Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

vendredi 24 juin 2016

Comment cause-t-on les mathématiques ?

Les philosophes et les scientifiques en débattent encore, avec des théories contradictoires qui s'affrontent : peut-il y avoir une pensée sans langage ? Et plus spécifiquement, peut-il y avoir une pensée mathématique sans langage ?

Pour Noam Chomsky, linguiste et philosophe américain, la réponse est non : l’activité mathématique a émergé chez l’Homme comme conséquence de ses capacités de langage. Selon lui, le langage est une faculté innée qui a émergé pour nous aider à manipuler l'information, mathématique y compris. Pourtant, beaucoup de scientifiques pensent que la réflexion mathématique est indépendante du langage. D'ailleurs, cette hypothèse concorde avec d’autres observations : certains enfants ou adultes qui disposent d’un vocabulaire numérique très pauvre sont capables de réaliser des opérations arithmétiques avancées, et certains patients aphasiques peuvent encore faire du calcul et de l’algèbre.

Et là, les neurosciences entrent en action. Ce "nouvel" outil, encore en plein développement, permet, en observant l’afflux sanguin qui apporte l’oxygène nécessaire au fonctionnement des neurones, permet d’en localiser l’activité.
" Pour la première fois, nous avons pu mettre en place une expériencepermettant de déterminer quelles aires cérébrales sont impliquées dans la réflexion mathématique de haut niveau. Allongés dans un IRM, un casque sur les oreilles, une quinzaine de mathématiciens ont écouté une série d’affirmations mathématiques et non-mathématiques de haut niveau. Pour chaque affirmation, ils disposaient d’une poignée de secondes pour déterminer si elle était vraie, fausse ou absurde. "

La conclusion de cette expérience est que les aires cérébrales activées par les mathématiques et celles du langage n'ont aucune intersection.

Sur l'image ci-dessous, les zones bleues correspondent aux zones activées lorsque la réflexion des mathématiciens porte sur des objets mathématiques. Ce réseau ne présente aucun recouvrement avec les aires du langage. Les zones vertes correspondent à une réflexion sur un problème d’histoire ou de géographie, sans recouvrement avec les zones bleues des maths, et impliquait certaines aires du langage (en vert).

Autre observation au travers de cette étude : les mathématiques de haut niveau recyclent des fonctions cérébrales très anciennes dans l’évolution telles que le sens du nombre, de l’espace ou du temps.
Sur l'image ci-dessous, on remarque le recouvrement des aires cérébrales impliquées dans les mathématiques de très haut niveau (en rouge), des aires activées en réponse à la simple vue de nombres ou de formules mathématiques (en vert) et en réponse à des calculs simples (en bleu) chez les mathématiciens professionnels comme chez les non-mathématiciens (des chercheurs de même niveau universitaire, mais sans formation scientifique, qui avaient participé à cette expérience)

De récentes études d’imagerie cérébrale ont de plus suggéré que ce réseau est déjà impliqué chez les jeunes enfants non encore scolarisés lorsqu’ils mobilisent des intuitions mathématiques reliées au nombre et à l’espace dont nous disposons tous à la naissance et que nous partageons avec de nombreuses autres espèces animales. Ce réseau est d’ailleurs également présent lorsque les singes macaques reconnaissent un certain nombre d’objets concrets. Cela suppose que ce réseau préexiste à l’apprentissage des mathématiques à l’école, et qu’il se développe ensuite avec l’éducation que l’on reçoit : l’activation des régions de ce réseau est amplifiée chez les mathématiciens par rapport aux non-mathématiciens. 
L'article conclut : " même si la relation entre mathématiques et langage doit encore être interrogée dans le contexte de l’apprentissage des mathématiques à l’école, les résultats de notre étude semblent éclairer les mécanismes cérébraux de la réflexion mathématique et donner raison à Albert Einstein qui affirmait : « les mots et le langage écrits ou parlés ne semblent jouer aucun rôle dans mon mécanisme de pensée. Les briques de base de ma pensée sont au contraire des signes ou des images, plus ou moins clairs, que je peux reproduire et combiner à volonté »."
Ecrit à partir de l'article de The Conversation : Les mathématiques de haut niveau, au cœur de l’étude du cerveau, en date du 3 mai 2016.

4 commentaires:

  1. Coucou,

    Super intéressant....j'étais persuadé de la construction d'images mentales en maths mais je pensais aussi que les échanges oraux (et donc le langage) permettait de construire les maths. C'est con 70% de mon cours se passe à l'oral, peut être devrions nous imaginer quelques séances de maths muettes!!
    Sourire bisous a+

    RépondreSupprimer
  2. Bien sûr que les échanges oraux permettent de faciliter la transmission de connaissances vers nos élèves ; sinon nous ne servirions à rien. Là, c'est bien de la réflexion, d'une démarche intériorisée d'appropriation que nous parlons. L'article dit bien d'ailleurs que l'éducation que l'on reçoit développe plus ou moins le réseau des aires cérébrales "mathématiques". Je vais creuser le sujet, car il est en effet passionnant.

    RépondreSupprimer
  3. J'avais compris...sourire...c'était une boutade!!

    A propos d'image mentale, je me suis inspiré de jean luc bregeon pour faire de la géométrie mentale avec mes élèves.

    http://jean-luc.bregeon.pagesperso-orange.fr/Page%203-9.htm

    Ainsi qu'un travail sur les figures références pour les théorèmes...

    Pour l'arithmétique, j'utilise beaucoup les cailloux (nombres carrés, rectangles, triangles...décomposition en facteurs premiers).

    a+ mr

    RépondreSupprimer
  4. J'avais aussi compris que tu avais compris, mais tu sais, nous sommes lus, alors je préfère être explicite... Je regarde ton lien, merci !

    RépondreSupprimer