les élèves et les parents, le système anachronique actuel, les inégalités croissantes. Il revient sur l'échec de l'école, tout à fait inacceptable et insupportable. Ce sont des éléments connus et Pierre Merle n'apporte pas de nouveautés, mais il synthétise et présente un bilan clair et structuré. J'ai particulièrement apprécié ses nuances sur l'évaluation bienveillante : évidemment l'évaluation se doit d'être bienveillante, mais elle doit aussi être exigeante.
On peut travailler en respectant l'estime de soi et être exigeant. On peut être bienveillant et ambitieux pour ses élèves. Ne pas noter, ce n'est pas rabaisser ses exigences. Au contraire ; on peut aller plus loin avec ceux qui, à un moment donné, sur un point donné, y sont prêts. Et aider en parallèle les élèves en difficulté. Je l'observe en classe, car je ne suis jamais allée aussi loin dans la précision et les prolongements en classe. Mais en même temps, je constate avec bonheur que beaucoup d'élèves qui partaient découragés, fatigués, négatifs, sont en train de décoller, dans tous mes niveaux sauf ma classe de troisième (pourquoi ? Je ne sais pas. Je réfléchis). Autrement dit, ça marche. Pierre Merle le dit : les enseignants qui s'engagent dans le changement de l'enseignement par compétences ne voudraient pas revenir en arrière. C'est bien mon cas. Il explique aussi que l'on manque de recul pour mesurer l'impact de ces évolutions, même si l'on sait que les enseignants sentent plus efficaces et que les élèves sont moins stressés ainsi.

Pierre Merle dit :
" Quand il y a une compétition scolaire, il y a des perdants (...). Les perdants perdent aussi l'intégration sociale et professionnelle pour leur vie entière. Ce ne sont plus des perdants, ce sont des victimes. (...) On ne met pas les individus en compétition quand ils ne sont pas armés. Le but est d'abord de donner à chacun les moyens de se défendre. (...) Notre société est peut-être trop en compétition et on devrait la penser autrement. On peut changer l'école pour changer société. "

En voilà, une belle phrase. Allons-y, monsieur Merle. Changeons l'école POUR changer société.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire