Des maths (mais pas seulement) pour mes élèves (et les autres).

dimanche 14 décembre 2014

[trwa] et les autres

Voici mon compte-rendu d'une partie de la conférence d'ouverture de la journée "élèves à besoins particuliers" tenue à l'ESPE mercredi 10 décembre 2014, par Katia Rovira.

Notre système numérique repose sur plusieurs représentations de natures différentes des chiffres :
III, 3, trois, , 11 en notation binaire, [trwa]etc. Pour les élèves, trois c'est surtout 3 (le chiffre arabe) et trois, le verbal.


             

 

Que ce soit en verbal ou en chiffre arabe, on observe un lexique et une syntaxe propres :
  • Le verbal est écrit et oral, avec des mots isolés (les unités, les dizaines jusqu'à 60, les cas particuliers comme onze (et non dix-un), douze, seize, et puis les mots comme cent, mille, etc.
  • Du côté du chiffre arabe, on a dix primitives lexicales (de 0 à 9) et un système positionnel.  Chaque nombre est obtenu par une somme de chiffres affectés de puissances de dix :


Pour savoir compter jusqu'à ..., il faut, selon Karen Fuson, progresser au travers de cinq niveaux d'élaboration de ce que l'on appelle la chaîne verbale :
  • le chapelet (vers 1, 2 ans) : l'enfant répète par imitation fixe 1-2, 1-2, 1-2, ...
  • la chaîne insécable (vers 4 ans) : l'enfant commence forcément par 1 et énonce les nombres avec des manques : 1 2 3 4 5 6 7 12 14 ...
  • La chaîne sécable (vers 5 ans) : l'enfant peut commencer à 4, par exemple, mais rencontre encore des difficultés avec les exceptions comme 72.
  • La chaîne numérique : la suite de nombres est emboîtée, sériée, cardinalisée et unitisée
  • La chaînes bidirectionnelle : comme ci-dessus mais dans les deux sens.

Les deux dernières étapes ne correspondent pas à un âge donné car les différences socio-culturelles jouent trop pour pouvoir généraliser.


Plusieurs visions de l'acquisition de la construction du nombre s'opposent :

  • Piaget s'est intéressé à la façon dont l'intelligence vient à l'humain. Il parle de constructivisme et d'intelligence par adaptation. Plus particulièrement, il s'est penché sur les maths. Pour Piaget (1941), le nombre n'est pas inné. Les capacités d'apprentissage le sont, mais l'enfant naît sans notion numérique préconçue. La nécessité d'une pensée opératoire et logique, de sérier (l'ordre), de classifier (les ensembles), sont nécessaires pour pouvoir maîtriser le nombre de façon abstraite. La notion du nombre est une action intériorisée réversible (1+1=2 et 2-1=1), qui vient après l'observation et l'intervention concrète sur le calcul (j'ai deux petites voitures devant moi, j'en saisis une, je n'en vois plus qu'une devant moi).
  • Les neuropsychologues critiquent cette vision des choses et pensent que le nombre est inné. Pour Dehaene (1997, auteur de La bosse des maths, et je lui ai consacré un article ici et un autre ) par exemple, les bébés de moins d'un an connaissent déjà certains aspects du concept du nombre, avant d'interagir avec leur environnement. Les objection à cela semblent aisées : même à moins d'un an, un bébé est déjà en interaction avec son environnement. Il voit ses mains, il voit ses parents, l'un, l'autre, les deux. Même avant la naissance, l'enfant réagit différemment à la voix de papa et à celle de maman. Il interagit déjà. Il faut que je creuse, car je pense que je passe à côté de quelque chose. Le propos me semble trop caricatural.
  • Selon Roger Lecuyer, dans La construction des premières compétences, beaucoup  de résultats ont été sur-interprétés. Il distingue des capacités précoces de deux types : différencier les petites quantités (moins de 3) est bien une compétence précoce (et observable aussi chez les animaux d'ailleurs). Mais les capacités numériques, comme d'effectuer des opérations, ne sont pas précoces. Il met aussi en garde contre le fait de confondre sensibilité numérique et
    sensibilité perceptive : si on montre un Mickey à un enfant, puis un autre, puis qu'on en enlève un, le fait qu'il réagisse ne signifie pas nécessairement qu'il mobilise des capacités arithmétiques. Par contre l'enfant voit bien qu'il y a des Mickeys et que ça change.                     
  • Madame Karmiloff-Smith et Monsieur Fischer on réactualisé Piaget (2009), avec le neuroconstructivisme. Selon eux, le cerveau se modifie de façon dynamique en fonction des multiples interactions de l'environnement, y compris en fonction des gènes. On est bien au-delà du débat inné/acquis : les deux sont complètement imbriqués.

Ca m'en fait, des ouvrages à lire, pour pouvoir approfondir et, peut-être, réussir à me forger ma propre opinion...

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