Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

mardi 14 juillet 2015

Mathématiques pour maman

Hier, nous sommes allés à Quevreville la Poterie. J'avais achevé de mettre en pot des litres et des litres de confiture, lavé une grande partie des draps, couettes et oreillers de la maison, nous avions tout bien nettoyé et rangé. Alors nous sommes partis fouiner dans cette IMMENSE bouquinerie.

J'en ai trouvé, des choses. Pour la fille d'amis, pour mon papa, pour mes élèves de l'année prochaine, pour mon mari, pour moi. J'ai même trouvé les trois bouquins de Piaget que je cherchais depuis si longtemps, et deux de Baruk. Et à vingt centimes, en plus. Mais ma pépite, la voilà :


Au départ, quand je suis tombée sur ce bouquin, j'ai été intriguée. Je suis maman, j'aime les maths, il s'adressait donc sans doute à quelqu'un comme moi, il y a quelques dizaines d'années. Impression corroborée par le feuilletage rapide du livre : il y est question de théorie des ensembles, de "maths modernes". Allez hop, me suis-je dit, 1€ pour un bouquin qui m'appelle, c'est une aubaine.

Rentrée à la maison, je feuillette l'introduction. Là, je me suis dit une bonne dizaine de fois que l'époque n'est pas la même, mais tout de même. 1969, c'est tout récent. Et n'aurait été le regard amusé de mon mari attendant que je pique une crise de féminisme aigü, je me serais bien laissée aller...

Je cite (et je commente. Faut que ça sorte) :
"Nous aurons pu réaliser à votre intention, madame, un abrégé de "Mathématiques pour Papa" à grand renfort de ciseaux et de colle."
En effet, les auteurs ont tout d'abord écrit un Mathématiques pour Papa, que j'ai commandé et que j'attends avec hâte. Le ton en sera-t-il aussi condescendant ? Ca part mal : mathématiques pour Papa couvre des petits classes à la terminale, quand Mathématiques pour Maman s'arrête en troisième. Faut quand même pas en demander trop à Maman, après elle va oublier de surveiller le rôti sinon.          "Nous avons préféré vous écrire quelque chose d'entièrement différent, mieux adapté au climat intellectuel de ces heures bénies où, tout à la fois, votre fils de onze ans vous demande la différence entre une injection et une bijection, votre fille de neuf ans souffre sur une addition en système binaire et confond dangereusement ses études avec l'ensemble vide, votre petit dernier hurle dans le berceau pour vous obliger à le prendre dans vos bras, le téléphone sonne et, dans votre four, un gâteau d'anniversaire hésite doucement entre le Tanezrouft et le carbonifère..."
 Le "climat intellectuel de ces heures bénies" ??? Ils décrivent l'enfer, ces gars-là, et ils parlent de climat intellectuel et d'heures bénies ??? Cela mis à part, on reste songeur sur l'étude des injections, surjections de bijections à en sixième et sur le calcul en base deux en CM1. Et puis enfin, le parallèle entre le gâteau qui brûle avec le Tanzrouft (un désert situé à cheval sur l'Algérie et le Mali) et le carbonifère me semble relever d'un humour assez peu scientifique de par l'hétérogénéité des parallèles.

"Autant vous avouer tout de suite notre hypothèse de départ : nous vous avons supposée furieusement littéraire, déclarant à tous échos n'avoir jamais rien compris aux mathématiques, donc vous avez, d'ailleurs, scrupuleusement presque tout oublié."

Serge, René, si vous m'autorisez cette familiarité, autant vous le dire tout net : vous auriez mieux fait de ne rien avouer du tout. Vous multipliez les erreurs et les maladresses, quand bien même vous êtes pétris de bonnes intentions.
D'abord, pouquoi madame Godiche est-elle forcément "furieusement littéraire" ? Pourquoi "furieusement", pourquoi "littéraire" ? Pourquoi aussi est-ce en opposition, d'être scientifique et littéraire ?
Ensuite, pourquoi madame Godiche au gâteau carbonisé doit-elle être activement contre les maths ? Elle pourrait simplement ne pas s'y intéresser, ou ne pas avoir compris, sans fureur déclarative. Elle peut aussi n'avoir pas retenu toutes ces notions abstraites, parce qu'elles ne lui servent à rien dans son quotidien aussi rempli que solitaire. Elle a peut-être non pas scrupuleusement, mais simplement oublié.
C'est vrai cependant, pas mal de gens revendiquent leur désamour des maths, affirment leur incompétence avec force. C'est bizarre. Je suis, pour ma part, une quiche en gymnastique, mais cela ne me rend pas fière.

Ca m'a rappelé ce qui disait Villani dans Comment j'ai détesté les maths, à partir de la trentième seconde de la bande annonce :


Bon. Une fois cette délicieuse introduction passée, force est de constater que l'ouvrage est plutôt bien fait. Assez pédagogique, s'appuyant sur des cas concrets (le plus souvent relatifs aux enfants, car madame est surtout Maman, et épouse, mais il reste fort peu de place à autre chose). C'est dommage que tout soit sous-tendu par cette incroyable condescendance.

L'icône signifie "fondamental"

Celle-ci signifie "A vous de jouer !"



Là, j'ai du mal. Avec Papa et Maman.

Ils s'énervent, là, Serge et René, non ? 
La fin du livre m'a surprise : on y emmène madame (oh pardon, Maman) vers l'ensemble des nombres complexes, les matrices et les graphes. De façon sommaires, le tout résumé en trois pages, mais cela révèle une certaine ambition.

La conclusion, fort galante :




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