Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

samedi 4 juin 2016

Nos nouvelles carrières enseignantes

Hier, notre ministre nous a à nouveau adressé un message vidéo. Cette fois pour présenter ce dont les médias parlaient déjà depuis quelques jours : un nouveau dispositif d'avancement et de rémunération de nos métiers.


Que nos carrières soient revalorisées, c'est bien. Je ne suis pas sûre que cela suffira à concentrer les votes enseignants sur le parti socialiste dans moins d'un an. Mais le Café pédagogique explique, en allant au-delà de la seule amélioration du niveau de vie des enseignants :
"Pour l'OCDE, augmenter le salaire des professeurs est un levier d'amélioration des systèmes éducatifs dans les pays riches. Elle a montré qu'il y a bien, chez les pays riches (plus de 20 000 $ de PIB) une tendance entre l'importance du salaire enseignant et le niveau de performance des élèves. La France où le salaire, relativement au PIB du pays, est plus faible que celui des enseignants coréens ou canadiens, performe moins bien qu'eux. La tendance est nette. Avoir des salaires élevés permet d'attirer vers les métiers de l'enseignement les meilleurs étudiants. Quand les salaires sont faibles, on se retrouve en manque d'enseignants ou avec des candidats médiocres qu'il faut bien accepter pour remplir les places. Et finalement la société paye la note...."


Les durées d’échelon deviennent fixes pour tous, comme c'est déjà le cas en hors- classe. Les nouvelles durées d’échelon seront à mi-chemin entre celles actuelles du choix et du grand choix.
On est loin de l'idée de mérite, et il y a du pour et du contre. Cela atténue profitablement les effets du carriérisme, mais ne motive pas forcément à un supplément d'âme pour qui n'est pas complètement convaincu. Toutefois, deux fois dans la carrière, l'enseignant pourra zapper un an : au bout de 7 ans et de 13 ans, 30% des profs auront un cadeau d'un an. Ils passeront d'une carrière évolutive sur 26 ans à une carrière évolutive sur 24 ans. Ce qui veut tout de même dire qu'ils finiront, dans tous les cas, leur carrière en terme d'évolution bien plus tôt que leur vie professionnelle (en même temps, au vu des graphiques de la fin du document du ministère, il est possible que j'ai mal compris car ça ne colle pas). Tout le monde pourra accéder à la hors classe, ce qui est une bonne chose.

Après le 3e échelon de la hors-classe, la classe exceptionnelle pointera le bout de son nez. Il faudra attendre le dernier rendez-vous de carrière, et cette nouvelle classe sera prioritairement accessible aux profs d'éducation prioritaire ou ayant occupé des missions ou responsabilités particulières, pendant au moins huit ans. Ce que j'ignore, c'est si c'est rétroactif : est-ce que cela comptera d'avoir exercé longtemps en REP mais de ne plus y être ? D'avoir été formateur et de ne plus l'être ? 

  

"Chaque enseignant bénéficiera de quatre rendez-vous de carrière pour faire le point de manière approfondie et objectivée sur son parcours." Hé bin c'est pas beaucoup, ça !


Quatre rendez-vous de carrière, à la place des inspections ? Quatre en quarante ans ? J'aurais préféré des entretiens d'évolution annuels, comme c'est le cas dans beaucoup d'entreprises. Si les pratiques pédagogiques d'un enseignant ne sont pas adaptées (ce qui m'implique pas forcément que ce soit un glandu : on fait aussi des erreurs de bonne fois !) sur tel ou tel point, comment peut-il les modifier avec un rendez-vous tous les quatre ans ? Et si il a des questions, qu'il a besoin d'un observateur et d'une conversation approfondie pour faire évoluer sa réflexion, pourra-t-il demander des "rendez-vous" supplémentaires ? Le rôle des chefs d'établissements n'est pas très clair non plus dans le document :

"L’évaluation doit permettre de plus et mieux faire participer les personnels d’inspection et, dans le second degré, les personnels de direction au pilotage pédagogique, à la formation continue, au suivi et au conseil individuels et/ou collectifs ainsi qu’à l’accompagnement des personnels enseignants dans le cadre de leur exercice et de leur parcours professionnels."
Les personnels de direction voient ici leur rôle renforcé du point de vue pédagogique. Et donc, ça se passe comment ?
"Les modalités d’évaluation feront l’objet d’un groupe de travail avec les organisations syndicales représentatives."
Ah. Bon, j'attendrai donc.

Point positif : un effort pour aligner le premier degré sur le second. La disparité actuelle est en effet un scandale, et il semble que la volonté du gouvernement soit d'y remédier.

Pour les personnels formateurs, on nous annonce plus de temps pour la formation, avec 4 à 6 heures de décharge. C'est sans doute très bien d'un point de vue global, car beaucoup de collègues forment en plus de leurs heures de cours, ce qui ne leur permet pas d'assurer cette mission dans de bonnes conditions. C'est une reconnaissance et un confort (et surtout, cela permet de ne pas être absent devant nos élèves) que de bénéficier d'une décharge. En revanche, que deviendront les formateurs qui assuraient plus de 6 heures de formation hebdomadaires ?

Au final (je fais attention, il paraît que je râle tout le temps sur le blog ; je ne veux pas devenir acariâtre...) tout ça est plutôt positif : nous allons être mieux rémunérés, et il est possible que le système présenté permette davantage de transparence, peut-être plus d'objectivité et d'impartialité dans les choix effectués. Ces mesures rendront-elles le métier plus attractif, nous amèneront-elles de étudiants plus motivés, plus convaincus (il y en a, bien sûr. Mais pas assez.) ? Cela reste à voir. Un collègue me faisait récemment part de ses doutes et son "amusement" devant tout ça, mais a conclu par "... mais Najat Vallaud Belkacem aura un bilan de réformes inédit !", et c'est vrai.

Attendons et observons. Sans être acariâtre, on peut au moins être méfiant attentif.

2 commentaires:

  1. Tu râles tout le temps, toi???
    C'est l'enthousiasme qui génère ce blog pourtant.c'est le premier mot qui me vient à l'esprit! Et l'enthousiasme ne peut perdurer qu'avec une bonne dose d'esprit critique alliée à une bonne dose de goût et d'inventivité!
    Comment s'est déroulée la formation sur les pratiques interdisciplinaires?

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  2. Merci !
    La formation s'est plutôt bien passée, au final, après quelques péripéties...

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