Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

dimanche 14 septembre 2014

Des chiffres et une lettre

Comme chaque année, j'ai demandé en début d'année à chacun de mes élèves de me représenter un chiffre, de façon à compléter les décimales du nombre pi affichées sur le mur du fond de ma classe.
Cette année, j'ai innové. Au lieu d'attribuer à chacun un chiffre précis (ce qui fonctionnait très bien les années précédentes), j'ai laissé chacun choisir.

Erreur. Grave erreur.

J'ai récolté un seul 2 et un seul 6. En revanche, j'ai des tonnes de 1 et de 8 et tout plein de 0. Et aussi une lettre, ce qui est plus original et inédit. Je suis bien embêtée car cela ne me permet pas de continuer mes décimales. En plus, pas de chance, dans les chiffres à venir, il me faut beaucoup de 2.

Cependant, c'est une observation amusante. En demandant à une de mes classes pourquoi ils avaient massivement choisi certains chiffres, j'ai eu pour réponse :
- le 0 il est rigolo, il est tout rond
- le 8 et le 0, ils font des ronds et il y a plein de choses faciles à représenter avec des ronds dedans
- le 2 il est trop compliqué à trouver dans un dessin
- le 6 et le 7 j'aime pas leur table (pourtant j'ai eu des 7 de façon notable).

Cela me rappelle le livre Je suis né un jour bleu, de Daniel Tammet. L'auteur est autiste façon Rain Man : c'est un calculateur prodige, qui connaît plus de 20 000 décimales de pi (encore lui), parle sept langues et a appris l'islandais en une semaine. Une particularité supplémentaire de Daniel Tammet est qu'il a réussi à mettre en mots son schéma mental et à en faire un livre. C'est très intéressant car il expose de façon intelligible un fonctionnement intellectuel "différent".
Par exemple, Daniel Tammet explique comment il calcule, grâce à un rapport presque affectif avec les chiffres et les nombres.
Extraits :

Selon les opérations, les formes diffèrent. De même, selon les nombres, j'éprouve des sensations et des sentiments distincts. Lorsque je multiplie par 11, je vois toujours des chiffres qui dégringolent dans ma tête. Les 6, quant à eux, sont les plus difficiles à mémoriser de tous, parce que ce sont pour moi de minuscules points noirs sans aucune forme ni texture. Pour les décrire, je dirais qu'ils ressemblent à de petits trous ou à des creux. J'ai des réponses visuelles, et parfois émotionnelles, pour chaque nombre jusqu'à 10 000. Je possède mon propre vocabulaire numérique et émotionnel, si l'on veut. De la même manière qu'un poète associe certains mots plutôt que d'autres, certaines combinaisons numériques sont pour moi plus belles que d'autres. Il y a des nombres qui se marient bien avec des nombres noirs comme les 8 et les 9 , mais moins bien avec des 6. Un numéro de téléphone comportant la séquence 189 est bien plus beau qu'un numéro comportant une séquence 116.
J'avais étudié le livre avec des élèves de seconde, une année, en AP. C'était passionnant, car la plupart se retrouvaient, au final, dans cette approche affective.
D'ailleurs, moi-même, je sais que 7x8=56 car je n'aime pas 7x8 et que 56 me semble piquante rêche.

1 commentaire:

  1. TRès sympa comme idée d'activité.

    Et sinon, ce que tu décris, c'est la synesthésie, qui serait l'apanage de 4% de la population humaine....
    http://fr.wikipedia.org/wiki/Synesth%C3%A9sie

    RépondreSupprimer